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Ma dose de cinéma

Minority Report - Un Spielberg mineur?

Publié le 18 Avril 2024 par Gaffeur in Science-Fiction, Suspense, Tom Cruise, Steven Spielberg

Bonbah si l'affiche le dit !

Bonbah si l'affiche le dit !

Tandis que je laissais tomber à la troisième tentative l'idée de visionner entièrement The Fabelmans, j'ai réalisé que cela faisait dix ans que Spielberg n'arrivait plus à me passionner. 
Alors certes Ready Player One m'a diverti et Pentagon Papers était une excellente surprise, mais rien à faire depuis le très bon Cheval de Guerre je ne parviens plus à apprécier les films de celui qui compte pourtant parmi les meilleurs.

Et tandis que je songeais à l'excitation que me procurent à chaque fois les Jurassic Park ou encore à l'émotion qui me gagne en pensant tout simplement à Tom Hanks faisant face à un char Tigre, je faisais le compte des oeuvres du cinéaste que j'aurai bien envie de revoir, et c'est là que j'ai eu une révélation !

Minority Report. Sans rire combien d'entre vous se rappellent encore que c'est ce bon vieux Steven qui a réalisé cette adaptation de la nouvelle de Philip K. Dick en 2002 ? 

Pourtant le film à l'époque fut un joli succès (300 millions de billets pour un budget de 100, c'est plutôt honorable même une fois les coûts marketing déduits) mais lorsqu'on tombe sur un article retraçant la filmographie du précurseur du blockbuster le film est rarement cité. 

Pour ma part je ne l'avais vu qu'une seule fois il y a pas loin de vingt ans, par conséquent bien que le twist final était resté dans ma tête (j'ai rarement aussi sursauté pour un coup de feu) une nouvelle vision s'imposait pour répondre à cette question : méritait-il de tomber dans l'oubli ? 

Y'a pas à dire Dick par Spielberg ne pouvait que donner un truc très actuel

Y'a pas à dire Dick par Spielberg ne pouvait que donner un truc très actuel

La société parfaite

En 2054 le district de Washington effectue depuis plusieurs années le test du système Précrime. Grâce à trois êtres aux capacités prémonitoires extraordinaires les précogs, le service dirigé par John Anderton a le moyen de visionner les images de meurtres n'ayant pas encore été perpétrés. 
Aidé par un ordinateur permettant de revoir les rêves des précogs à volonté, les policiers parviennent à découvrir le lieu et l'heure exacte à laquelle le crime sera commis ainsi que l'identité de l'assassin et de la victime. 
Mais un jour le nom de John sort de l'esprit des précogs et l'annonce tueur d'un homme qu'il ne connaît même pas. 

En quelques plans on retrouve l'univers si percutant de Philip K. Dick : si vous avez adoré Blade Runner ou Total Recall, nul doute que Minority Report trouvera rapidement grâce à vos yeux avec son concept malin doublé d'un regard acide sur la société de contrôle. 

Peut être davantage aujourd'hui qu'il y a 22 ans à sa sortie le film propose quelques séquences marquantes qui interrogent sur les limites de la surveillance des citoyens. Qu'il s'agisse des tueurs qui n'en sont pas vraiment et qui sont arrêtés pour un crime qu'ils n'auront jamais commis ou encore de tous les petits outils des flics pour fouiller la ville et retrouver n'importe quel individu en quelques heures, Minority Report et par ricochet Dick et Spielberg étaient très en avance sur leur temps.

Contrôles rétiniens à chaque passage dans le métro, robots araignées se faufilant partout pour scanner les pupilles des individus les mieux cachés d'un immeuble délabré, voitures autonomes qu'il est possible de pirater pour piéger son conducteur dans l'habitacle le temps que la police arrive... Y'a pas à dire le futur des films passés n'a jamais été aussi actuel !

L'accusé à tort revisité

Mais là où le film frappe fort c'est en ce qui concerne le personnage de Anderton que campe Tom Cruise pour ce qui sera sa première collaboration avec Spielberg. En effet lorsque le film démarre Anderton est un cliché ambulant de super-flic badass que rien n'arrête et surtout pas le représentant du ministère de la Justice venu faire une inspection sur Précrime. 

Mais lorsque celui-ci constate avec horreur que son nom est sorti sur l'une des boules en bois qui servent aux précogs à annoncer leurs victimes et assassins, il se comportera comme n'importe lequel des autres accusés et prendra la fuite. 

On se régale alors de l'ironie de la situation dans laquelle se trouve un personnage qui a passé les vingt premières minutes à démontrer avec conviction que ce qui doit arriver serait arrivé de toute façon même si son job est justement de l'empêcher. 

Ce faisant Spielberg revisite de façon plutôt maline le concept de l'accusé à tort puisqu'il s'agira cette fois d'accusé à l'avance. Et le suspense fonctionnera à merveille car le public se posera cette question durant toute la traque d'Anderton par ses collègues : peut-il changer les choses en sachant ce qu'il a vu ? Et par ricochet peut-on échapper à notre destin ?

L'un de plus beaux plans mis en boîte par le réalisateur

L'un de plus beaux plans mis en boîte par le réalisateur

La froideur du monde...

A l'instar de Ridley Scott qui adopta pour Blade Runner une approche réaliste et dark de la SF de Dick, Spielberg opta pour une mise en scène assez déconcertante pour son époque. 

Comme pour démontrer dès les premiers instants que la société parfaite vantée par Précrime n'est qu'une illusion le cinéaste et son directeur de la photo Janusz Kaminski ont choisi que les tons de l'image soient froids tout au long de l'histoire. 

Anderton évolue ainsi dans un monde où le temps est maussade, où la pluie parvient presque à traverser l'écran et où derrière les belles bagnoles hightech se cachent des appartements délabrés et des rues qui n'incitent pas vraiment à la promenade en dépit de l'efficacité des précogs. 

Et cette oppression paradoxale (après tout on est sensé être dans un monde sans meurtres) on la ressent dans la réalisation virtuose de Spielberg qui repose sur des concepts simples mais qui fonctionnent à la perfection : écraser son héros en cavale par la foule du métro pour illustrer qu'il s'est fait rattraper par la société qu'il a aidé à créer, ou encore à travers ce plan séquence en plongée qui suit l'enquête des robots araignées à travers chaque appartement tandis que le héros aveugle n'a aucune issue. 

Ainsi Spielberg nous offre une cavale bien sombre qui n'offrira aucun répit à son héros et où le suspense ne cessera qu'en de rares occasions pour laisser place à l'émotion (excellente séquence d'Agatha dans la maison) ou aux rebondissements inattendus. 

... pas toujours maîtrisée 

Et pourtant il y a des choses que je ne m'explique pas. Quand on réalise un tel travail sur la photographie et sur l'atmosphère oppressante, pourquoi gâcher l'impact d'une séquence avec de l'humour ? 

Ce n'est pas que le personnage de Peter Stormare m'ait déçu, bien au contraire son côté savant fou est justement ce que l'acteur sait jouer le mieux et cela donne une belle idée de la merde dans laquelle se trouve Cruise pour faire appel à ce genre de gars. Mais le personnage étant entièrement traité de façon décalé, cela fonctionne donc rien à dire. 

Par contre lorsque Anderton prend la fuite et que ses collègues le rattrapent en jetpack jusqu'à un appartement, pourquoi vouloir absolument placer un gros plan sur des steaks grillés par les réacteurs d'un des flics ? 

Parce qu'avoir des personnages décalés et avoir des gags dans un univers sombre sont deux choses complètement différentes, Spielberg se foire de temps en temps sur le ton de son film. 

Mais le vrai reproche que je ferai au scénario concerne le rebondissement lors du face à face entre John et l'homme qu'il doit tuer. En soi la révélation est bonne, mais la façon dont celle-ci est amenée est tout de même bien tirée par les cheveux ! Là encore dommage car le scénario est en béton 95% du temps restant et il est un poil frustrant d'avoir raté le perfect de si peu. 

Le genre de scène qui alimente la parano

Le genre de scène qui alimente la parano

Minority Report a beau être l'un des Spielberg les moins cités dans les conversations, il est avec le recul l'un de ses films les plus avant-gardistes et intemporels.

Car au delà de quelques fulgurances technologiques comme les autoroutes verticales le film a eu l'intelligence de ne pas en faire trop concernant son aspect futuriste pour aujourd'hui proposer un postulat plutôt crédible malgré ses 20 ans.

Résultat le mélange thriller d'anticipation et film noir fonctionne encore à merveille et le scénario saura se montrer suffisamment malin pour passionner ceux qui n'auraient pas encore eu l'occasion de voir le film tout en poussant les autres à le revoir pour admirer la toile (presque) parfaitement tissée dans laquelle va se débattre un Cruise bien moins badass que d'habitude. 

Note : 4/5

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