Mine de rien cela faisait presque sept ans que Gareth Edwards n'avait plus donné signe de vie !
En effet suite au carton surprise que fut Rogue One son spin off Star Wars on s'attendait à ce que le réalisateur soit courtisé par les studios et que les projets allaient s'enchaîner pour le gars qui avait réussi le pari de faire un épisode non numéroté de la saga tout en engrangeant un milliard de recettes au passage.
Peut être que les nombreuses rumeurs autour du tournage et notamment les reshoot au cours desquels Tony Gilroy aurait pris le pas sur Edwards au point de lui retirer le final cut n'ont pas joué en la faveur du gaillard auprès des studios et de leur loi sans pitié.
Mais en septembre 2023 le cinéaste s'apprêtait à effectuer son retour à la SF avec un projet intrigant dont la bande-annonce m'avait à l'époque bien emballé.
Hélas ces dernières années les daubes cartonnent et les projets intéressants bident, résultat je n'ai pas eu le temps de découvrir The Creator en salles et bon sang ce que je le regrette !
A la fois actuel et à contre-courant
Débutant par une série de fausses images d'archives, The Creator semble s'inspirer de la filmographie de Neill Blomkamp qui avait cette ambition de réaliser de la SF réaliste loin des voyages spatiaux et abordant des thématiques plus humaines.
On découvre ainsi une Terre pas si éloignée de la nôtre où la course à l'Intelligence Artificielle a conduit cette dernière à faire exploser une bombe nucléaire au coeur de Los Angeles, causant des millions de victimes.
Dix ans après la tragédie les armées humaines ont créé un gigantesque vaisseau capable de bombarder les bases de l'IA et des êtres de synthèse et sont sur le point d'éradiquer toute forme d'IA. Mais le chef d'un groupe terroriste pro-IA aurait trouvé le moyen de détruire toute arme sur Terre et de renverser la situation.
Clairement je ne m'attendais pas à un tel scénario.
Sans vouloir en dire trop Edwards fait l'opposé quasi-total que ce que proposait James Cameron avec son T-800.
Le sujet est très actuel car nous traversons une époque où la démocratisation de l'IA fait débat et effraie, mais alors qu'on aurait pu s'attendre à un film à charge sur les robots, Edwards préfère voir les choses de façon moins pessimistes. Au fond, pourquoi l'IA serait elle forcément mauvaise ?
Une idée qui surprend surtout de nos jours où chacun se demande si son emploi ne sera pas remplacé par un logiciel de réponse en ligne qu'un patron pété de pognon se sera empressé d'acquérir pour obéir à la sacro-sainte maxime "On n'arrête pas le progrès".
L'idée du film apporte ainsi une certaine dédramatisation de l'utilisation de l'IA en rappelant au passage que les vrais monstres sont souvent des hommes de chair et de sang.
A ce stade, Edwards est un magicien
Il y a quelques jours j'évoquais le fiasco visuel que fut Expend4bles dont je me demande toujours où sont passés les 100 millions de patates de budget et voilà qu'ironiquement je découvre en simultané The Creator qui a coûté 20 millions de moins et qui pourtant relève du miracle !
En choisissant de tourner 95% du film dans les décors naturels de Thaïlande et d'Asie du sud est Edwards s'est ainsi affranchi des coûts astronomiques des effets spéciaux numériques pour les visuels.
Certes le film ne manquera pas de CGI avec de nombreux bots et personnages mi-humains mi-robots et re-mi-ours derrière dont le rendu à l'écran est simplement bluffant !
Là encore difficile de ne pas penser à des films tels que Chappie ou Elysium et bon sang quel plaisir de retrouver un univers de Science-Fiction où on ne se demandera pas toutes les cinq minutes combien a coûté tel cité numérique ou ce dragon de l'espace.
Non seulement le budget "modeste" employé correctement est louable, mais en plus c'est tout à fait cohérent avec le scénario : les IA se cachent tels les vietcongs dans la jungle tandis que les hommes bombardent tout façon Apocalypse Now. Dans ces conditions pourquoi faudrait-il qu'on se farcisse des cités numériques high-tech ?
Et le pire c'est qu'on pourrait croire qu'à l'instar de Blomkamp les scènes d'action seraient un peu rares et sans trop d'ampleur, mais détrompez vous on ressentira bien le mec qui a mis en scène Rogue One derrière les nombreuses batailles du film.
Peut être un peu trop rushé
The Creator est clairement l'uns des fours les plus injustes et regrettables de ces dernières années, et j'espère que la sortie en DVD permettra au public de lui offrir une seconde chance.
Mais mon enthousiasme ne saurait aveugler mon jugement, et malheureusement le film est très loin d'être parfait aussi rafraîchissant et inventif soit-il.
D'une durée de deux heures, le film va enchaîner les séquences à un rythme plus que soutenu et de nombreux participants à l'intrigue vont croiser la route du personnage de John David Washington.
Et c'est là que les limites d'un budget plus raisonnable que les autres blockbusters sont perceptibles. Comme je l'ai dis le film a beau être généreux en fusillades et batailles il n'empêche que les affrontements sont souvent très courts et que le montage a tendance à passer à la séquence suivante sans s'attarder sur le dénouement d'une scène d'action.
Un poil frustrant, mais ce n'est pas le pire !
Des personnages sans saveur
Et oui, qui dit petit budget dit également absence de grosses pointures au casting... Et ce n'est pas plus mal ! Après tout aurions nous pu découvrir Sharlto Copley si Brad Pitt avait accepté District 9 ?
Certes nous aurons bien John David Washington qui continue de se tailler une carrière intéressante ainsi qu'un retour discret mais appréciable de Ken Watanabe, mais pour le coup le reste du casting est composé d'inconnus.
Hélas pour eux bien qu'ils ne soient pas mauvais comédiens le scénario ne leur donnera guère l'occasion de briller.
Parce que si l'univers et le concept sont excellents, les personnages principaux comme secondaires n'ont hélas aucune originalité ou presque.
Dès la première séquence avec ce drame qui frappe Joshua on se dit "et allez encore le coup du mec qui a tout perdu et qui va trouver la rédemption"... Et malheureusement les autres personnages subiront le même sort et ne toucheront jamais véritablement.
Pourtant l'idée était excellente et aurait pu donner un croisement parfait entre AI et The Last of Us, malheureusement en dépit d'un climax dont les retrouvailles sont aussi expéditives que touchantes l'émotion n'aura pas vraiment sa place dans le film.
Comme je le disais plus haut, The Creator est une belle surprise qui prouve que Gareth Edwards est un cinéaste mésestimé qui mériterait une meilleure reconnaissance et une carrière plus fournie.
Mais une réalisation efficace et une bonne idée ne suffisent pas à faire un chef d'oeuvre et le film souffre d'un manque de profondeur dans ses personnages qui lui coûte cher : pourquoi serais-je passionné par une histoire si je ne m'attache pas aux personnages ?
Peut être que le film aurait mieux fonctionné sur un format diptyque et qu'après un premier épisode un peu plus posé mais présentant plus efficacement chaque protagoniste un second épisode aurait permis à Edwards de déclencher les batailles épiques qu'il avait visiblement envie de filmer, mais qui sont à la fois trop présentes et trop courtes.
Reste qu'à l'arrivée peu de films ces derniers temps peuvent se vanter d'avoir innové et de ne pas s'être reposés sur une franchise ou sur un nom pour attirer le public, et rien que pour ça il mérite que vous le découvriez.
Note : 3/5