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Ma dose de cinéma

Apocalypse Now Redux - J'aurai mis 20 ans pour l'apprécier

Publié le 21 Avril 2024 par Gaffeur in Guerre, Francis Ford Coppola, Vietnam

L'affiche que j'ai fuit pendant deux décennies

L'affiche que j'ai fuit pendant deux décennies

Promis je ne vais pas vous raconter ma vie pendant 107 ans, mais pour l'anecdote histoire de coller un choc aux plus fanatiques du film lorsque j'ai découvert Apocalypse Now j'ai tout bonnement détesté. 
Et je ne dis pas ça pour ajouter du drama, un ami m'avait prêté le DVD en me disant que c'était un pur chef d'oeuvre et je me rappelle bien avoir adoré la séquence de Wagner puis m'être bien emmerdé pendant les deux heures trente qui restaient. 

Sauf qu'à cette époque j'avais 13 ans et maintenant que j'en ai pris vingt dans la tronche et qu'en plus Coppola est sur le point de livrer ce qui pourrait être son ultime film (chef d'oeuvre ?) je me suis dis qu'il était peut être temps de me poser trois heures et de donner une nouvelle chance à ce film. 

On ne va pas revenir sur ce que tout le monde sait du film : un tournage extrêmement long et compliqué qui a ruiné Coppola pour aboutir à ni plus ni moins qu'un triomphe monumental applaudi par la critique et le public. C'est qu'à cette époque une Palme d'Or signifiait encore quelque chose et malgré le fait que j'ai conspué le film pendant vingt ans j'ai toujours reconnu la splendeur des images !

Cela dit il me semble important de préciser que trois versions du film existent à l'heure actuelle : la version cinéma, la version Redux de 2001 et la version Final Cut de 2017. 

Quelle différence entre les trois me direz vous ? Et bien pour la faire courte la Redux proposer une très longue séquence mettant en scène un bataillon français et pas les autres versions. Mais comme c'est celle-ci que j'avais vue la première fois il était logique d'opter à nouveau pour cette version pour cette seconde chance. 

Et pour le coup si j'ai un conseil à vous donner d'emblée : choisissez en une autre. 

Tu m'étonnes qu'on ne retienne que ce passage

Tu m'étonnes qu'on ne retienne que ce passage

Des images à couper le souffle

Bien que de nombreuses séquences du film n'étaient plus dans mon esprit lors de ce second visionnage, je dois dire que ma mémoire ne m'avait pas trahi concernant la beauté d'Apocalypse Now

Avec ses teintes orangées prédominantes et l'audace de sa réalisation le film donne l'impression d'avoir été réalisé il y a seulement quelques années et on se demande encore comment Coppola a pu mettre en boîte des séquences telles que l'attaque des hélicoptères en 1977 ! 

Objectivement tous les films sur le conflit vietnamien que les américains ont mis en boîte entre 1975 et 1987 avaient un visuel très réussi mais on ne va pas se mentir les combats dans la jungle de Platoon, Hamburger Hill ou Outrages avaient une photographie très similaire au point qu'on pourrait presque assembler plusieurs séquences de ces trois films pour n'en faire qu'un seul. 

Mais le coup de maître de Coppola avec Apocalypse Now c'est que le public peut reconnaître avec n'importe quel plan qu'il s'agit de ce film précis et pas d'un autre parce que Coppola avait sa vision du conflit et qu'il comptait bien filmer l'enfer comme personne ne le filmerait plus jamais. 

D'ailleurs c'est peut être pour ça que les autres films sur le sujet ont une photographie plus classique parce que qui aurait risquer d'être accusé de singer le chef d'oeuvre de Coppola en osant intégrer une teinte orangée à un plan d'hélicoptères ? 

La cour de récré de l'Armée Américaine

Mais bien évidemment le film n'est pas qu'une claque visuelle et c'est justement sur ce point que le préado que j'étais est resté sur le carreau : il n'est pas là pour faire dans le classique en ce qui concerne son déroulement. 

Je dois bien l'admettre avec le recul : Coppola a beau avoir mis des moyens colossaux dans le film il n'a pas pour autant réalisé un produit hollywoodien et n'a intégré à aucune seconde la dose d'héroïsme qu'on trouve chez n'importe quel film de la concurrence. 

Même Platoon qui est ma référence sur le sujet pouvait avoir quelques séquences dites "badass" telles que Willem Dafoe fonçant seul dans la forêt pour coller une raclée à toute une escouade de vietcongs. 

Mais Coppola a voulu faire un film dénonçant le comportement des américains au Vietnam et n'y est pas allé de main morte pour dépeindre les atrocités commises par les GI's dans les rizières et dans la jungle. 

Certes on pourrait se dire que la fameuse attaque de cavalerie héliportée est très USA Power, mais pourquoi cette attaque a lieu ? Pas pour un intérêt stratégique, ni pour aider le capitaine Willard à se rapprocher de son objectif, tout ce carnage n'a lieu que parce que le Colonel Kilgore a été informé qu'il y avait un spot de surf à proximité du village ciblé. 

Et toute la partie du film qui se déroule à proprement parler sur la ligne de front va suivre cette logique et à aucun moment les affrontements ne montreront de prise d'objectif et aucune mort n'aura de vraie utilité sur le conflit. Pire au plus le bateau et l'équipage remonteront le fleuve au plus les troupes américaines sembleront avoir sombré dans la folie. 

Bref l'épique n'est pas au goût de Coppola à moins qu'il ne serve à illustrer son propos selon lequel les américains ont fait n'importe quoi au Vietnam et qu'ils n'ont pas été punis pour ça. 

Parce que là encore si on prend Barnes dans Platoon ou encore les violeurs de Outrages tous seront mis devant les conséquences de leurs actes à un moment où un autre : un schisme aura lieu entre les membres de l'escouade du premier tandis que les autres finiront par être jugés. 

Dans Apocalypse Now les atrocités et les actions immorales sont légions, même la seule fois où l'équipage interviendra directement dans l'action se soldera par le massacre d'une famille de pêcheurs. Et aucun personnage ne sera puni. Parce que le Vietnam était devenu un purgatoire où les soldats se droguaient, violaient, tuaient et détruisaient le pays parce qu'ils n'avaient que ça à faire.  

Tout le monde était devenu fou et à ce titre le Colonel Kurtz était presque devenu le symbole de cette folie, justifiant ainsi que les huiles chargent Willard de zigouiller le mec qui incarnait à lui seul ce qui était en train de se passer dans la tête des soldats. 

La seule action du groupe sera bien entendu une horreur

La seule action du groupe sera bien entendu une horreur

Deux heures géniales et c'est le drame !

Et puis tout se casse la gueule. Pendant 2h15 cette seconde vision fut pour moi une vraie claque, jusqu'à ce qu'arrive la fameuse séquence ajoutée pour la version Redux que Coppola lui même qualifie de ratée : la découverte d'une plantation française au coeur du Cambodge. 

Et pourtant les idées ne manquent pas : le parallèle entre l'accueil réservé aux vétérans français du conflit Indochinois et ce qui va arriver aux américains lors de leur retour au pays est une excellente façon d'illustrer le sentiment que Willard exprimait dans la première séquence du film dans la chambre d'hôtel. 

Mais était-il vraiment nécessaire que tout ceci dure pas loin d'une demi-heure ? 

Parce que ce qui rendait le film aussi puissant jusque là, c'était le bateau qui s'enfonçait plus profondément dans la jungle tandis que son équipage s'enfonçait toujours plus dans la folie. Et cette pause de 25 minutes casse ce rythme et cette progression, à tel point que lorsque l'esquif repart le choc causé par les derniers obstacle est derrière depuis trop longtemps. 

Parce que la dernière demi-heure se déroulant dans la cachette du Colonel Kurtz tranche déjà significativement avec les deux premières heures dans le sens où il ne s'agit presque plus du même film : on quitte définitivement la guerre pour un quasi film d'horreur psychologique avec un rythme forcément plus posé.

Résultat la séquence des français en plus de casser le rythme rend la dernière heure du film extrêmement lente, beaucoup trop lente ! 

Avec le recul, est-ce la faute des français ? 

Je n'en démordrais pas et je serai curieux de découvrir une version Final Cut ou une version cinéma du film pour prouver ma théorie : le film fonctionnerait bien mieux sans la scène des français. Certes. Mais pour autant est-ce que si je fais abstraction de cette séquence le final me plaît ? Et bien non. 

Alors attention je ne parle pas de la séquence finale qui en soi est excellente d'un point de vue scénaristique avec cette confrontation finale presque souhaitée par Kurtz et ce montage astucieux qui alterne entre les coups portés par Willard et le sacrifice d'un boeuf pour suggérer la violence de la mort du colonel. 

Mais quand j'observe cette dernière demi-heure j'ai l'impression de voir Coppola qui se dit "putain c'est vrai que j'avais tourné toutes ces images trop stylées je vais les insérer un peu partout pour que les gens puissent les voir". Et c'est vrai, chaque image est mémorable qu'il s'agisse du visage de Martin Sheen émergeant d'un marécage ou de ce jeu d'ombres fantastique sur Marlon Brandon à chacune de ses apparitions. 

Mais vouloir illustrer la folie peut-il être un argument pour un montage qui en devient un peu foutraque ? Exemple : avant de trouver Kurtz Willard élimine une sentinelle. Or nous avions déjà vu cette sentinelle de longues minutes plus tôt et le plan était le même en plus de ne rien apporter à ce moment là. 

Bref on sent pendant cette dernière heure que Coppola se fait plaisir, mais ce n'est pas forcément le cas du spectateur pour le coup. 

Un plan iconique certes mais placé là au pif

Un plan iconique certes mais placé là au pif

En fait je suis toujours bien emmerdé vis à vis d'Apocalypse Now

Indéniablement cette nouvelle découverte a été fructueuse car enfin je peux relever la tête et dire que j'ai tout de même apprécié le film, et même que j'ai adoré littéralement chaque seconde des deux premières heures !

Pourtant le fait qu'il s'agisse d'un montage dont Coppola reconnaît lui même que les rajouts cassent la progression me donne cette sensation étrange que malgré ce nouveau visionnage de 3h15 je n'ai toujours pas vu Apocalypse Now. Du moins pas sa véritable version, celle que 99% du public adore et considère comme un vrai monument.

Par conséquent si je me tiens à la version Redux Apocalypse Now restera pour moi un sommet visuel et une critique acide de la guerre comme rarement un cinéaste américain aura osé la montrer... Mais c'est aussi un film dont le dernier tiers est beaucoup trop long et n'apporte pas grand chose à la trame. 

Ainsi si vous n'avez encore jamais découvert le film je ne saurai que trop vous conseiller d'éviter cette version et de plutôt vous tourner vers les deux autres qui sont apparemment autrement plus représentatives de ce qu'est ce film légendaire. En espérant que cette fois il ne me faudra pas encore 20 ans pour vérifier !

Note : 3.5/5

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