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Ma dose de cinéma

Patton - La guerre pour les enfants de salauds

Publié le 30 Juillet 2023 par Gaffeur in Biopic, Seconde Guerre Mondiale, Guerre, Critique

Le rôle d'une vie pour Georges C. Scott

Le rôle d'une vie pour Georges C. Scott

Tandis que les films sur la Seconde Guerre Mondiale se sont enchaînés pendant deux décennies suite à la victoire des alliés, le Septième Art fut secoué en 1970 par un biopic de Franklin Schaffner consacré au général Patton. 

Première originalité le film ne se focalisait pas sur une bataille comme la plupart des productions concurrentes mais sur une figure historique.
Qui plus est la figure en question n'était autre que le général le plus controversé du camp allié.

Pourtant en dépit de son approche à contre courant de la production de l'époque, le film rafla 7 Oscars dont ceux du Meilleur Réalisateur, du Meilleur Film et du Meilleur Acteur. Un véritable braquage pour un film qui passe plus son temps en salle de briefing que sur le champs de bataille et qui aujourd'hui encore n'a pas pris une ride !

L'un des plans les plus iconiques du cinéma américain

L'un des plans les plus iconiques du cinéma américain

Déconstruire le film de guerre

Il n'a fallu à Schaffner que sept minutes pour convaincre que son film allait marquer l'histoire du cinéma de guerre. 
Avec son premier plan dévoilant un immense drapeau américain on s'attend de la part de Patton un discours patriotique bien mielleux que les US adorent, mais lorsque le général ouvre sa bouche, le choc des premiers mots est plus qu'inattendu : "Soldats, aucun connard n'a jamais gagné une guerre en mourant pour son pays".

Débitant ce même genre de punchlines au cours des premières minutes le général occupe l'écran pendant toute la séquence sans jamais que le film ne songe à offrir le moindre contre champ à l'assistance.
Un procédé un peu déroutant mais qui traduit bien les intentions du réalisateur : le film va s'attarder sur le général et non pas sur les troupes. 

Ainsi il ne faut pas attendre du film un enchaînement de batailles bourrées de figurants comme Hollywood savait si bien les faire à cette époque mais bel et bien au portrait épique du plus grossier merle à avoir jamais reçu des étoiles de général !

Le film traîne par ailleurs derrière lui une réputation selon laquelle il ne contiendrait pas de scènes de batailles... Ce n'est pas tout à fait vrai, il arrive à de nombreuses reprises que nous assistions à des affrontements entre alliés et allemands mais les combats ne faisant pas vraiment évoluer le personnage principal le cinéaste ne s'y étendra pas. Seule la campagne d'Afrique du Nord offrira une bataille avec moults chars et des centaines de fantassins mais là encore Patton assistant directement à l'action on comprend pourquoi Schaffner fait le choix de s'y attarder. 

La grosse majorité du film se concentrera ainsi sur les rivalités entre les généraux ainsi que sur la réputation de Patton au sein des forces alliées et allemandes (ceux ci apparaissent souvent en réaction aux avancées du général) et offrira une vision bien peu reluisante des membres de l'état-major souvent plus soucieux de préserver leur réputation que de combattre efficacement.

Une approche moins romantique

Le propos du film se veut ainsi anti conformiste car bien loin des portraits romantiques des officiers alliés et de leurs mots historiques tout propres et lisses façon Le Jour le plus Long (j'adore le film ne vous méprenez pas mais passer des mots de Eisenhower à "on va les choper par la peau des fesses et les trainer dans la merde" a de quoi déstabiliser).

Patton au cinéma en tout cas est un général qui est bien conscient qu'il y aura de la casse et que les beaux discours n'y changeront rien. 
Pire sa soif de victoire et de gloire sera pleinement assumée par le personnage qui ne reculera devant rien pour motiver ses troupes à avancer plus efficacement. 

Le propos a déjà de quoi choquer quand on replace le film dans son époque, mais à bien y repenser les images seront elles aussi loin d'être édulcorées. 

Le premier plan guerrier du film aura lui aussi de quoi surprendre : au lieu des traditionnels élans de bravoure, le réalisateur nous offre une vue d'ensemble des restes d'une défaite américaine. Des corps parfois mutilés, des tas de véhicules calcinés et des pillards venus s'emparer des vêtements des soldats tombés pour une vision de la guerre moins lyrique mais bien plus crédible.

 

Pas d'action dans Patton ? Vous êtes sûrs ?

Pas d'action dans Patton ? Vous êtes sûrs ?

Une composition unique

La difficulté majeure d'un biopic, c'est de trouver le comédien idéal pour incarner la figure du film. 
Il a pu arriver dans l'histoire que certains acteurs soient maquillés ou se dotent de prothèses pour jouer un personnage historique ou un artiste. 

Mais pour Patton, nul maquillage n'était nécessaire tant Georges C. Scott était taillé pour le rôle.
En plus de ressembler naturellement au personnage le comédien ne donne jamais l'impression de vouloir épater la galerie et débite ses répliques comme une mitraillette en donnant la sensation qu'il est une pile survoltée ne demandant qu'à éclater. 

Anecdote qui achèvera de convaincre que Scott était né pour jouer le général : lors de la cérémonie des Oscars où il remporta le prix du Meilleur Acteur, Scott refusa son prix en avançant qu'il trouvait ridicule de faire l'éloge de la compétition entre acteurs. Typiquement le genre de comportement qui aurait plu au général !

Les travers du biopic

Il y a quelques jours je vous parlais lors de la critique de Ed Wood du soucis que j'ai avec les biopics à savoir le fait qu'ils ne peuvent pas tout couvrir et qu'il manque souvent un fil rouge dans le scénario. 

Patton dans son cas n'a pas ce défaut car derrière toutes les manoeuvres du général il y aura bien un but : mettre un terme à la Seconde Guerre Mondiale. On accepte ainsi sans problème que le film soit parfois un peu rapide (d'où le fait que les batailles n'aient pas une place de choix) tant résumer trois années de guerre en deux heures quarante était audacieux !

Cependant on pourra remarquer que la fin du conflit arrive tout de même bien rapidement car le montage passera en deux secondes de la bataille des Ardennes à la défaite de mai 45. On se dit alors que le film aurait mérité quelques minutes supplémentaires pour ne pas donner cette curieuse sensation de fin précipitée... Un comble pour une oeuvre tout de même assez longue !

Les officiers au premier plan, les soldats au fond : l'idée du film en une image.

Les officiers au premier plan, les soldats au fond : l'idée du film en une image.

Sept Oscars ne peuvent pas s'y tromper : Patton est bel et bien un film de guerre hors du commun ainsi qu'un film important dans l'histoire du cinéma. 

Après vingt ans de films ayant édulcoré le conflit en comptant des batailles épiques où les soldats sont tombés en héros, le film de Schaffner donnait un grand coup de pompe dans un registre qui s'était enfermé dans sa routine. 

Ont suivi par la suite des films bien plus matures tels que Croix de Fer ou encore Au delà de la Gloire qui bien que plus orientés action ont su s'inspirer de Patton pour offrir une approche plus réaliste de 39-45. 

Quel dommage que Georges C. Scott ne soit pas parvenu par la suite à trouver des rôles aussi cultes que celui-ci, qu'un tel acteur ne soit associé qu'à un seul film (allez j'avoue que sa chute dans Dr Folamour est mémorable) c'est tout simplement du gâchis. 

Note : 4/5

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