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Ma dose de cinéma

Battle Royale II Requiem - Craignos avec une bonne excuse

Publié le 3 Octobre 2023 par Gaffeur in Action, Japon, Guerre

Et pourtant, on ne demandait qu'à y croire

Et pourtant, on ne demandait qu'à y croire

Sorti en 2000 le premier Battle Royale a depuis acquis le statut de film culte. Qualifié par Tarantino comme étant son film préféré, le film de Kinji Fukasaku était une oeuvre choquante mais visionnaire sur le choc des générations. 

Sans pitié, l'histoire suivait une classe de 40 élèves de collège forcés de s'entre-tuer sur une île contrôlée par des militaires sous peine de voir leurs colliers exploser. Seul le dernier vivant aurait le droit de rentrer chez lui. 

Un concept qui fait toujours le bonheur des éditeurs de jeux vidéos avec énormément de jeux de tirs en ligne qui reposent sur ce principe alliant chacun pour soi, alliances de fortune et trahisons pour être le dernier debout. 

Aujourd'hui encore les séquences les plus cultes du film sont dans les esprits et chaque spectateur se rappellera de l'explication des règles via une animatrice télé ou encore du carnage entre filles dans le phare, sans oublier évidemment la fin tragi-comique du professeur incarné par Takeshi Kitano (dont je vous recommande vivement l'analyse géniale du Coroner sur youtube). 

Bref était-il étonnant à l'époque qu'une suite soit mise en chantier pour une sortie trois ans plus tard sur les écrans. Et le moins que l'on puisse dire c'est que Battle Royale II Requiem n'a pas marqué de la même manière que son prédécesseur. 

Erreur de communication en approche

Erreur de communication en approche

Nouvelles règles...

Débutant quelques années après la victoire et l'évasion de Shuya, Noriko et Shogo, ce deuxième volet entend bien redistribuer les cartes et ne pas refaire bêtement ce qui a déjà été fait. Une intention louable qui se traduira par une confrontation entre la nouvelle classe de "chanceux" tirés au sort pour participer à Battle Royale et la troupe terroriste de Shuya. 

Oui vous avez bien lu Shuya n'a pas choisi de se cacher du comité BR mais au contraire de livrer une vraie guerre à ceux qu'il tient pour responsables de la mort de ses amis : les adultes. Genre tous les adultes !

Le film démarre ainsi par un plan bougrement gonflé (pour rappel on est en 2003 soit deux ans après le 11 septembre) de deux tours jumelles explosant sous les bombes du groupe Wild Seven que dirige Shuya. 

Et c'est là que Requiem va se montrer dans le meilleur des cas incroyablement maladroit tandis que dans le pire il fera l'apologie du terrorisme...

L'idée de base n'est effectivement pas forcément mauvaise mais Kenta Fukasaku pousse le délire beaucoup trop loin jusqu'à faire de l'Afghanistan le pays de rêve de Shuya pour son esprit de rébellion. On parle tout de même d'aller rejoindre les talibans ce qui est quand même bien craignos comme message. 

Et à la limite on pourrait prendre le film pour un pamphlet ou un avertissement sur une génération de jeunes en pertes totale de repères (ce qui se vérifierait des années plus tard avec la vague de départ d'adolescents pour la Syrie il y a quelques années) mais le soucis est que Shuya et ses gars sont tellement glorifiés et iconisés par la mise en scène qu'on ne peut pas vraiment parler de satyre. 

Une nouvelle promotion fade à souhait

Et justement parlons en de ces Wild Seven et de cette nouvelle promotion.
Si je vous demandais de me citer les noms ou les rôles des élèves du premier film, je parie que vous saurez me parler de Kawada Shogo pour son père aux cent métiers, ou de Yukiko et son amie qui tentent de calmer les autres au portevoix sans oublier la cruelle Mitsuko dont le sourire lors de la première apparition doit être l'un des plus glaçants de l'histoire du cinéma. 

Oui, dans le premier film chaque élève ou presque était mémorable et avait de quoi marquer même s'il devait se contenter d'une seule apparition tandis que le groupe en lui même n'était pas plus méchant que ça. Pour le coup on pouvait vraiment parler d'une bande de garnements incompris balancés injustement dans un jeu de massacre. 

Mais dans cette suite non seulement aucun personnage ne sera développé ou presque (il y a la fille de Kitano dans le lot et ce sera bien la seule à avoir une évolution intéressante) mais en plus la classe en question est composée à majorité de vraies raclures... Résultat on ne ressent aucune tragédie ou compassion quand à l'idée de voir leur collier exploser. 

La mise en scène elle même semble avoir conscience du manque d'intérêt des nouvelles recrues car contrairement au premier volet la réalisation ne s'embête même pas à placer un encart pour rappeler les morts de chaque séquence et effectuer le décompte macabre des survivants. 

Mâches bien surtout on ne sait jamais !

Mâches bien surtout on ne sait jamais !

A vouloir faire plus, on en fait trop

Au moins si il y a un point où le film finit par satisfaire c'est en ce qui concerne sa générosité en scènes d'action. L'affiche américaine l'annonçait fièrement : "cette fois, c'est la guerre" ! 

Oubliez donc le style intimiste des affrontements du premier où la maladresse des élèves et leur manque de connaissance sur l'arsenal à disposition faisait le sel de chaque escarmouche, Requiem entend bien faire parler la poudre à l'américaine !

Dès le débarquement sur l'île de Shuya Kenta Fukasaku déploie les grands moyens pour assurer au public un spectacle digne des productions de l'Oncle Sam. Fusillades très longues, explosions par dizaines, des figurants en pagaille... Cette suite veut clairement enterrer les scènes d'action de son aîné, mais si en terme d'amplitude la tâche est accomplie haut la main le tout manquera tout de même cruellement de sel. 

Comme je l'ai dis on ne s'attache pas une seule seconde aux personnages donc pourquoi une bataille aussi épique soit elle passionnerait le public si celui-ci n'avait rien à faire des belligérants ? 

Un personnage résume d'ailleurs bien tout ce gâchis : le professeur Riki Takeuchi. Campé par l'acteur homonyme, celui-ci a été pensé comme une version sous cachetons du professeur Kitano (au sens strict, le personnage dévorant des antalgiques par boîtes entières) afin de tenter de le rendre plus intéressant. Malheureusement en dépit d'une scène finale qui évoque un minimum le traitement tragi-comique de Kitano, ce professeur ne convainc pas car justement il en fait des caisses. Tout comme le film entier qui a cru qu'il serait meilleur en multipliant le spectacle par 100 !

Malgré tout, une excuse de taille

Vous avez peut être remarqué que je parle de Kenta Fukasaku depuis le début, alors que le premier épisode a été réalisé par Kinji Fukasaku. 
Ce n'est pas une erreur de ma part, car le vrai drame du film est que son réalisateur original Kinji Fukasaku est mort au début du tournage (selon les sources, son décès serait même survenu le premier jour).

Résultat pour ne pas laisser la production d'un film aussi cher prendre l'eau son fils Kenta, scénariste du premier volet et de cette suite a été appelé pour terminer le tournage et assurer le montage. 

On ne va pas attribuer le fiasco du film au fils Fukasaku car son illustre père au long de sa carrière a souvent provoqué avec des films de yakuzas ultra-violents dont certaines séquences sont aujourd'hui encore particulièrement dérangeantes (on pense à la séquence de Okita le Pourfendeur où le héros mange les os d'une défunte). Nul doute que la partie "le terrorisme c'est la liberté" aurait malgré tout fait partie de la vision qu'avait Kinji Fukasaku du film, mais son expérience en tant que cinéaste aurait certainement mieux nuancé le propos. 

 

Dommage, un vrai combat entre ces deux là aurait pu être cool

Dommage, un vrai combat entre ces deux là aurait pu être cool

Battle Royale II : Requiem est ainsi un cas à part dans l'histoire des mauvaises suites et des mauvais films. Il est à la foi l'une et l'autre et hélas rien ne changera jamais cet état de fait. 

Mais quand on connaît la triste histoire derrière le tournage et ce passage de relais non souhaité et lugubre entre le père et le fils on réalise qu'on se trouve en présence d'un film d'une très grande maladresse mais qui d'un point de vue plus philosophique donne presque envie qu'on lui pardonne. 

Pas tout. Pas d'aller aussi loin que de présenter dans ses dernières minutes des survivantes qui auraient trouvé la liberté en rejoignant un pays où les femmes n'ont aucun droit. 

Mais s'agissant de la démesure du projet, on pardonnera volontiers à un fils d'avoir fait de son mieux pour rendre un hommage pétaradant à sa légende de père. 

Note : 2/5

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