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Ma dose de cinéma

Shogun - Le remake parfait ?

Publié le 23 Avril 2024 par Gaffeur in Historique, Série, Japon, Samourai, Hiroyuki Sanada

Sans dec' c'est classe ou pas ?

Sans dec' c'est classe ou pas ?

Tandis que chaque projet estampillé du sceau de Disney est automatiquement conspué (souvent à juste titre mais parfois à tort), on aurait pu s'attendre à ce que cette nouvelle adaptation du roman de James Clavell soit elle aussi désertée par le public. Mais si il y a bien eu quelques craintes lors de l'annonce d'un remake de la série culte des années 80, la première bande-annonce avait su mettre les rageux de côté et donner envie aux spectateurs de donner une chance à ce nouveau Shogun.

Les critiques de leur côté ont bien fait leur beurre en s'époumonant à délivrer l'anecdote du 100% d'avis professionnels positifs aux Etats-Unis et au fur et à mesure la série était attendue moins comme la crainte d'un remake moderne trahissant l'esprit de l'histoire originale que comme la promesse d'une vraie grande série. Pas de celles dont on parle parce que c'est la tendance du moment (coucou Le Problème à Trois Corps) mais bien le genre de série qui va passionner sans être grand public. 

Bref le genre de show que l'on désespérait de retrouver et qu'on attendait encore moins dans les pattes de Mickey ! C'était effectivement ma crainte principale : Woke Disney allait-il encore frapper ou bien la présence de Hiroyuki Sanada en tant que producteur exécutif allait nous garantir une série de grande qualité ? 

Pour ma part je n'ai pas lu le roman original mais étant donné que j'ai dévoré trois fois la série avec Richard Chamberlain et Toshiro Mifune je me permettrai de faire un petit comparatif pour ceux et celles d'entre vous qui seraient des fans de la première heure encore hésitants à l'idée de découvrir une nouvelle version de leur série de chevet. 

Un Toranaga différent, le genre de changement qui donne son ton à la série

Un Toranaga différent, le genre de changement qui donne son ton à la série

Une histoire japonaise

Si vous avez vu la série originale ou lu le roman, le scénario ne vous surprendra pas dans ses grandes lignes car il s'agira encore une fois de suivre le parcours d'un naufragé anglais au coeur d'une lutte politique entre plusieurs daimyos. 

John Blackthorn que les japonais rebaptiseront rapidement Anjin San va ainsi découvrir un monde bien différent du sien, avec un langage difficile, des codes stricts et des relations de non-dits où le moindre faux pas peut être puni d'une décapitation éclair. 

La première grande différence entre les deux séries concerne justement Anjin San qui occupait une très grande place dans la version de 1980. 
Cette fois-ci et bien que Cosmo Jarvis livre une prestation impeccable l'histoire va davantage se concentrer sur les personnages japonais, notamment Toranaga Sama qui va bénéficier de rajouts très importants par rapport à la première série. 

Campé par Hiroyuki Sanada le suzerain transpire de charisme et d'ingéniosité pour arriver à contourner tous les traquenards que lui tend son grand rival Ishido, et ce sera bien là le coeur de l'intrigue de cette nouvelle mouture.

Certes tous les passages que vous attendez si vous connaissez l'histoire seront présents mais si vous espériez une nouvelle romance envahissante entre Anjin San et Mariko vous risquez d'être fortement déconcertés car on sent une réalisation bien plus japonaise qu'américaine, ce qui va se traduire par une absence de clichés hollywoodiens comme la série avec Chamberlain pouvait en contenir.

Le plus grand chamboulement concernera sans conteste le personnage de Toranaga qui n'est pas rendu sympathique pour plaire à un public occidental qui aime bien les dirigeants fourbes mais bonnards dans le fond. 
Sanada prend un vrai risque en campant un Toranaga beaucoup plus strict et limitera ses sourires à trois ou quatre pour la totalité des dix épisodes, mais cela paye car on a cette sensation de découvrir un véritable samouraï élevé au Bushido. 

Entre épique et intime

Mais cette tonalité japonaise ne va pas se retrouver uniquement dans le scénario et les personnages mais également dans la mise en scène qui est l'une des grandes forces de la série. 

Les plus sceptiques peuvent se rassurer : pas de wokeshit ou de modification pour intégrer telle pensée actuelle là où il n'y a pas la place. 
Sanada l'avait promis en interview : il voulait que la culture de son pays soit respectée, et bon sang ce que cela fait plaisir de voir une série avec une âme qui ne se plie pas aux relectures actuelles. 

Résultat la série ne versera pas dans le grand spectacle gratuit certes divertissant à la HBO et si il faut dire qu'il y a plus d'affrontements que dans la première mouture on ne sera pas en présence d'une série d'action ou de guerre (pour le coup la bande annonce qui montrait des plans de champ de bataille était assez mensongère). 

Les plus grandes batailles se gagnent par l'esprit et le show va adopter cet adage pendant chacun des dix épisodes, et si certaines séquences seront épiques avec un budget qui se ressent à chaque plan si on excepte un ou deux CGI moyens les plus grandes confrontations seront verbales et psychologiques. 

Toranaga et Ishido se livrent à une guerre d'usure où le premier à effectuer ouvertement une action armée aura perdu, ce qui donne un spectacle très différent d'une production américaine... Et ça marche à merveille parce que justement nous ne sommes pas habitués à ce genre de rythme, putain je le répète ce que ça fait plaisir de voir une série vraiment originale et surtout adulte !

Le genre de personnage qui devient plus attachant que l'héroïne principale

Le genre de personnage qui devient plus attachant que l'héroïne principale

Une vraie série adulte

Parce que si certaines séries se prétendent adultes parce qu'elles savent faire dans le sanglant et ajouter des culs, Shogun sort du lot en montrant la violence sous son aspect le plus poisseux sans en faire un spectacle fun à regarder. 

C'est bien simple je crois qu'il ne se passe pas un seul épisode sans qu'au moins une personne soit décapitée ou qu'un carnage ait lieu. Là encore la caméra ne s'attarde pas vraiment sur le gore et fait même parfois le choix du hors champ : lors de l'épisode 9 deux escouades s'affrontent autour d'un personnage. La caméra reste alors braquée vers le personnage en question tandis que le bruit du combat retentit et que parfois les combattants (ou des morceaux de combattants) passent dans le champs jusqu'à ce qu'un plan aérien ne dévoile le résultat du combat. On n'a pas vu grand chose, pourtant l'aspect sans pitié du combat est d'une efficacité redoutable. 

Autre aspect que j'avais involontairement évité jusque là mais qui pourtant souligne encore cette volonté de livrer un produit japonais et adulte : pas de doublages pour les séquences japonaises !
Et si jamais vous vous dites "yolo j'ai bien tenu pendant les passages en Dothrak sur Game of Thrones" je tiens à préciser que 80% des conversations de la série sont en langue japonaise...

Et là encore c'est tant mieux car quoi de mieux pour s'immerger dans une culture aussi éloignée de la nôtre que de respecter la langue du pays ? 
Mais ne pleurez pas au moins cette fois il y a des sous-titres !

Une relecture fidèle, novatrice mais encore perfectible

C'est d'ailleurs la différence qui fera peut être criser les plus fanatiques de l'original, mais effectivement cette fois nous avons droit à des sous titres. 
On ne va pas se le cacher le parti pris de l'époque de ne rien traduire en dehors des séquences où Mariko pouvait servir d'interprète était génial car cela plaçait le spectateur au même niveau que le héros.

Mais cette fois-ci la série trouve un juste milieu et permet en prime de redécouvrir certains aspects du scénario : saviez vous que Omi San était le neveu de Yabushige ? Saviez vous quel était le passé de Mariko ? 
On dira ce qu'on veut en matière de réalisme mais les sous-titres permettent de mieux cerner la richesse de cette histoire. 

Histoire qui en plus sera renforcée de très nombreux ajouts (le frère et le fils de Toranaga, un développement plus poussé de Fuji, Omi-San ou encore Buntaro et surtout une vraie place accordée aux antagonistes) sans pour autant trahir l'esprit de la première série. 

De plus il est bon de le souligner la série dure dix épisodes, mais cette fois il s'agit bien de vraies heures : 55 minutes pour le plus court si j'ai bonne mémoire ! Résultat malgré un format qui commence à gonfler car cela force les scénaristes à bâcler la série a tout de même bien pris son temps pour raconter cette histoire complexe. Et c'était bien le minimum, surtout quand on voit le final. 

Je ne spoilerai rien bien entendu et je nuancerai en affirmant avoir adoré de voir que certains personnages complètement ignorés par l'originale vont avoir droit à un vrai destin. 

Sans rire le final est sobre, émouvant, tragique et cruel tout comme l'était l'original, mais si il fonctionne bien mieux pour ma part il y a tout de même quelques points frustrants qui me font penser comme à l'époque qu'il y a matière pour une saison deux... Qui ne viendra jamais ! 

Et si je suis satisfait de voir qu'un truc aussi culte que Shogun ne soit pas décliné en franchise à la con avec dix milles épisodes, j'avoue que j'ai encore eu cette sensation de ne pas avoir tout vu. Et puis si vous aimez l'histoire japonaise, entendre le nom d'un lieux en particulier et ne pas avoir droit à une seule image pour illustrer ce qui s'y est déroulé est assez criminel. 

Désolé mes oiseaux les amourettes à l'eau de rose c'est pas pour ce coup ci

Désolé mes oiseaux les amourettes à l'eau de rose c'est pas pour ce coup ci

Bon, ai je besoin de préciser après tout ceci que j'ai adoré Shogun au point de me lever une heure avant de partir au boulot parce que je ne voulais pas attendre la journée complète pour découvrir les épisodes ?

Ces dix épisodes ont été un pur bonheur pour tous les passionnés d'histoires de samouraïs et de culture japonaise. 
Les katanas ont fait jaillir le sang tandis que quelques instants seulement auparavant les personnages se recueillaient paisiblement dans un jardin magnifiquement arrangé avec une fine pluie pour parfaire le tableau.

Cette capacité de passer de la poésie à la barbarie, la vraie (attention au final de l'épisode 4 vous n'êtes pas prêts) a fait de Shogun à la fois une série de grande qualité mais aussi un vrai hommage au Japon Féodal avec ces personnages qui récitent des vers mais qui s'ouvriraient le ventre pour un oui ou pour un non pourvu que cela serve le Daimyo. 

Mais cette dureté de la vie du samouraï saura également toucher le spectateur lorsque dans un simple regard on comprend que maintenant que l'objet de leur querelle n'est plus deux rivaux pourront avancer ensemble ou encore cette séquence désarmante à la fin de l'épisode 3 où un guerrier arrive trop tard pour fuir avec son seigneur et se contentera de simplement saluer avant de faire demi-tour pour affronter son destin. 

Et le meilleur dans tout ça c'est que la série arrive à séduire même un fou de l'originale comme moi en apportant du neuf sans éclipser la moindre séquence cruciale (vérifiez, la scène des palanquins, le dîner avec Buntaro, le faisan, les jésuites... Tout y est mais en mieux développé).

Franchement je me demande comment je vais occuper mes soirées du mardi maintenant que la série est terminée... Bah, ça me donnera une excuse pour la revoir une deuxième fois !

Note : 4.5/5

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