Dune Deuxième Partie - Longue vie aux Guerriers

L'affiche du premier volet avait la froideur d'une tragédie, celle-ci annonce le feu de la guerre

Denis Villeneuve en plus d'être un cinéaste exceptionnel au style reconnaissable entre mille est un homme de parole. En 2021 lorsque Dune Première Partie est sorti, le réalisateur avait promis qu'il était prêt à retourner dans le désert sur le champ pour tourner la suite et que nous l'aurions très rapidement, en deux ans maximum. 

Résultat... Oui ok techniquement cela fait deux ans et demi mais il faut savoir que le film a été repoussé de quatre mois suite à la double grève des scénaristes et acteurs, donc le bonhomme n'avait pas menti sur ses attentions et sa hâte à remettre en scène la lutte pour Arrakis laissait espérer un deuxième volet incroyable. 

Et le moins que l'on puisse dire c'est que non seulement Villeneuve a tenu parole en tournant son film plutôt rapidement, mais en plus les trois heures obtenues à l'issue sont d'une qualité que personne n'aurait imaginé. 

Evidemment si vous n'avez pas vu la première partie il est plus que conseillé de le faire avant de vous précipiter, mais justement le film vient de sortir donc cela vous donne l'occasion de vous jeter sur le premier volet en DVD ou VOD pour ensuite découvrir un très grand film en salles. 

La puissance du désert

Les anciens et les nouveaux

Reprenant exactement là où le premier opus s'était arrêté, cette deuxième partie nous replonge aux côtés de la cohorte fremen menée par Stilgar tandis que les Harkonnen font disparaître les dernières traces de la maison Atréides avant de reprendre la récolte de l'Epice. 

La sensation de découvrir la suite logique d'une immense fresque de SF est savoureuse dès la première image et ne nous quittera plus jusqu'à la dernière.
En dévoilant la façon typique des fremen de récolter l'eau des morts, Villeneuve porte à l'écran avec toujours plus de simplicité et d'efficacité le roman de Herbert.

Soyez donc rassurés : toutes ces petites choses qui fonctionnaient très bien dans le premier opus et qui font partie du côté le plus culte du lore de Dune sont là et de nouvelles viendront s'ajouter pour rendre cet univers toujours plus cohérent et fascinant. 

Mais si plusieurs noms pouvaient manquer pendant la première partie tandis que certains étaient clairement des figurants de luxe, cette fois-ci Villeneuve n'oublie presque personne et nous offre en plus de la galerie d'excellents personnages du premier de nouveaux visages qui se tailleront très vite une place dans les souvenirs du spectateur.

C'est bien simple je serai prêt à retourner voir le film uniquement pour la séquence introduisant le personnage de Feyd-Rautha. Grand absent du premier épisode, le Na Baron Harkonnen est à la hauteur de ce qu'il est dans le roman : un authentique fumier comme le cinéma nous en a trop peu donné ces derniers temp. 

Y'a pas à dire il est loin le temps de Sting en slip de l'espace...

Je n'ai qu'un seul maître, son nom est Shai Hulud

A l'issue du premier film, beaucoup de monde s'était senti frustré par l'absence de conclusion et surtout le rythme avait rebuté une partie du public qui s'attendait à ni plus ni moins qu'un nouveau Star Wars. 

Mais que ces personnes là se rassurent, Villeneuve nous a vendu un film de guerre et dans la foulée Christopher Nolan a affirmé qu'il s'agissait du meilleur film de SF depuis L'Empire Contre Attaque, et vous savez quoi ? Aucun des deux ne s'est moqué de nous. 

Les trois heures passent à la vitesse de l'éclair et avec cette sensation constante d'assister à un vrai moment de cinéma et pas à un buzz du moment. 

Bien que le style reste celui de Villeneuve donc très contemplatif et jonglant constamment entre immensité et intimité, le rythme du film est absolument parfait.

Chaque séquence apporte son plus en matière de background ou bien annonce un évènement qui arrivera plus tard, le tout entrecoupé de nombreuses séquences de guérilla dans le désert.

Et pour le coup on sera loin de la retenue et du caractère expéditif des affrontements du premier volet, les batailles sont plus longues et nous collent aux côtés des combattants pour des affrontements mémorables. 

Comment oublier l'attaque de la moissonneuse qui illustre bien le paradoxe entre l'immensité et l'intime, où la caméra nous présente une souris minuscule qui va fuir l'écran pour laisser place à une immense machine que les fremen vont se faire un plaisir de réduire en cendres. 

Attention Villeneuve ne tombe pas pour autant dans le trop plein hollywoodien et il ne faudra pas s'attendre à des batailles de vingt minutes, mais justement le film en tirera un équilibre rare entre action et développement des personnages. 

La surprise du film pour ma part

Le messie de Dune

C'est le sujet sur lequel j'avais de petites appréhensions : la place de Paul Atréides au sein des fremen. 
Etant donné la triste époque que nous traversons et la sensibilité de plus en plus sensible de certains, je me demandais comment serait abordée la religion.

Point extrêmement important de Dune car conférant à l'arrivée autant de titres à Paul que n'en arborait Daenerys Targaryen, la religion ne sera pas édulcorée par le scénario et c'est sur ce point que Villeneuve montre à quel point il aime le roman original.

Chaque séquence évoquant le Lisan Al-Gaib ou le Kwisatz Haderach sera passionnante et abordera chaque frange de la population ainsi que l'impact qu'aura le rôle de Paul sur leurs vies et leur foi.

A ce titre quelle surprise pour ma part de découvrir pour de bon Zendaya qui fait de Chani un personnage vraiment touchant et intéressant là où le roman lui consacrait finalement bien peu de place.

Honnêtement c'est assez couillu de la part de Villeneuve de ne pas avoir édulcoré ce pan de la mythologie de Herbert par les temps qui courent et son film n'en sera que plus riche. 

Un vrai travail d'adaptation

De toute manière l'écriture du film est extrêmement fidèle au pavé qu'est le premier tome (900 pages pour rappel) et le génie du scénario est de ne pas vouloir copier bêtement le roman et ne rien corriger pour l'adapter à un autre média. 

Je n'en dirai pas trop mais un personnage très important devrait déjà être présent à ce stade du récit et hormis dans une courte vision le personnage n'apparaitra pas. Mais c'est une nécessité car le dénouement du tome un se prêtait mal au format cinéma.

Même chose pour la chronologie qui dans les romans souffre parfois d'ellipses scandaleuses. Le film fait le choix de ne pas trop coller au livre et l'histoire se déroule sur beaucoup moins de temps, et c'est très bien car cela aurait donné un côté rushé et bâclé à l'instar de la dernière demi-heure de la version de David Lynch en 84. 

Il fallait rester fidèle, mais il fallait aussi savoir s'affranchir de certains aspects du roman pour que l'histoire ait une chance de fonctionner au cinéma. 

Ainsi le personnage auquel je fais allusion ne sera pas là (du moins pas vraiment) mais Villeneuve nous dit malgré tout que dans le troisième volet celui-ci aura un rôle à jouer et qu'il a simplement été décalé pour ne pas interférer avec une histoire déjà très riche et complexe. 

Mon dieu ce duel...

A la limite si je voulais critiquer un peu je pourrai dire que je m'attendais à plus de séquences du côté des Harkonnen car Villeneuve avait annoncé que les chauves albinos auraient droit à plus de "trucs" pour reprendre ces mots. 

Mais hormis lors de la formidable séquence de vingt minutes en noir et blanc sur Giedi Prime les terribles Harkonnen n'auront pas tellement de place à l'écran, et c'est dommage surtout avec un personnage aussi instantanément impressionnant que Feyd-Rautha. 

Pourtant ce ne sera pas un défaut pour autant car Dune, c'est l'histoire de Paul Atréides. Pas l'histoire des Harkonnen. En ce sens leur faible présence à l'écran se justifie totalement et cela ne les empêche pas non plus d'être des adversaires mémorables tant leurs saloperies n'ont aucune limite. 

La première partie était une relecture efficace des deux premiers tiers du film de Lynch, ce second volet est une claque de science-fiction dont on soupçonnait certes l'existence mais certainement pas la puissance de l'impact. 

Ca passe par les acteurs fantastiques, le spectacle généreux et par la mise en scène exceptionnelle de Denis Villeneuve. Observez ce plan aérien où les fremens arborant leurs turbans encerclent Paul : tous ces points beiges qui éclipsent la silhouette du garçon donnent l'impression de voir un individu entouré de grains de sable. Comment illustrer de façon plus géniale le fait que le héros ne fait plus qu'un avec le désert ?

Dune, Deuxième Partie est assurément de ces films qu'il faut découvrir en salles, non pas parce que l'imagerie est cool, mais parce qu'on est en présence d'un très grand film pensé pour le cinéma. 

Evidemment le troisième volet ne sera pas pour tout de suite, mais ce n'est pas plus mal étant donné la complexité du second tome autant que Villeneuve prenne son temps pour nous offrir la conclusion d'une très grande trilogie de science-fiction.

Note : 4.5/5