Les Derniers Jedi - L'épisode de la discorde

Comment trigger les fanboys en une seule affiche

Le mercredi 13 décembre 2017. 

Cette date restera à jamais un évènement particulier dans l'histoire de la saga Star Wars. Pas seulement parce que cela marque l'arrivée en salles du huitième épisode numéroté de la franchise, mais en particulier parce que c'est à cette date précise que débuta une guerre de tranchées à peine moins saignante que celle de 14-18 entre différentes factions de fans. 

Resituons un peu les choses : deux ans plus tôt est sorti Le Réveil de la Force signé J.J. Abrams. Pour beaucoup de monde (dont moi) nous tenions un épisode qui ne prenait pas beaucoup de risques mais qui avait su recréer la hype propre à la saga. Certes le scénario ressemblait beaucoup à celui de Un Nouvel Espoir, mais La Menace Fantôme lui même était similaire dans son déroulement et ce n'est qu'avec L'Attaque des Clones que la prélogie avait trouvé son propre ton. 

Aussi Les Derniers Jedi était-il attendu de pied ferme par la frange de déçus ainsi que par ceux qui avaient compris qu'il serait celui qui confèrerait à la postlogie son identité. Rian Johnson n'avait pas le droit à l'erreur mais malgré les mises en garde du réalisateur tout au long de la production du film, le choc fut grand pour tout le monde, y compris pour votre serviteur. 

M'enfin Luke il t'es arrivé quoi ?

Ok, qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Je me rappelle encore très bien de cette amertume que j'ai eue après vingt minutes de métrage pourtant bien épiques (en vrai ça commençait déjà mal avec une faute de conjugaison dans le générique déroulant). 

Alors que je l'avais attendu pendant deux ans, Luke Skywalker que j'espérais voir attraper son vieux sabre que lui tendait Rey pour partir venger la mort de son ami Han Solo... Luke, le héros de mon enfance... Jette le sabre-laser par dessus son épaule avant de se barrer comme un prince comme si un démarcheur à l'indicatif 08 venait pour la 1138ème fois de la journée de lui proposer un sabre neuf et qu'il en avait eu plein le dos, maître jedi ou pas.

On ne va pas se mentir, s'il y a bien un point qui a mis 100% du public d'accord c'est que sur le coup cette séquence était aussi inattendue qu'insultante. 

Mais j'avais su me dire "ok, Star Wars VIII ne sera pas ce dont j'ai tant rêvé mais que va-t-il m'offrir malgré tout ?"

Et c'est justement là que le film demandait à chaque spectateur quelque chose que trop peu de blockbusters ont osé faire : mettre de côté ses fantasmes personnels pour accepter que l'histoire ne va pas forcément avancer dans le sens espéré, mais dans le sens nécessaire.

Le problème des théories de fans

Parce que J.J. Abrams est un type qui adore le mystère, il avait laissé l'épisode VII sur plusieurs questions sans réponses. Qu'allait faire Luke ? Qui sont les parents de Rey ? Qui est Snoke ? 

Et si à l'époque de la prélogie il y avait Lucasfilm Magazine pour spoiler allègrement le film suivant (sans déconner si il vous reste des exemplaires amusez vous à vérifier que certains numéros expliquaient séquence par séquence le déroulement de La Revanche des Siths plusieurs mois avant la sortie) avec internet est arrivé un fléau au moins aussi grave que ces pages de spoilers gratuits : les théories.

Chaque fan allant de la première heure au néophyte pouvait faire une vidéo expliquant qu'il pensait que le prochain film montrerait Luke affronter le Predator ou que Han Solo reviendrait avec un parachute et un patch de glace sur la poitrine ! J'exagère à peine, mais ces théories ont en plus été relayées par les sites professionnels qui ne pouvaient résister à l'envie de faire une grande quantité de clics sans pondre le moindre travail.

Mais Rian Johnson avait annoncé la couleur à travers les nombreuses interviews réalisées avant la sortie du film, et je me rappelle d'une phrase en particulier : "je vais faire exactement l'inverse de ce que vous attendez". 
Résultat Luke balance son sabre comme un os de poulet KFC bien rongé, Rey n'est la fille de personne de connu et Johnson veut tellement vous faire comprendre que Snoke n'a jamais été important pour les personnages principaux qu'il semble presque pisser sur nos théories à travers la cultissime séquence du combat de la salle du trône. 

Et donc je me suis toujours demandé si cette haine ou du moins une partie de cette haine envers Les Derniers Jedi était causée par le fait qu'une partie des fans n'avaient réellement pas aimé le résultat ou bien simplement par le fait que leurs belles théories n'avaient rien donné ? 

L'imagerie est exceptionnelle, impossible de discuter ça

Les fautes que je concède

Bien que je sois un fervent défenseur de ce huitième volet, je ne vais pourtant pas avoir le culot de prétendre que celui-ci est parfait ! 
Même si je trouve toute cette haine complètement injuste et surtout disproportionnée je dois tout de même jouer franc jeu et admettre que certaines choses n'ont jamais vraiment marché. 

Commençons par certaines horreurs visuelles qui ne sont pourtant pas de mauvaises idées de base : les habitantes d'Ach-to par exemple ont une apparence en soi bien pensées mais ces frusques de bonnes soeurs franchement... Et bien que le fait que Leia manipule la Force ne me dérange pas en soi étant donnée sa lignée, il faut bien dire que ce plan dans l'espace était une véritable horreur ! Même chose pour les gardes de Canto Bight dont les casques inspirés des samouraïs sont un beau clin d'oeil aux chanbaras qui ont inspiré Georges Lucas, mais bon sang ce que l'ensemble de leur tenue était ridicule.

Et puisque je parle de Canto Bight il s'agit probablement de l'arc le plus maladroit de toute la saga (derrière l'escorte de Padmée sur Naboo par Anakin mais pas besoin d'en dire plus pour que les traumas ressurgissent). L'idée de nuancer le propos et d'apporter à la saga un peu de gris était excellente mais toute cette séquence dans le casino puis l'évasion avec le personnage de Benicio del Toro manquaient tellement de subtilité que je n'ai jamais su me passionner pour elles.

Pourquoi je le trouve brillant

Mais malgré des lourdeurs incontestables, Les Derniers Jedi reste à mes yeux un très grand Star Wars, et même un très grand film. 

Parce que Luke malgré son look de clodo galactique bénéficie non seulement d'une interprétation incroyable de Mark Hamill mais également d'une écriture très soignée en vérité. Parce que chacun espérait voir le maître jedi de retour pour coller une peignée à son neveu maléfique et remettre les pendules à l'heure avec le Premier Ordre. Et c'est ce qu'il a fait.

Mais pour y arriver il a du apprendre à se remettre en question et à accepter ses échecs. Oui il est terrible pour un fan de voir Luke se comporter comme un vieux con pendant une heure et quart, mais ce ne sera que pour mieux l'apprécier lorsqu'il se ressaisira par la suite pour redevenir l'icône légendaire qu'il a toujours été. Parce que franchement, retrouver Luke en mode "je suis un jedi parfait et je vais tout régler en deux minutes" aurait été bien moins intéressant et surtout cela aurait rendu le film bien plus court (on va être honnête en combat singulier il aurait plié Kylo Ren en dix secondes). 

Et puis il y a également cette idée qui traîne pendant tout le film et qui colle parfaitement à la doctrine des jedi : s'acharner contre son ennemi ne sert à rien et ne mène à rien de bon.

Poe Dameron en fait l'amère découverte au début en menant l'attaque contre le super-cuirassé : une victoire spectaculaire qui aura coûté la vie à de nombreux pilotes de la Résistance alors que le combat n'était pas nécessaire. 

Tout le film est construit autour de cette idée quitte à parfois frustrer : la Résistance passe en effet 85% du film à fuir sans riposter tandis que la flotte du Premier Ordre les pilonne sans arrêt. 

Quelque part Johnson va même à l'encontre de la surenchère dans les blockbusters, car pour être honnête le film n'est pas si chargé en scènes d'action ! Deux batailles spatiales au début, puis presque plus rien jusqu'aux vingt dernières minutes. Tout au plus une évasion un peu musclée puis un combat sans pitié contre les Prétoriens, mais pas tellement d'action. 

Parce que l'action a beaucoup trop pris le pas sur la narration depuis une quinzaine d'années, Les Derniers Jedi est presque un film d'auteur à gros moyens. Et forcément le public n'était pas prêt à cela, le film étant exactement l'inverse de Abrams qui était généreux en batailles mais qui ne creusait pas trop l'histoire car il fallait bien qu'elle tienne encore pendant deux épisodes. 

Un combat bien brutal comme la saga en a rarement proposé

Je suis conscient que beaucoup d'entre vous ont du penser "pff quel tocard il n'y connaît vraiment rien à la saga", peut être même qu'à l'idée même que je puisse avoir aimé cet épisode certains seront partis du site en se jurant de ne plus consulter les écrits d'un tel hérétique. 

Mais j'ai envie de vous répondre... Quand Lucasfilm vous a écouté et que le scénario de L'Ascension de Skywalker a été corrigé pour tenter de réconcilier tout le monde, avez vous été satisfaits pour autant ? 

Le rétropédalage de l'épisode IX en réaction aux hystériques suite à l'épisode VIII aura ainsi gommé les audaces de celui-ci. On annule l'idée qu'une simple pilleuse pouvait avoir la Force sans pour autant être la nièce de l'Amiral Ackbar. On annule d'avoir assumé que Kylo Ren serait le grand méchant en faisant revenir Palpatine via un event Fortnite (oui pour l'anecdote l'appel entendu dans la galaxie que décrit le générique de l'épisode IX correspond bien à une allusion à ce jeu de merde)...
Bref on annule le travail d'un réalisateur dont le seul tort aura été d'avoir osé proposer quelque chose d'inattendu tout en cochant toutes les cases obligées de la saga (vérifiez, tout ce que vous voulez dans un Star Wars se trouve dans Les Derniers Jedi).

C'est pourquoi d'un certain côté bien que le discours de la réalisatrice ne soit pas pour me rassurer (on veut des réalisateurs compétents peu importe qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes) j'attend l'épisode X avec un certain espoir.

L'espoir que Lucasfilm pourra finir la saga numérotée par autre chose qu'un film sans risques pété d'action mais sans véritable profondeur. 

Car comme l'affirme l'une des plus belles phrases du film et accessoirement de la saga : L'espoir c'est comme le soleil, si vous n'y croyez que quand vous le voyez, vous ne passerez pas la nuit. 

Note : 4/5