Killers of the Flower Moon - Important mais trop long

Un film qu'on aura attendu pendant un bon moment

Bon sang ce que je peux en vouloir à Scorsese d'avoir à ce point vendu son âme aux plateformes. Ce n'est pas que je n'avais pas aimé The Irishman, mais voir une telle légende opérer un tel rassemblement de figures du cinéma de gangsters pour destiner le tout exclusivement au petit écran m'avait terriblement déçu. 

Je peux comprendre que Scorsese soit amer devant le succès (qui visiblement connaît une grosse perte de vitesse) des films de super-héros, mais de là à se dire tant pis pour les salles... Bref lorsque Killers of the Flower Moon a été mis en chantier, Scorsese a une nouvelle fois été financé par une plateforme. Mais reconnaissons à Appletv qu'ils savent être beaux joueurs puisque le film aura eu droit à une exploitation en salles avant sa sortie sur la plateforme VOD du groupe. 

Mais je pose la question malgré tout : est-ce vraiment une histoire de format ? Non parce que ok le film dure 3h30 tout comme The Irishman, mais depuis quand Martin Scorsese fait-il dans le contenu tik tok ? Ce n'est pas comme si son dernier gros carton Le Loup de Wall Street durait lui aussi trois heures, et je ne parle pas de Silence qui lui aussi s'approchait des 180 minutes. 

Et Gangs of New York alors ? Un film historique sur les débuts ultra-violents de la Grosse Pomme de presque trois heures là encore avec pourtant très peu d'action mais un rythme et un montage tellement malins que personne ne critiquera jamais la durée. Alors pourquoi encore se tourner vers une plateforme pour Killers of the Flower Moon ? 

Peut être pour son sujet qui n'allait pas brosser dans le sens du poil le spectateur ricain ? Quand on voit à quel point le film a été snobé par la dernière cérémonie des Oscars, on peut effectivement se demander si Hollywood est vraiment prêt à raconter de telles histoires. 

Une famille formidable

Le drame Osage

Avez vous déjà entendu parler des amérindiens Osage ? Probablement que non à l'instar de votre serviteur avant de découvrir le film. 
Rien d'étonnant car on ne va pas se le cacher l'extermination des natifs par les colons n'est pas vraiment un sujet avec lesquels les américains sont à l'aise et si on excepte le chef d'oeuvre Danse avec les Loups je suis prêt à parier que vous auriez toutes les difficultés à citer un seul film abordant aussi frontalement la culture amérindienne et la place des natifs dans la société moderne. 

Allez, il y a bien eu Wind River de Taylor Sheridan pour aborder un minimum le sujet mais hélas malgré la présence de deux Avengers au casting le film n'a pas fait un tabac. Du coup il fallait bien un nom aussi parlant que Martin Scorsese pour aborder une histoire aussi sordide, parce que si j'adore le film de Kevin Costner on peut dire qu'en dehors d'être un vibrant hommage à cette culture il ne montre pas pour autant de séquences destructrices.

Scorsese fort de sa longue expérience en matière de films historiques acides et sans filtre va ainsi aborder son sujet frontalement.
Après un prologue génial où les Osage découvrent du pétrole avant que les trains ne débarquent des hordes de blancs, Scorsese n'attendra pas plus de quelques minutes avant que plusieurs meurtres ne s'enchaînent. 

Mais parce que les victimes de ces meurtres étaient des amérindiens, la police ne faisait presque jamais d'enquête ou bien se dépêchait de conclure à un suicide en dépit du fait que les victimes aient été tuées d'une balle en provenance de l'arrière. 

A grand renfort de plans-séquences et de suivis à la grue le cinéaste déploie son artillerie habituelle pour retracer ces morts scandaleuses et surtout l'anti-enquête qui en a découlé. Parce que c'est bien là que le film surprend pour la première fois : on s'attend à ce que la police finisse par intervenir, mais en lieu et place du thriller auquel s'attend le spectateur Scorsese va servir une nouvelle fresque historique et criminelle. 

Un film de gangsters déguisé

En même temps avec Robert de Niro et Leonardo di Caprio en haut de l'affiche il fallait bien se douter que les magouilles, les règlements de comptes et assassinats commandités feraient partie de l'intrigue !

Il faut ainsi environ une heure au film pour dévoiler ses véritables intentions et de dénoncer le plan horrible mis en place par William "King" Hale et sa famille pour mettre la main sur les richesses des Osage. 

Car après avoir été exterminés par les colons, les Osage se sont certainement dit que ce serait un juste retour des choses que de découvrir l'Or Noir sur leurs terres, mais malheureusement pour eux la cruauté des colons n'avait aucune limite.

Et si les agissements de Hale sont déjà scandaleux on aurait pu se dire que la police rattraperait vite le "parrain" de Fairfax, mais c'était sans compter sur la longueur du bras du gaillard qui avait la police et les légistes dans sa poche. 

Cette main basse sur le système et sur les richesses Osage se traduira par plus des deux tiers de métrage consacrés aux assassinats et aux tentatives infructueuses des Osage pour attirer l'attention du gouvernement sur leur situation.

Une histoire sombre qui aura finalement connu une certaine forme de justice puisqu'après de longues années le FBI s'est enfin décidé à intervenir et à s'intéresser à tout ce joli monde. 

L'homme blanc et son "couvre-lit" pour reprendre les termes du film

Structure classique, trop peut être

Vous l'avez compris Scorsese comme un chef étoilé a concocté une recette qu'il maîtrise à la perfection en construisant son film en trois parties d'environ une heure chacune qui feront à chaque fois basculer l'oeuvre dans un registre différent. Du drame familial le film passe au film de gangsters avant de terminer dans le polar avec l'arrivée des fédéraux. 

Une construction un peu classique de la part de Scorsese et sans aller jusqu'à dire que cela sonne déjà vu on ne peut pas dire que le réalisateur se soit montré particulièrement virtuose. 

Pourtant le prologue avec les Osage qui dansent sous le pétrole annonçait un film bien acide, ce qui sera le cas certes mais sans jamais retrouver cette perfection des premières minutes. De plus on se doute bien que le sujet était important pour Scorsese à tel point que le gaillard conclura le film en personne comme pour assumer jusqu'au bout ce projet qui a du faire grincer de très nombreuses dents et malgré le manque de virtuosité du film cela fait tout de même plaisir de voir un tel réalisateur monter au créneau aussi franchement. 

Beaucoup trop long

Bon, oserai-je le dire sans penser qu'on va sûrement me crucifier derrière pour ça... Killers of the Flower Moon est carrément trop long.

Alors certes j'en conviens les acteurs sont formidables et ce fut une vraie surprise de découvrir Di Caprio et De Niro sous un jour aussi peu flatteur sans la moindre séquence badass. Oui Lily Gladstone est incroyable et putain oh que oui c'est un scandale de ne pas lui avoir attribué l'Oscar de la Meilleure Actrice. 

Mais aussi terrible et importante que soit cette histoire était-il vraiment nécessaire de faire aussi long ? Je ne dis pas pour autant que l'intrigue aurait pu tenir sur moins de trois heures car le tout reste très riche et il fallait au moins ce temps là pour construire chaque membre de la famille ainsi que chaque victime des tueries. 

Mais il n'empêche qu'en dépit de l'excellence du casting et de la puissance du dernier tiers lors des témoignages des assassins le temps passe tout de même bien lentement. 

L'un des plans les plus ironiques de la carrière de Scorsese

Killers of the Flower Moon est un projet très important pour Scorsese et je dirai même pour l'Histoire des Etats-Unis. 

En retraçant avec une précision chirurgicale cette page honteuse de l'Histoire de l'Amérique Scorsese rend enfin justice aux Osage dont le procès et son dénouement ne leur auront pas évité le pire : avoir été massacrés puis oubliés. 

Bien sûr que le film est bon, et bien sûr qu'il est important de le voir et que son intrigue est scandaleusement instructive. 

Mais il n'empêche que 3h30, c'est long, c'est beaucoup trop long. 

Note : 3.5/5