Nous y voilà, c'est déjà la fin de la route pour notre Cassian Andor préféré alors que techniquement cela fait presque dix ans que le personnage a été introduit dans la franchise Star Wars.
Entre la pandémie, les grèves de scénaristes et l'absence de succès de la première saison qui a poussé Lucasfilm à revoir ses plans, Andor aura été un véritable parcours du combattant pour son showrunner et son casting, et si cette deuxième et ultime saison a déjà créé des moments inoubliables pour ne pas dire cultes on se demandait si la fin allait être à la hauteur.
Ainsi après nous avoir proposé la semaine dernière un choc à la fois psychologique et physique avec le massacre d'une population civile, Andor touche à sa fin et tire sa révérence avec le style qui a fait son... Peut-être pas succès étant donné les audiences mais disons sa réputation de meilleure série live Star Wars.
C'est à dire en faisant dans la sobriété, dans l'acting, dans la précision de l'écriture et de mise en scène et surtout en allant là où on ne l'attendait absolument pas.
Espionnage jusqu'au bout
Je vous pose la question : combien avez vous vu de scènes de bataille pendant la série jusqu'à présent ? Je parle de vraies grosses bastons mettant en scène des centaines de combattants ? Zéro.
La série a toujours été vendue comme un thriller spatial et ce n'est pas parce qu'il s'agit des trois épisodes finaux que Tony Gilroy s'est dit "tiens allez tu sais quoi je vais leur envoyer un croiseur en pleine gueule et faire de Luthen Rael un jedi".
Ainsi le show conservera jusqu'à la fin son style lent mais oppressant avec une gestion du suspense qui était tout simplement incroyable pendant ces épisodes 10 et 11 qui ont vu Dedra Meero, Luthen Rael et Kleya affronter leur destin.
Quelle autre série estampillée Star Wars aurait pu oser un climax composé d'infiltration, de messages radios envoyés à la dérobée et d'une unique scène d'action opposant à peine une poignée de flics impériaux à un trio de rebelles ?
Comme d'habitude l'histoire se situe à échelle intime et il sera plus question au cours de l'épisode 10 de développer les liens entre Luthen et Kleya via les flashbacks tant attendus que de s'attarder avec de l'action gratuite.
D'ailleurs cette dernière salve d'épisodes surprend par son emploi massif du hors champ concernant les moments de violence, ce qui est constamment justifié par le scénario : pourquoi devrions nous montrer une tuerie à l'extérieur d'un vaisseau quand les personnages se trouvent à l'intérieur ?
Des adieux incomplets...
Comme répété plusieurs fois depuis le début de ces avis sur les différentes fournées de cette saison 2 Gilroy a été contraint de condenser les quatre autres saisons qu'il avait en tête en une seule, et cela signifie beaucoup d'ellipses mais aussi que certaines têtes n'auront pas forcément le temps nécessaire pour briller.
Le dixième épisode sera le meilleur à ce sujet là car centré exclusivement sur Luthen et Kleya mais aussi sur Dedra dont les actions auront des conséquences plus qu'inattendues. L'Empire et la Rébellion naissante se sont affrontés par pions interposés pendant 24 épisodes mais étant donné que ces trois personnages tiraient les ficelles il était normal qu'un épisode complet leur soit consacré.
Aussi lorsqu'on retrouve Cass, Melshi et K2SO en train de faire un cul-de-chouette autour d'une table on se régale devant chaque réplique du droïde qui apporte une dose d'humour appréciable dans un cadre aussi dramatique, mais on se dit que la série a attendu l'avant-dernier épisode pour nous montrer ce genre de moments.
D'un côté j'applaudis volontiers quand un scénariste ne tombe pas dans la facilité d'un fan service attendu, mais de l'autre il est dommage que la relation entre le droïde et son nouveau maître soit réduite à quelques scènes seulement... Episodes condensés, tout ça tout ça...
Le hic c'est que Gilroy avait introduit énormément de personnages et de pistes avec la première saison et malheureusement certaines questions ou destinées resteront sans réponse (pour le moment, car on peut compter sur Dave Filoni pour nous pondre un Tales of the Rebellion l'année prochaine et nous faire une mini-série en 3D sur les survivants) : la soeur de Cassian ? Prrrrr ! Que devient la cousine de Mon ? Re-prrrr ! Qu'adviendra-t-il de ceux qui ont survécu mais se trouvent dans des positions délicates ? Re-re-prrrr !
Dommage que la seule série Star Wars a avoir eu le cran de sortir du format 8 x 35 minutes n'ait pas eu le temps nécessaire pour exister, et si il y aura à jamais un seul vrai drame concernant la saga ce sera l'échec public de la première saison qui nous a privé de plus d'épisodes et donc d'une conclusion absolument parfaite.
... mais d'une puissance rare
Cependant il faut tout de même le dire l'épisode final a été d'une précision rarement observée dans une saga de pop-culture aussi grand-public.
Le titre annonçait la couleur : cet ultime épisode va faire la jonction avec Rogue One, mais on ne s'attendait pas à ce que tout s'imbrique de façon aussi fluide avec juste ce qu'il fallait de fan service.
Si vous êtes un amoureux du spin-off de Gareth Edwards ce dernier segment va vous régaler en balançant énormément de noms de lieux, de matériaux ou de personnages qui vous feront immédiatement comprendre que la mission sur Jedha et Scarif n'est plus qu'à quelques jours dans la chronologie.
On retrouvera ainsi ce qui faisait le sel du film à savoir une Alliance Rebelle qui n'est pas encore complètement soudée, où chaque leader n'hésite pas à défier les autres (la séquence du conseil décidant du sort de Cassian est aussi jouissive qu'énervante, si ça n'avait tenu qu'à moi j'en aurai passé plusieurs au sabre laser histoire d'accélérer le processus mais bon y'avait déjà Saw Gerrera pour la case rebelle maboule) et surtout plus que jamais la série embrasse la tragédie.
Les cinq dernières minutes sont certainement ce que la franchise a fait de plus émouvant : Cassian s'équipe et fait route vers son vaisseau pour la mission dont il ignore qu'elle le mènera à la mort.
Là encore la mise en scène a été chirurgicale : pendant la marche de Cassian de courtes capsules entrecoupent le tout et dévoilent ce qui attend chaque personnage ou presque. La caméra ne s'attarde pas quatre heures par personnalité pour créer l'émotion, deux plans maximum couplés à une bande-son mêlant espoir et tristesse suffiront à créer ce moment peut-être anti-spectaculaire au possible mais qui pourtant est d'une logique implacable dans le ton de la série.
Cassian marche sous un ciel gris, le pas assuré tandis que certains contemplent un lever de soleil. Un soldat de l'ombre, un rebelle qui n'a pas hésité une seule fois à se salir les mains pour la cause et qui se battait pour un futur dont il savait qu'il n'assisterait jamais.
Et si j'ai toujours trouvé que sa plus grande tragédie était de mourir sans savoir que sa mission avait réussi, les dernières secondes de la série en rajoutent car il ignorait qu'il avait trouvé ce qu'il avait toujours souhaité.
Et là Star Wars a réussi ce que seul Interstellar avait réussi à faire : m'arracher un sanglot soudain ainsi qu'une larme devant une scène si simple mais d'une puissance phénoménale.
Le truc amusant c'est qu'il y a dix jours je pestais contre la série Tales of the Underworld pour avoir offert un twist bidon sur un personnage, alors qu'aujourd'hui la tristesse devant le même twist mais utilisé de façon pertinente ne me quitte pas alors que cela fait 24 heures que j'ai vu l'épisode.
On nous a promis que la saison serait une pépite d'or, un truc infaillible qui allait remettre les pendules à l'heure concernant la qualité que l'on attend (et que l'on doit avoir) devant une production Star Wars.
Pour ma part j'aime mieux parler de diamant brut : le résultat est magnifique et rempli de moments qu'on n'aurait jamais soupçonné découvrir dans une franchise qui s'est à ce point aseptisé ces derniers temps.
Mais malgré la haute qualité de ces douze épisodes on sent qu'il manque encore quelques points et qu'un développement sur trois saisons n'aurait pas été de trop.
En dépit du fait que je sois un peu frustré de ne pas connaître le dénouement de certains personnages (heureusement pas les plus importants) cette conclusion a le mérite d'avoir été fidèle au ton du show et de ne pas avoir cédé aux sirènes du grand spectacle.
Les meilleures confrontations de la série ont été verbales, et de ce côté là je crois qu'on ne fera pas aussi fort que la manière dont la série a bouclé le sort de Luthen. Une première mort hors champ en apparence gratuite (mais ce faisant, Luthen a mis à l'abri sa famille ainsi qu'il l'avait promis) puis un duel de sourires forcés et de sous entendus glaçant qui nous font réaliser que cela s'arrête ici.
Et ça, ça vaut bien une confrontation au blaster.
Note : 4.5/5