Quand j'y repense la dernière fois que j'ai eu envie d'aller au cinéma c'était pour Gladiator II en novembre dernier, et la fois d'avant c'était à Kyoto pour tester un cinéma japonais !
Moi qui adore l'expérience de la salle suis en effet depuis quelques années de plus en plus écoeuré par le comportement du public qui ne sait plus rester deux heures sans l'ouvrir (et ne tapez pas sur les jeunes, les quadras et les seniors aussi savent très bien parasiter une séance) ainsi que par les tarifs des salles proches de chez moi : à 17 boules la place il fallait bien que je sois suffisamment curieux de découvrir la suite de Gladiator pour retourner dans ces endroits que j'affectionnais pourtant.
Mais lorsque Mickey 17 le nouveau film du prodige Coréen Bong Joon-ho a été annoncé je n'ai pas hésité une seconde : le printemps du cinéma est dans quinze jours ? Rien à carrer je vais voir le film day one car avec Bong Joon-ho il faut toujours s'attendre à de la folie et à des surprises qui ne mettraient pas longtemps à fuiter.
Et puis mine de rien Parasite sorti il y a déjà six ans était l'un des cinq meilleurs films de ces dix dernières années, et c'était sans compter la filmographie dingue du gaillard qui nous a offert des coups de maître tels que Memories of Murder, Snowpiercer ou le méconnu Mother.
Résultat, peut être étais-je un peu trop enthousiaste vis à vis de ce nouveau film qui à mes yeux ne pouvait qu'être un chef d'oeuvre de plus dans la liste des ovnis signés Bong Joon-ho.
Mickey 1, 2...
Après s'être retrouvé dans la sauce avec des maffieux, Mickey Barnes s'engage comme remplaçable au sein d'une expédition spatiale menée par Kenneth Marshall et dont le but est de coloniser une planète glacière.
La mission de Mickey est simple : il doit accomplir toutes sortes de tâches dans le cadre de la recherche scientifique avec comme particularité que chacune pourrait le tuer. Mais grâce à une imprimante high-tech et une sauvegarde des souvenirs de Mickey, l'homme est réimprimé après chaque décès.
Vous pensiez que Mourir peut attendre serait le détenteur du prologue le plus long de l'histoire des blockbusters ? Mickey 17 va probablement changer les choses avec son introduction qui résumera de façon virtuose et sans concessions le passé du héros.
En l'espace d'une petite demi-heure Bong Joon-ho rappelle pourquoi on aime tant son cinéma : pour sa capacité à constamment changer de style.
On passe ainsi de la SF à une ambiance polar, puis au film de monstre et enfin à la pastiche politico-sociale avec comme point commun la capacité de Bong à systématiquement trouver le timing pour placer un gag ou une réplique bien acide qui déclenchera le rire.
Et donc au départ ça commençait très bien.
Un scénario qui fourmille d'idées
On le sait le style du réalisateur consiste à s'éparpiller dans tous les sens en touchant à différents registres, donc il n'y a rien d'étonnant à ce que Mickey 17 suive la même recette en nous proposant énormément de lore.
On y découvre une époque où la Terre est devenue tellement contrôlée qu'on ne peut vraiment expérimenter que dans l'espace, mais aussi un monde où les idéologies et les démagos se taillent la part du lion tandis qu'en plein milieu va se greffer une romance inattendue.
On ne peut pas dire que l'histoire ne surprenne jamais, on se pose sans arrêt plein de questions sur la suite ou sur les personnages et on s'amuse souvent des réflexions internes de Mickey ou de ses mimiques.
Là aussi excellente idée d'avoir viré l'archétype du héros de SF pour un gentil con maladroit. Robert Pattinson s'est visiblement éclaté à incarner son personnage et s'il y a bien une réussite totale dans le film c'est bien ce personnage décalé et sacrifiable.
Du coup, où est-ce que ça bloque ?
Le premier problème concerne le manque de cohérence dans les divagations de l'histoire. Cela semble farfelu dis comme ça mais prenons par exemple Memories of Murder : on passe des flics qui se prennent pour Bruce Lee aux méthodes chamaniques mais il y a toujours un objectif clair sous-jacent à savoir trouver le coupable.
Même chose pour Parasite, même si le film vire au thriller, à la home invasion revisitée et à l'épouvante il y a toujours cette idée commune de dénoncer les inégalités en Corée.
Dans Mickey 17 que doivent faire les personnages ?
La grande absente : la subtilité
A la rigueur j'aurai pu pardonner ce manque d'objectif de la part de l'intrigue, après tout on ne peut pas révolutionner la narration à chaque film non plus.
En revanche il y a un point qui a fini par me lasser et par complètement me sortir des situations : la surenchère dans le pastiche.
On a tous compris que Mark Ruffalo et Toni Collette (géniaux au demeurant) étaient une représentation satyrique du couple Trump et que l'actuel président américain a du avoir les oreilles qui sifflent pendant les deux heures que dure le film.
Le hic c'est que contrairement à un film comme Snowpiercer qui savait apporter une dose de surjeu via Tilda Swinton sans en faire trop, Bong laisse ses acteurs en faire des caisses et fait durer certaines séquences beaucoup trop longtemps.
Lorsque les apparitions du couple sont quasi-éclairs l'humour fonctionne bien et le message passe déjà très bien. Mais à partir de la séquence du dîner (très amusante il faut le dire) Bong Joon-ho semble vouloir absolument grossir le trait au cas où on n'aurait pas compris qui sont les deux chefs d'expédition.
De la part d'un réalisateur aussi doué dans la subtilité il est vraiment étonnant de le voir débarquer avec de gros sabots, sans compter que les personnages ne surprennent jamais et restent constamment enfermés dans leur rôle original.
Steven Yeun est un filou qui s'en sort toujours bien, Ruffalo un mégalo pété de thunes néonazi, Naomi Ackie une fliquette qui ne déconne pas avec la justice... A aucun moment les personnages ne sortent de leur case, hormis celui de Pattinson pour une raison que je ne dévoilerai pas au cas où vous seriez passés à côté des images promotionnelles (pour ma part ce fut la seule vraie surprise).
Un doigt d'honneur aux blockbusters
Je commençais à me dire que tout ce bin's c'était peut-être parce que le film a été financé par la Warner, et que le studio aurait peut-être bien retenu le cinéaste d'aller à fond là où il le voulait et de bien appuyer sur l'aspect pastiche afin d'être certain que le public comprenne.
Sauf que clairement le film a coûté très cher (pas loin de 120 millions de patates, avec les épluchures) et cela se ressent à l'écran avec des créatures dont le rendu est excellent et quelques plans dans l'espace qui valaient le détour.
Mais si un studio te confie 120 millions, est-ce que c'est pour une simple comédie satyrique ?
C'est pour le coup un vrai tour de force d'avoir convaincu Warner de financer un produit aussi cher alors qu'il n'y aura aucune scène d'action, le réalisateur prenant un malin plaisir à détourner toutes les attentes du blockbuster de SF classique.
Vous espériez une rencontre effrayante avec les monstres et de la tripaille ? Vous pensiez que l'exploration d'une planète des glaces donnerait lieu à des moments dignes de L'Empire Contre-Attaque ? Vous pensiez que ce rassemblement de forces allait donner une grosse scène de bataille finale comme dans tout bon blockbuster ?
Et bien sans en dire trop il va falloir revoir vos attentes à la baisse, sauf si vous êtes un fan inconditionnel de Bong joon-ho et que vous saviez déjà au fond de vous même qu'un tel cinéaste ne pouvait pas avoir vendue son âme de la sorte.
Ouais je persiste, si il y a un coup de maître avec ce projet c'est d'avoir réussi à vendre un truc épique de science-fiction à un studio pour au final se contenter d'une comédie acide sur le pays du studio qui l'a financée.
Mais même si la démarche de Bong Joon-ho me fait sourire malicieusement et que son film n'est pas dénué d'intérêt il faut que j'admette la triste vérité : c'est la première fois que je vois l'un de ses films en salles, et il fallait qu'il s'agisse du moins inspiré.
Je me suis amusé, j'ai parfois été surpris et la prestation de Pattinson est jubilatoire.
Mais d'un autre côté quel dommage d'avoir voulu à ce point grossir le trait sur le côté pastiche et ne pas avoir su quand s'arrêter histoire d'offrir aux personnages un véritable but.
Note : 3/5