Jusqu'ici je dois dire que je suis passé à côté de 95% du cinéma de Jeff Nichols. Ce n'est pas faute d'avoir entendu dire ou lu sur de nombreux forums que Take Shelter et autres Shotgun Stories étaient fantastiques et que Nichols était le nouveau roi du cinéma US indépendant et tout le tralala, mais jusqu'à présent ma seule expérience avec l'univers du réalisateur aura été Mud.
Et pour le coup si le film est une preuve de plus que Matthew McConaughey s'est métamorphosé en comédien de génie depuis une douzaine d'années, j'avais été assez rebuté par un rythme très lent et une histoire qui malgré quelques moments touchants et efficaces ne m'avait vraiment pas passionné.
Alors pourquoi The Bikeriders, surtout pour moi qui ne suis vraiment pas attiré par le culte de la sacro-sainte bécane et l'univers des gangs de motards ?
Et bien si vous vous retrouvez dans un vol de 13 heures entre Tokyo et Francfort et que la playlist vous propose au choix The Bikeriders et le dernier Fast and Furious autant vous dire qu'en ce qui me concerne le choix fut vite trouvé.
Mais malgré ce choix effectué un peu par dépit je reconnais avoir trouvé une excellente surprise qu'il me tarde d'acquérir en DVD !
On the road agaaaaaaain
A la fin des années 60, Kathy se retrouve pas hasard dans un bar de la ville où l'attend une de ses amies. A l'intérieur Kathy se retrouve confrontée à une bande de motards aux blousons de cuir pour la plupart déjà bien alcoolisés et dont les manières manquent de délicatesse.
C'est ainsi qu'elle attire l'attention de Benny, la jeune tête brûlée du club qui la ramène jusque chez elle où pris par la jalousie son petit ami quittera la maison. Bien vite Kathy épouse Benny et espère qu'un jour elle comptera plus pour lui que son club de motards, mais c'est sans compter l'emprise qu'a le président du groupe sur ses adhérents.
Vous avez lancé le film en espérant trouver une sorte de Sons of Anarchy à la sauce sixties, où des motards auraient fondu sur la bande adverse en jouant du fusil à pompe ? Et bah mes cocos j'aime autant vous dire que là vous vous êtes largement fait avoir !
The Bikeriders a beau être un film de voyous il ne tombera pas dans la facilité et ne va pas chavirer dans le film de gangsters, tout du moins pas dans l'immédiat et il faudra bel et bien attendre le dernier acte pour que le club devienne un gang.
De la part d'un cinéaste indépendant au style posé et contemplatif il n'y a ainsi rien d'étonnant à ce que le film ne comporte que trois coups de feu et seulement une ou deux séquences de chevauchée mécanique, mais il faut tout de même insister sur ce point car celui qui espère de The Bikeriders une oeuvre romanesque sur les chapitres de motards risque de se manger une sévère déconvenue.
L'influence Scorsesienne
Vous commencez certainement à comprendre pourquoi j'ai apprécié le film, étant donné que je n'aime pas la culture motarde une oeuvre qui parle finalement de passion et de choix entre sa femme et ses potes m'a forcément bien plus parlé.
Mais pour autant le film n'est pas 100% éloigné du style gangsters car sa narration va ouvertement s'inspirer du cinéma de Martin Scorsese et plus particulièrement des Affranchis et Casino.
Débutant in media res par l'une de ses rares scènes d'action le film va après quelques minutes faire une pause et nous ramener plusieurs années en arrière tandis que Kathy va narrer elle même son histoire et à travers son regard l'évolution de la bande.
Voix off, personnages qui défient les forces de l'ordre et un côté interview qui va régulièrement teaser ce qui nous attendra par la suite, l'influence du cinéma de Scorsese est plus que palpable, mais le tout est employé de façon pertinente et suffisamment efficace pour qu'on ne trouve pas le procédé grossier.
Le problème du format
Kathy va ainsi passer tout le film à répondre à des questions sur l'évolution de la bande et la place qu'occupaient Benny et elle à la "grande époque", la narration étant étalée sur quasiment une décennie.
Et c'est là que le film trouve son seul gros défaut : il est beaucoup trop court pour être à la hauteur de ses ambitions.
Romance entre un biker et une jeune femme tranquille, fresque sur l'évolution des bandes de riders, critique sur l'amérique post-guerre du Vietnam... Le film voudrait être tout ça à la fois mais malheureusement en 100 minutes comment pourrait-il s'imposer dans chacun de ces angles ?
Le pire concernera sans conteste la relation entre Kathy et Benny, les deux personnages n'ont finalement pas tellement de séquences ensemble et même lorsque c'est le cas leurs répliques partagées dans le film entier se comptent presque sur les doigts de la main.
Dans ce cas là comment croire à une alchimie entre Jodie Comer et Austin Butler malgré le jeu parfait de la première et le charisme du second ?
Par chance les choses sont bien plus réussies lorsque le film s'intéresse pour de bon au club fondé par Johnny, campé par un Tom Hardy dont il ne me semble pas nécessaire de préciser le niveau de bestialité du gaillard ?
Au départ composé de fous de la bécane voulant simplement organiser des courses un peu folles, la bande des Vandals gagne en renommée puis commence à crouler sous les demandes d'adhésion qui finiront fatalement par rameuter de mauvaises graines qui une fois plantées conduiront inexorablement le groupe vers une mutation plus violente où la moto ne sera plus qu'un style.
Je suis sincèrement le premier surpris de m'être laissé à ce point prendre par une histoire se déroulant dans un monde qui ne me plaît pas et qui en prime a l'audace d'être anti-spectaculaire en refusant au maximum les situations habituelles des fictions sur les bikers.
On apprend ainsi à s'attacher à une bande d'amis dont les années et les mauvais choix de management vont conduire à une métamorphose aussi tragique que radicale, et cette capacité qu'a eu Nichols de raréfier la violence pour que les quelques pics que propose le film soient réellement choquants est assez remarquable.
Le film manque tout de même de véritable profondeur et la romance est tellement bâclée que cela plombe tout un arc de l'histoire, mais malgré cette impression qu'il nous faudrait une director's cut de 30 minutes de plus pour en faire un chef d'oeuvre, la sauce prend et l'émotion sait parfois atteindre le spectateur.
Si Mud m'avait laissé réellement sur ma fin, The Bikeriders me donne clairement envie de me procurer d'autres films de Jeff Nichols !
Note : 3.5/5