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Ma dose de cinéma

47 Ronin - Pourquoi Ubisoft connaîtra le même non-succès

Publié le 8 Novembre 2024 par Gaffeur in Historique, Aventures, Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Samourai

Et pourtant à l'époque j'y croyais dur comme fer

Et pourtant à l'époque j'y croyais dur comme fer

Il y a de cela (déjà) quelques semaines, je me trouvais à Tokyo pour un pèlerinage un peu particulier car en grand amoureux des films de sabre japonais que je suis je souhaitais plus que tout me rendre au cimetière des 47 ronins (d'ici quelques jours j'en parlerai sur mon blog consacré à ce voyage, si ça vous intéresse cliquez ici). 

C'est que si chez nous cette histoire est souvent racontée comme une légende il ne faut pas oublier que ces gars là ont réellement existé et que leur action symbolise à elle seule le fameux bushido ou code d'honneur du samouraï voir carrément l'âme du Japon selon les points de vue. 

Et tandis que je déposai sur chacune des 47 tombes un bâtonnet d'encens pour honorer la mémoire des célèbres sabreurs je réalisais que la seule version cinématographique ayant fait parler en occident était la version de 2013 avec Keanu Reeves. 

Parce que si leur histoire a donné un film culte au Japon réalisé en 1941 il faut savoir que le film en question dure quatre heures et qu'il ne s'agit que de plans fixes sans la moindre scène d'action puisque le sujet est l'honneur du samouraï et non pas la bataille qui a permis aux ronins de pouvoir mourir dignement. 

Mais évidemment il a fallut que Hollywood voit en cette histoire le potentiel d'un grand film d'aventures au Japon féodal, et à cette époque cela faisait déjà dix ans que Tom Cruise avait cartonné avec son Dernier Samouraï et les studios se disaient certainement que revisiter la culture japonaise à la sauce US avait bien marché, alors pourquoi ne pas se réapproprier la légende des 47 ? 

C'est en 2013 que débarque ainsi 47 Ronin porté par Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Tadanobu Asano et Rinko Kikuchi et mis en scène par l'illustre Carl Rinsch dont il s'agissait du premier long métrage après plusieurs années à bosser dans la pub et les clips musicaux.

Pour info Netflix est en conflit avec le réalisateur depuis qu'ils lui ont confié un projet de série SF à 55 millions de patates et que Rinsch aurait tout dilapidé en crypto, bagnoles de luxes et autres bêtises qui font glousser les nouveaux riches. 

 

Tu sais quoi ? Dans huit ans on fera John Wick 4 ensemble et on va leur montrer ce que c'est qu'un film d'action

Tu sais quoi ? Dans huit ans on fera John Wick 4 ensemble et on va leur montrer ce que c'est qu'un film d'action

C'est l'histoire qui n'a rien à voir avec la légende

Après une introduction visuellement inspirée de la calligraphie japonaise et composée de tableaux animés pas dégueu, le film de Rinsch nous propulse immédiatement dans un univers... Fantastique !

En effet si la voix off commence par parler du bushido et de la hiérarchie japonaise à l'époque des samouraïs très vite le narrateur va embrayer sur le fait que les démons peuplent secrètement le pays et que les locaux sont hostiles à leur présence. 

Honnêtement si on se penche sur ce postulat le tout aurait pu être réellement divertissant : voir une vingtaine de cavaliers chevaucher la forêt à bride abattue pour venir à bout d'une créature au design intéressant n'est pas déplaisant il faut le reconnaître !

Hélas la réputation houleuse de la production du film semble méritée puisque une fois ce prologue passé le surnaturel sera subitement mis de côté pendant les trois quarts du films pour ne resurgir qu'en deux petites occasions.

On a ainsi rapidement cette impression que deux films sont mélangés : le premier retraçant l'histoire des ronins et le second mettant en scène un affrontement entre humains et tengu. 

L'idée aurait pu donner un résultat divertissant mais bien entendu à l'écran il en sera autrement car à aucun moment les deux n'arrivent à coexister. 

Le film n'est jamais vraiment une aventure digne d'un blockbuster puisque les (rares) scènes d'action se déroulent en général en moins d'une minute et n'opposent qu'une poignée de figurants aux personnages principaux tandis que les ronins sont carrément relégués au douzième plan !

C'est bien simple le film dure 1h45 et peut être le quart de ce temps est consacré à l'adaptation de l'histoire des 47 : qui sont-ils ? Comment se sont-ils concertés pour défier l'autorité pour avoir le droit tragique et honorifique de trouver la mort en samouraï ? 

Ce ne sont clairement pas les quelques scénettes mettant pauvrement en scène une bande de figurants en guenilles qui pourront rendre hommage à l'histoire originale ni sensibiliser le spectateur au sort des ronins. 

Ce qu'on peut sauver

Je serai cependant bon prince je dois avouer que si la première moitié du film est une véritable purge truffée de clichés et dont le montage laisse clairement entrevoir les difficultés de tournage et les réécritures probables subies par le film, la seconde moitié peut passer. 

J'y reviendrai naturellement plus bas mais si le film est rempli de moments où on sent que le réalisateur n'y connaît rien il faut lui accorder que l'assaut final de la forteresse du seigneur Kira est au moins correctement exécuté et que les quelques scènes d'action qui rythment la deuxième heure sont efficaces à défaut d'être mémorables. 

Enfin concernant le casting même si Keanu Reeves n'y croit pas une seconde et que Asano et Sanada semblent se retenir de pleurer à chaque plan de participer à un tel projet, il faut tout de même retenir le personnage de la sorcière.

Il s'agit en effet du seul membre du casting à bénéficier d'un minimum d'écriture et où le réalisateur a eu quelques idées de mise en scène pour l'iconiser efficacement. 

Certes le personnage est tellement aguicheur qu'on se demande sans arrêt si on ne va pas tomber dans le boulard à gros budget mais les différentes métamorphoses sont réussies et l'actrice prend visiblement un vrai plaisir à jouer les garces manipulatrices. 

Et donc forcément quand un acteur s'amuse sincèrement le spectateur partage ça avec lui !

Evidemment il fallait une romance guimauve sur son lit d'eau de rose et ses copeaux de chocolat allégé

Evidemment il fallait une romance guimauve sur son lit d'eau de rose et ses copeaux de chocolat allégé

Le rapport avec Ubisoft et Shadows 

Mais le vrai problème du film ne sont pas ses personnages transparents.
Ce n'est pas non plus son scénario bidon qui rallie péniblement l'Histoire et la mythologie de manière maladroite (je suis certain que si le titre avait été modifié et qu'on aurait laissé au public la surprise d'apprendre dans le dernier tiers qu'il s'agit des ronins aurait été une meilleure approche). 

Non le vrai problème, c'est qu'il s'agit d'une histoire japonaise complètement modifiée par des américains. Or si Edward Zwick a su convaincre avec Le Dernier Samouraï, c'est justement parce que Tom Cruise n'était pas le personnage annoncé par le titre et qu'il n'était à aucun moment décisif dans l'intrigue qui aurait très bien pu se passer de lui. 

Avec 47 Ronin Carl Rinsch commet les mêmes erreurs que celles que commet le studio Ubisoft avec son prochain jeu se déroulant au Japon Féodal : il ne connaît rien à la culture et à la tradition japonaise. 

Certes il a le mérite de ne pas avoir proposé des tatamis carrés mais en termes visuels le résultat à l'écran évoque certes l'Asie mais si vous avez une certaine expérience en la matière vous verrez que les coiffures, costumes et mélodies évoquent davantage le Wu Xi Pian donc le film de sabre... Chinois. 

Et bien entendu à l'époque 47 Ronin s'est planté et les critiques n'ont pas manqué de souligner que la légende n'était pas du tout rendue intéressante et que le personnage de Keanu Reeves ne servait à rien à part à prendre le pas sur les japonais pour leur montrer que c'est lui le gaijin, le tengu qui est le plus fort et qu'en son absence les ronins seraient encore en train de vendre des merguez sur le marché. 

Toute la tragédie des ronins est complètement effacée, les casques des samouraïs sont affreux, les femmes n'ont pas de chignons japonais, même les tenues du seigneur Kira évoquent davantage Kao Kao des Trois Royaumes plutôt qu'un daimyo japonais... 

A la rigueur le profane pourrait n'y voir que du feu, malheureusement ce genre de film étant plutôt réservé à un public de niche le public a rapidement découvert le pot aux roses et le fiasco a été tel que Rinsch a disparu façon Jacques Dorfmann après Vercingétorix

Elle, je l'adore !

Elle, je l'adore !

Bon j'avoue que mon titre d'article était un peu fastoche, mais si jamais un membre de Ubisoft venait par le plus grand des hasards à me lire : regardez ce qu'il s'est passé la dernière fois que l'Occident a voulu faire une histoire au Japon sans respecter l'histoire et la mythologie japonaise. 

L'échec de 47 ronin est l'un des rares dont on peut avec le recul se féliciter de l'existence car il s'agit d'un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire lorsqu'on veut raconter l'histoire d'un autre pays sans se renseigner un minimum. 

Cela dit même si je met de côté ma passion pour le cinéma japonais et le Japon en général est-ce que le film tient malgré tout debout ? 

Parce que après tout le direct to DVD Last Knights avec Clive Owen était déjà une relecture officieuse de l'histoire des 47 ronins et sans être exceptionnel le résultat se regardait sans déplaisir !

Hélas le film de Rinsch ne fonctionne jamais vraiment et on se demande encore aujourd'hui comment on a pu filer 150 millions de dollars à un cinéaste débutant et comment celui-ci a pu ne livrer que quinze pauvres minutes d'action et des paysages forestiers ? 

Bref si vous n'êtes pas trop regardant vous pouvez peut être trouver le tout amusant mais je vous garanti si vous êtes un connaisseur du genre que vous feriez mieux de l'ignorer sous peine d'avoir envie de vous faire seppuku à la fin. 

Note : 1.5/5

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