Tandis que dans quelques mois Jean Dujardin fera son retour sur petit écran avec une série consacré au légendaire personnage de Zorro, je suis prêt à parier que si vous vous souvenez tous de la série diffusée sur France 3 ou encore des deux films avec Antonio Banderas ceux qui se souviendront qu'il y eut une version cinéma sortie en 1975.
Un film signé Duccio Tessari qui embaucha son complice de l'efficace Les Grands Fusils Alain Delon qui déclarera plus tard avoir fait le film pour faire plaisir à son jeune fils.
Et oui si Dennis Hopper traînait Super Marios Bros, notre Delon national quand à lui semble avoir pour grande casserole cette adaptation pour le moins improbable des aventures du justicier masqué !
Pour ma part le film occupe une place assez à part dans mon coeur car il fait partie de ces films que mes parents avaient enregistrés sur des K7 vierges dans une qualité médiocre mais qui m'amusait tellement que je n'ai jamais pu les autoriser à effacer la bande, même pour un film de bien meilleure réputation.
Revoir les films qui ont bercé notre enfance peut être à double-tranchant car on pourrait se dire à l'issue de la découverte qu'on avait vraiment des goûts discutables étant gosse mais on peut aussi avoir de bonnes surprises et découvrir un film certes maladroit mais doté de qualités qui le rendent réellement attachant.
Aux origines de Zorro
Ayant longuement chevauché dans le désert afin de donner quelques plans cools mais sans cohérence pour le générique, Diego de la Vega retrouve son ami de longue date Miguel qui vient d'être nommé gouverneur du Nuevo Aragon.
Mais un groupe de bandits envoyés par le colonel Huerta débarque et Miguel est tué à l'issue de l'affrontement. Seul survivant du carnage, Diego décide de venger son ami en prenant son identité pour gouverner la province. Là il découvre que l'armée de Huerta exploite le petit peuple et n'hésite pas à tuer en cas de besoin.
Diego fait alors vivre une légende locale en devenant Zorro le justicier masqué.
Fonctionnant sur le principe de l'origin story si chère aux super-héros (comme quoi le film pouvait être assez visionnaire dans son style), cette version improbable de Zorro va attendre un petit moment avant de dévoiler l'alter ego vengeur de Diego.
Pour le coup cette construction fonctionne plutôt bien avec cette idée d'un noble épéiste qui ne va pas foncer tête baissée dans la mêlée et qui va prendre le temps de rencontrer son adversaire pour pouvoir établir une vraie vendetta.
L'évolution du personnage est assez savoureuse puisque Delon a appuyé au maximum sur la touche comique lorsqu'il s'agit de camper le gouverneur devant le reste de la cour. A contrario lorsque le personnage est seul ou qu'il revêt l'habit noir Delon en fait des caisses pour avoir l'air ultra dangereux.
Et c'est justement ce contraste immense entre les deux facettes du personnages ainsi que le jeu sans retenue de l'acteur qui vont parfois accentuer un peu plus le côté grand-guignolesque du film.
Aux portes du nanar
Zorro n'a peut être pas pour vocation d'être le personnage le plus sérieux de la fiction audiovisuelle, mais si l'humour a toujours été présent dans l'univers (on pense au fameux sergent Garcia ici campé par Moustache) il a pourtant toujours su où s'arrêter pour ne pas trop rendre la partie sérieuse vaine.
Mais là entre le gouverneur qui passe son temps à se casser la gueule et Diego qui ne sourit jamais le reste du temps on tenait déjà un personnage déjà beaucoup trop drôle, mais quand en prime le scénario passe son temps à jongler entre drame et comédie sans crier gare autant dire qu'on n'a pas fini de rigoler !
J'ai envie de dire que cela commence même avec le générique d'ouverture avec Delon en mode ultra charismatique sur son cheval mais dont la chanson va complètement gâcher le style.
Il y a également des personnages secondaires inutiles mais inoubliables dans leur genre, je pense notamment au capitaine Fritz dont l'interprète Giacomo Rossi Stuart semble jouer sa vie à chaque scène d'action avec à la clé un affrontement contre des bandits façon Ku Klux Klan à mourir de rire où le gaillard surjouant l'accent allemand déambule partout en hurlant à en perdre la voix contre des figurants qui ne manquent jamais une occasion d'exagérer une chute.
Non sans déconner avec une pizza et de la bière cette séquence fera votre soirée je peux vous l'assurer !
Et enfin il y a tous ces petits trucs dans la mise en scène qui rendent le tout tellement incohérent qu'on finira forcément par en rire.
Prenons par exemple la première apparition de Zorro : le gaillard marche une vingtaine de mètres droit vers la caméra dans un plan en soi plutôt cool puisque légèrement flou. Plan suivant il se retrouve au sommet d'un muret et saute sur son cheval. Il s'est passé quoi entre les deux ?
Bref Zorro est un film où on rigole très souvent, parfois parce que c'est voulu (objectivement quelques gags fonctionnent très bien) mais aussi parce que la mise en scène pas toujours subtile de Tessari est à se tordre.
Pourtant, en y regardant de plus près...
Les portes du nanar ne sont certes jamais hors de portée du film, mais même si je met de côté mes souvenirs d'enfance je dois tout de même avouer que sur certains aspects le film est loin d'être raté !
Tout d'abord les multiples scènes d'action sont correctement réalisées avec quelques chorégraphies efficaces notamment au cours du duel final assez sombre, long et riche en moments iconiques (le coup des bougies m'a toujours éclaté).
Puis il y a surtout la partie consacrée au colonel Huerta dont l'interprète Stanley Baker a constamment l'air à deux doigts d'exploser tant le fait d'être dans le même cadre que Delon semble lui titiller la moustache ! Mais ne vous y fiez pas le gaillard ne sera pas si ridicule qu'il n'y paraît.
En plus d'avoir un thème musical excellent le colonel est un véritable enfoiré qui tranchera réellement avec le ton comique du film lors des quelques séquences où le personnage laissera libre cours à sa cruauté, n'hésitant pas à faire feu sur un homme d'église ou bien à forcer la bella ragazza du film.
Campée par Ottavia Piccolo, la jeune Hortensia est également un personnage réussi car loin des potiches habituelles du genre et qui malgré sa condition de bourgeoise compte bien se mettre en danger pour venir en aide au peuple opprimé par les troupes de Huerta.
Un personnage féminin qui allie à la fois charme et courage dont le seul bémol serait qu'elle n'est que rarement impliquée dans les scènes d'action. Dommage, le personnage avait le potentiel pour se hisser aux côtés des héroïnes badass de la culture pop.
Je ne vais pas essayer d'affirmer le contraire : Zorro par Duccio Tessari n'est pas un grand film et on peut comprendre qu'il soit rarement évoqué lorsqu'un biographe s'attelle à retracer la carrière d'Alain Delon.
Mais malgré ses très nombreux défauts et ses moments gênants le film est incontestablement sympathique et si on le lance on aura bien du mal à s'arrêter car il y aura toujours une scène d'action, une erreur de montage, un effet sonore grossier ou une connerie du sergent Garcia pour capter notre attention.
De plus malgré ses niaiseries du genre la tante qui pousse la chansonnette à un niveau qui ferait passer Colonel Reyel pour un ténor le film construit une intrigue assez solide et au second degré de lecture plutôt intéressant finalement.
Comme quoi les films les plus improbables de notre enfance ont parfois de bons côtés qui traversent correctement les années !
Note : 2.5/5