Aaaah l'été ! Les plages de sable fin bondées de touristes innombrables dont les gosses sont rois, les nuits qui ne descendent pas sous les 26 degrés, les habits qui grattent une fois la baignade d'eau salée accomplie... Sans oublier ces petits filous de programmeurs télé qui vont forcément vous caler un bon petit film de requin histoire d'ajouter un peu de paranoïa au tableau !
Oui vous l'avez deviné l'été la plage et tout le bin's ce n'est vraiment pas ma tasse de thé aussi vais je me contenter de seulement cocher la case du thriller animalier.
C'est que mine de rien le genre a toujours tendance à régulièrement refaire surface pendant les vacances d'été avec des projets parfois fous (les deux films avec Jason Statham) ou même des films plus modestes reposant sur un concept simple et efficace (47 meters down, The Shallows...) avec à chaque fois un certain succès.
Bon il y a aussi les films ouvertement cons du genre Sous la Seine et autres Sharknado mais il faut croire qu'entre deux trempettes le public adore se faire peur avec des squales disproportionnés !
Mais en dépit de l'armée de films de requins disponible en DVD ou VOD il faut bien admettre une évidence : aucun n'a réussi à surclasser le créateur du genre j'ai nommé Shark Attack 3 Megalodon !
Vous pensez gros troll ? Vous avez raison !
Evidemment que nous allons parler de Jaws premier du nom qui fêtera l'an prochain ses cinquante ans et qui pourtant écrase encore aujourd'hui le meilleur de la concurrence.
Les origines du genre
Sur la plage de la station balnéaire d'Amity Island une fête nocturne bat son plein. Une jeune fille s'éloigne du groupe pour un bain de minuit et s'aventure au large. Le lendemain son corps mutilé est retrouvé par les autorités.
Pour le chef de la police Martin Brody cela ne fait aucun doute : un requin rôde dans les eaux de la station. Mais face aux opinions contraires du maire et des magistrats qui concluent à un accident causé par une hélice, Brody n'a d'autre choix que de classer l'affaire.
Hélas plusieurs jours plus tard un jeune garçon est dévoré en pleine journée sous les yeux de dizaines de vacanciers et une chasse au requin est organisée.
La première chose qui frappe lorsqu'on découvre le film, c'est la très longue mise en place du récit. En effet de nos jours la plupart des films de requins envoient la sauce très rapidement car le public est conscient de ce qu'il va trouver dans le film.
Mais en 1975 Spielberg pouvait se permettre de prendre le temps d'instaurer le flou dans l'esprit du public. Même si celui-ci n'est pas dupe car ayant assisté à la mort de la baigneuse dès les premières minutes les réactions du maire et des notables sont en tout cas assez acceptables.
En effet qui à ce moment là avait déjà entendu parler de requin mangeur d'hommes ? Pas grand monde effectivement.
Spielberg passe ainsi un bon quart du film à jouer avec les nerfs des personnages ainsi qu'avec la patience du spectateur jusqu'à ce que le squale se montre pour de bon... ou pas !
"Shark doesn't work !"
Un coup d'oeil sur le making of fourni sur le DVD et vous constaterez à quel point l'opération était quasi impossible en 1975 : un film de requins, avec un robot qui déconne sans cesse et sans effets numériques ?
Pourtant Spielberg qui n'en était à l'époque qu'à son troisième film a su user des astuces et des bricolages qu'il avait expérimenté pendant son adolescence : si il ne peut pas montrer quelque chose qu'à cela ne tienne ! Suggérer est souvent bien plus effrayant que montrer.
La preuve le requin et la mer ne sont jamais plus angoissants que lorsque la bestiole n'est pas à l'écran.
Conscient que le requin ne sera plus aussi effrayant une fois montré du fait de la qualité du robot (encore que pour ma part je le trouve bien plus réussi que la plupart des conneries en CGI actuelles) Spielberg redouble ainsi d'inventivité pour suggérer la présence ou la puissance de l'animal.
Un baril d'air traîné sous l'eau sans difficulté, une image furtive de l'aileron du squale en arrière plan ou alors, coup de génie ultime filmer du point de vue du requin en filmant les potentielles victimes sous la surface et en ajoutant l'élément le plus culte du film : les quelques notes concoctées par John Williams.
Une poignée de notes qui jouées crescendo laissent le spectateur imaginer que l'attaque est imminente et que la mort ne va pas tarder à frapper l'écran. Une idée de mise en scène simple mais redoutable et qui s'installe si confortablement dans l'esprit du public que celui-ci est capable de dire si une scène est une fausse attaque ou non.
Pas de musique ? Pas de requin !
Pas de requin ? Pas d'attaque. Pas d'attaque, pas de victime. Pas de victime pas de palais. Pas de palais... Pas de palais !
De l'importance des personnages
Quel est en dehors d'un rendu toujours discutable des squales le vrai gros défaut de 90% des shark movies ?
Les personnages sont des cons sans identité la plupart du temps.
Sans déconner j'aimerai savoir comment on a pu passer de personnages tels que Brody, Quint et Hooper aux clichés de cibles de tueurs en série à la Scream ?
Contrairement à ce qui sera fait par la suite Les Dents de la Mer n'est pas un film très meurtrier et encore moins un produit voyeuriste qui va s'attarder pendant de longues minutes sur la mort d'un personnage insupportable que le public voulait de toute façon voir finir dans l'estomac de l'animal.
Au total en deux heures le requin ne fera "que" cinq victimes ce qui rendra chacune d'elle choquante et réaliste : le squale ne passe pas son temps à chasser et une fois qu'il aura mangé il repartira pour de longues séquences d'absence.
Une absence que Spielberg mettra à profit pour creuser ses personnages et permettre au spectateur de s'y identifier ou de s'y attacher afin que le frisson soit présent à chaque fois qu'un membre du trio principal s'approchera un peu trop près du bord du bateau lors de la pèche finale.
Des personnages si charismatiques que les meilleurs moments du film seront presque ceux où les trois finiront avec humour par apprendre à se connaître et à se respecter face à la menace commune, avec comme point culminant le monologue inoubliable de Robert Shaw sur le naufrage de l'USS Indianapolis.
Le pouvoir de l'acting : un plan séquence fixe. Un costume minable mais un acteur qui donne l'air d'avoir vécu mille vies et dont les paroles et le regard suffisent pour que notre imagination visualise l'enfer traversé par le personnage.
Bientôt cinquante ans et toutes ses dents !
Oui je sais elle était facile mais comment résister lorsqu'un proverbe s'applique aussi bien à un film aussi ancien ?
Parce que non seulement la maîtrise du hors champ et les artifices déployés par Spielberg pour palier aux soucis mécaniques du robot sont encore diaboliques aujourd'hui, mais en plus le climax demeure l'attaque de requin la plus iconique du genre !
Entre la glissade tragique de Quint, les trois barils qui remontent successivement, le regard choqué de Roy Scheider qui livre la meilleure réplique improvisée de l'histoire, la taille du monstre qui réduit le navire en allumettes à chaque passage... Citez moi une meilleure scène d'action dans n'importe quel autre film que le genre a livré depuis ?
En fait les seuls défauts de Jaws ont été ses répercussions.
D'un côté nous avons eu la naissance d'un sous-genre cinématographique bien loin d'être aussi qualitatif que l'oeuvre originale (allez je vais être bon prince le deuxième volet est honnête et The Reef était sacrément angoissant) et surtout de l'autre la peur du requin a été multipliée par cent.
Le film donne ainsi une image terrible du grand requin blanc et beaucoup rendent Spielberg responsable de la chasse croissante des squales et de leur extermination. Pour ma part je n'irai pas jusqu'à blâmer Spielberg qui ne pouvait pas prévoir que l'être humain était aussi con que ça.
Note : 5/5