Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ma dose de cinéma

Kill Bill - Hommages et virtuosité

Publié le 31 Août 2024 par Gaffeur in Action, Uma Thurman, Quentin Tarantino, Japon

Et après certains trouvent que Tarantino n'est pas féministe, ce qu'il faut pas entendre

Et après certains trouvent que Tarantino n'est pas féministe, ce qu'il faut pas entendre

Souvenez vous, c'était en 2003 (et oui déjà) que Quentin Tarantino nous livrait un quatrième film... Composé de deux volets ! 
Car oui bien que nous ayons du payer deux billets et deux DVD pour pouvoir en profiter pleinement Kill Bill est considéré par son créateur comme un seul film. 

Après trois films de gangsters à petits budgets qui ont cassé les codes du polar et permis à Tarantino de s'imposer comme le plus grand amoureux de cinéma à avoir jamais reçu une autorisation de faire des films, l'individu a surpris tout le monde avec comme je le disais un projet constitué de deux volumes mais qui allait surtout complètement différer de ce que le cinéaste avait fait jusque là !

Souvent résumé par Tarantino comme "le film que regardent les personnages de Pulp Fiction" Kill Bill bénéficie d'une enveloppe bien plus confortable qui a laissé QT donner libre cours à sa créativité et surtout à sa cinéphilie car plus que jamais le double-film est truffé de références au Septième Art. 

Installez vous confortablement car j'entend tout doucement un rif de guitare annonciateur de l'arrivée de O-ren Ishii et de ses 88 fous : c'est parti pour le film où Tarantino a fait couler le plus de sang !

Ah cette chère Gogo... Le genre de nana qu'on n'oublie pas !

Ah cette chère Gogo... Le genre de nana qu'on n'oublie pas !

La Mariée était en sang

Non loin d'El Paso les rangers du Texas découvrent un carnage dans une petite chapelle : les membres d'un mariage ont tous été mitraillés sans qu'aucun survivant ne puisse témoigner de la tuerie. 
Contre toute attente la Mariée a survécu et se trouve dans le coma. 
Quatre ans plus tard elle se réveille subitement et entreprend de retrouver les cinq personnes responsables du carnage : Vernita Green, O-ren Ishii, Elle Driver, Bud et surtout le grand patron de la bande Bill. 

La thématique de la vengeance est assez classique au cinéma, il faut dire qu'on tient un prétexte toujours efficace pour un bon thriller ou actioner, et ce ne sont pas les quatre John Wick qui me feront affirmer le contraire ! 

Mais nous sommes chez Tarantino et bien entendu il ne va pas simplement s'agir de l'histoire d'une jolie blonde qui récupère un sabre et qui crève 80 personnes au lieu de s'envoyer un flacon d'antidépresseurs. 

Parce que les coupables sont certes les anciens collègues de La Mariée mais ils sont surtout issus de différents horizons, ce qui signifie une foule de décors et donc de registres cinématographiques que Tarantino va se faire un plaisir de sublimer pendant chacun des deux volumes. 

Volume I : Chanbara et Yakuza Eiga

La première partie sera sans doute la plus accessible des deux car après une rapide confrontation avec Green (le film précédent de Tarantino étant Jackie Brown peut être souhaitait-il éviter la redite de la Black-sploitation) l'héroïne va se concentrer sur la traque de O-ren Ishii la sino-américano-japonaise devenue big boss des yakuzas. 

Qui dit yakuza dit Japon, et qui dit Japon dit katana ! Qui dit Katana dit chanbara et bien entendu que notre QT préféré a été nourri aux films de Sonny Chiba (qui a droit à une apparition), de Shintaro Katsu et autres Baby Cart.

Chaque personnage, chaque figurant, chaque décor a été ainsi conçu pour rendre hommage à la culture japonaise : les 88 fous portent des costumes noirs typiques des yakuzas, les effusions de sang démesurées à la Kinji Fukasaku, sans oublier une séquence entière en animation faisant écho aux fameux animés et manga. 

D'ailleurs maintenant que j'y pense Gogo Yubari serait bien le meilleur personnage inspiré des mangas jamais porté sur grand écran !

La tenue d'écolière avec la veste, la jupe, les chaussettes jusqu'aux genoux, l'arme complètement improbable ainsi qu'un combat presque cartoon où on saute de partout en faisant virevolter une masse d'arme un peu partout... Sans rire je vous met au défi de trouver un personnage qui a su incarner aussi parfaitement la folie d'un manga en live action. 

Car c'est bel et bien de folie qu'il faut parler lorsqu'on évoquer ce premier volume et plus particulièrement son chapitre final qui verra La Mariée provoquer l'armée entière de O-ren Ishii au cours d'une bataille rangée d'une dizaine de minutes où les têtes roulent, les yeux s'arrachent, où les couleurs s'effacent puis reviennent tandis que la bande-son colle parfaitement à la frénésie du combat. 

Si un jour Tarantino a su régaler tout le monde, c'était bien celui où il a mis en boîte ce morceau d'action sanglant et fun à souhait !

Et puis après avoir vaincue son adversaire, La Mariée s'assied sur un banc et laisse tomber au sol son précieux katana : elle est rincée, il lui faut une pause dans sa quête. 

Cela tombe bien, on arrive à la fin de la première partie et rien ne pouvait nous préparer au second volume. 

Charlie Brown, laisses nous

Charlie Brown, laisses nous

Volume II : Far West et Kung Fu

On s'attendait après le carnage tokyoïte du premier opus à retrouver Uma Thurman en Asie, mais Tarantino en avait fini avec le Japon au moment où le scalp de O-ren a quitté sa propriétaire. 

Non seulement le cadre est complètement différent puisque l'histoire déménage au fin fond du trou du c** du Texas dans la caravane minable de Budd le frère de Bill mais en plus ce dernier dévoile en fin son visage sous les traits de David Carradine. 

Et alors là autant le dire question habillage on semble être redescendus de plusieurs crans : passer du charme de O-ren, Gogo et Vernita à deux gars dont un péquenaud au stetson dans le désert avec une caravane que Brad Pitt n'aurait pas osé fourguer à Jason Statham... Euuuh y'avait plus de sous ou quoi ? 

Mais une fois passée la déception du changement de décor, on se rend compte que Tarantino a évidemment une idée derrière la tête et rapidement notre Mariée va prendre son premier gros revers (hormis ceux qu'elle a mangé dans le passé bien entendu). 

Sans en dire trop notre héroïne se retrouvera dans une situation qui la poussera à réfléchir sur son avenir et à analyser le peu de possibilités qui s'offrent à elle. L'occasion rêvée pour Tarantino de quitter le Texas pour un flashback encore plus improbable mais tout aussi chargé d'hommages que le premier volume. 

Normalement si je dis "David Carradine" vous pensez à la série Kung Fu

Cela tombe bien Bill veut que ses meilleurs sbires soient formés par les meilleurs à toutes sortes de combats : katana, épée, flingue... Et donc le Kung Fu ! 

C'est ainsi que le film pose ses bagages dans un décor que l'on jurerait pioché chez Zhang Yimou et ses Poignards Volants

Et le plus drôle c'est que non seulement on accepte la transition "stetson et désert contre vieux maître Chinois et arts martiaux" sans sourciller mais en plus le second volet ne laissera absolument rien au hasard. 

Plus posé, mais écrit de main de maître

Ok on est passé de 90 macchabées en un film à 3 pour cette suite ce qui se traduira par une vengeance bien plus verbale que la première partie, et pourtant ce second volet se déguste avec un plaisir non feint grâce à la plume de Tarantino. 

Qui aurait pu croire que Bud le péquenaud ruiné finisse par devenir le personnage le plus intéressant de l'histoire ? 

Simplement présent lors de deux plans dans le premier épisode puis teasé à la fin par la réplique "cette femme mérite de se venger, et nous méritons de mourir", Bud va réussir là où tous les autres vont échouer : contrer La Mariée. 

Mais le gaillard est plein de mystères et de paradoxes (il est le frère d'un grand caïd mais il n'a pas un radis alors que les autres sont tous pleins aux as) aussi décide-t-il de ne pas tuer notre sabreuse d'élite. 

Le bois dont est fait le cercueil, le rasoirs dans les santiags, la lampe torche, le gros sel dans le fusil... Et si Bud avait tout manigancé pour motiver Elle Driver à quitter sa planque et se mettre à découvert ? 

Cette théorie du net fait partie des rares que je porte vraiment dans mon coeur car à aucun moment on ne me fera croire que Tarantino, le mec qui a filmé Michael Madsen trancher l'oreille de Kirk Baltz au coupe-chou dans Reservoir Dogs n'ait pas pensé un seul instant qu'il n'y aurait aucun lien entre le coupe-chou salvateur et Bud campé par le même Madsen ! 

Il lui laisse une lampe pour qu'elle comprenne que le bois est le même que celui que Pai Mei lui a appris à briser ? De plus on va nous faire croire qu'en lui nouant les chevilles avec une ceinture à la con (donc facilement détachable) il n'aurait pas senti le rasoir ? 

Non. Pensez ce que vous voulez mais pour moi Bud a symboliquement contré l'héroïne pour lui infliger une épreuve terrible certes mais qui était l'occasion pour elle de faire la démonstration de ses compétences.

Je me suis pas mal attardé sur Bud mais à mes yeux ce personnage incarne à lui tout seul l'écriture très détaillée et riche de ce volume qui passe son temps à teaser des rebondissements sans qu'on ne les voient arriver, surtout Elle Driver sans mauvais jeu de mots.

Comme souvent chez Tarantino le Diable se cache dans les détails et les personnages passent souvent à un cheveu de la mort grâce à des détails insignifiants mais qui font toute la saveur de l'écriture de QT. 

Le grille-pain avait sonné le glas de Vincent Vega, le test de grossesse aura été le bouclier de Black Mamba. 

Probablement le gars le plus ambigu écrit par Tarantino

Probablement le gars le plus ambigu écrit par Tarantino

Après presque quatre heures d'hommages à 80% des formes de cinéma possibles et imaginables où les katanas ont été accompagnés de musiques mexicaines avant que le Texas n'amorcent le Wu Xia Pian, Kill Bill s'achève ainsi par la promesse de son titre. 

Bill n'est plus, et la vengeance jouissive de *biiiip* est terminée avec chose pas si fréquente chez Tarantino une happy end ! A moins que ? 

Depuis la sortie du diptyque Tarantino a très régulièrement remis sur le tapis l'idée d'un volume trois qui lui trotte dans la tête depuis le bouclage du tournage. Les filles de *biiiip* et Vernita ainsi que la jumelle de Gogo qui se retrouveraient pour s'affronter après que Black Mamba ait reçu la visite vengeresse de la petite Nicky ? 

Après tout le premier combat s'achevait par ce possible gros teasing : "si plus tard tu éprouves toujours de la haine pour moi, tu me trouveras". 

De plus le sort d'Elle Driver est laissé en suspens, et même si Tarantino aime bien laisser le flou sur certains de ses personnages (coucou Monsieur Pink) pourquoi aurait-il dessiné un point d'interrogation géant sur l'image de Elle lors du générique de fin ? 

Alors qu'on ignore toujours quel sera le prochain (et ultime) film de Tarantino, j'avoue qu'un Kill Bill III si souvent évoqué serait doublement malin : d'une part parce que j'ai envie de voir ça et d'autre part parce que si les volumes forment un seul film selon leur réalisateur, peut être qu'après le troisième il pourrait en faire encore un autre ? 

Bon j'admet que ce ne sont là que divagations d'un fan de QT qui ne veut pas le voir raccrocher et qui cherche une idée pour rallonger sa carrière géniale, mais quand on sait qu'en 2023 malgré le mouvement #meetoo et le mauvais souvenir que Uma Thurman garde du tournage (elle fut blessé lors d'une cascade que Tarantino lui a imposée) cette dernière déclarait que Kill Bill III était toujours une possibilité... Il y a une part de moi qui est entièrement convaincue que tôt où tard nous aurons ce troisième volet. 

Note : 4/5

Commenter cet article