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Ma dose de cinéma

Civil War - Quel genre d'américains êtes vous ?

Publié le 24 Août 2024 par Gaffeur in Drame,, Guerre, Suspense, Kirsten Dunst, Wagner Moura

Poster mensonger pour certains ? Heureusement qu'ils ne sont pas nés à l'époque où les affiches étaient dessinées

Poster mensonger pour certains ? Heureusement qu'ils ne sont pas nés à l'époque où les affiches étaient dessinées

Et si ? 

Et si il y a quatre ans l'attaque des partisans de Donald Trump sur le Capitole avait dégénéré au point de créer un nouveau conflit sécessionniste au sein des touts beaux touts propres Etats Unis d'Amérique ? 

C'est que mine de rien derrière les memes et détournements qui ont tourné l'évènement en dérision on oublie facilement qu'il y a tout de même eu plusieurs morts et que l'Oncle Sam n'était pas si loin de la guerre civile que certains observateurs redoutent depuis plusieurs années.

Parmi ces visionnaires se trouvent le réalisateur Alex Garland dont le dernier film Civil War semble avoir été produit en réaction à l'attaque du Capitole alors que le scénario a été écrit un an avant l'assaut en question !

Lors de la sortie du film l'oeuvre a bien entendu divisé : certains trouvaient le tout angoissant et réaliste tandis que beaucoup ont chipoté sur le fait que le Texas et la Californie puissent devenir alliés ou encore sur le fait que le film n'était pas celui vendu par les bande-annonces et les affiches. 

Mais avec Alex Garland aux commandes comment pouvaient-ils s'attendre à un blockbuster ? 

On parle tout de même du gaillard qui a réalisé Annihilation qui pour mémoire était l'un des seuls (si ce n'est le seul) films exclusifs de Netflix à avoir une véritable âme ainsi qu'une approche originale de la science-fiction. Un film que j'avais à l'époque apprécié pour son pitch et quelques séquences dérangeantes à souhait en dépit d'une durée trop longue. 

Muni d'un budget de 50 millions de patates, Civil War est un film bien plus cher que Annihilation mais à quel moment pouvions nous nous attendre à une fresque guerrière épique avec un montant pareil, et surtout avec un réalisateur à contre-courant tel que Garland ? 

 

Les vrais soldats du film

Les vrais soldats du film

American Civil War 2.0

Très tendu et peinant à se rappeler les paroles de son discours, le Président des Etats-Unis s'apprête à s'adresser à la nation tandis que les forces de l'Ouest avancent à grand pas vers Washington. 

A 1200 kilomètres de là un groupe de journalistes endurcis comprend que dans moins d'un mois le Président sera mort ou destitué et décide de traverser les Etats-Unis en guerre dans le but d'obtenir une ultime interview du leader américain.

En route la photographe Lee sauve la jeune Jessie qui souhaite devenir une grande reporter comme Lee. 

Qu'est-ce qui a provoqué ce conflit ? Quelles sont les stratégies et revendications des forces en présence ? Pour qui se battent les personnages croisés tout au long du film ? 

Ces questions vous allez certainement vous les poser mais je préfère vous avertir tout de suite que Garland ne compte absolument pas y répondre afin de laisser libre cours à votre imagination et à l'interprétation que vous pourriez en tirer après avoir vu le film.

Au maximum il s'amusera avec la troisième question pour distiller un mystère et une angoisse constante qui feront de chaque figurant armé un allié ou un ennemi.

C'est que question paranoïa le film va se montrer extrêmement réussi !

Dans les viseurs

Contrairement à ce que vous pensiez en découvrant l'affiche (mais pour ma part je trouve les bande-annonces honnêtes) il ne s'agira pas d'un film de guerre pétaradant dans tous les sens mais bel et bien d'une oeuvre mettant en lumière le métier de reporter de guerre. 

Rapidement comparés par une partie des belligérants comme étants des soldats à part entière, Garland filme ses personnages comme des combattants de la vérité et de l'authenticité et plutôt que de nous montrer les silhouettes que les soldats et miliciens tiennent en joue le film va davantage nous faire assister au conflit à travers les objectifs des photographes. 

En résulte des séquences d'action rares mais au rythme audacieux dans le sens où une escarmouche sera ponctuée de photos prises sur le vif par les reporters. Ainsi lorsqu'un sniper fera feu sur un inconnu qui avait ouvert les hostilités, nous n'assisterons pas au résultat du tir mais bien à la photo qu'a pu en tirer la jeune Jessie. Et le plan suivant ne sera pas le soldat en train d'actionner la culasse de son arme pour charger un autre projectile comme dans un film de guerre classique, à la place nous verrons les doigts de Jessie manipuler l'appareil photo pour préparer le prochain "shot". 

Un procédé astucieux, simple et très efficace qui confèrera au film une mise en scène de docu-fiction inattendue qui rendra chaque affrontement nerveux et anxiogène : que se passe-t-il hors champ pendant que la photo occupe l'écran ? 

La séquence dont tout le monde se souviendra, même les plus déçus

La séquence dont tout le monde se souviendra, même les plus déçus

The Sutherland effect

Mais attention le film a beau se dérouler du point de vue de la presse, censée être "intouchable" avec ses gilets fluos, ses 4x4 et ses casques sur lesquels sont écrits en gros JOURNALISTES, il ne sera pas pour autant question pour Garland de placer ses personnages à l'abri. 

Toujours en première ligne les reporters n'ont en fait aucun moyen de se défendre s'ils croisent les mauvaises personnes, et cela finira par arriver aux environs de la moitié du film avec la séquence devenue célèbre depuis la sortie du film, je parle de la rencontre avec le milicien campé par Jesse Plemons. 

On se rappelle de JFK pour l'apparition grisante de Donald Sutherland qui faisait comprendre au spectateur à quel point la machination était bien huilée et indéboulonnable, on se rappellera de Civil War pour Jesse Plemons qui apporte la vraie brutalité d'une guerre civile.

Jusque là hors champ ou clémente avec les journalistes, la violence prend forme explicitement à travers un charnier puis par les traits de l'acteur qui nous offre cinq minutes de tension impitoyable qui permettent au spectateur de réaliser que contrairement à ce que la première moitié lui a fait croire le conflit est bel et bien terrible et sans pitié. 

Quel dommage que le dénouement de la rencontre soit un peu trop facile et classique. 

Patience, vous l'aurez l'action !

J'ai dis que Civil War n'était pas le grand film de guerre vendu par les affiches, mais ce n'est pas pour autant qu'il n'y aura pas de gros moments d'action dans le film !

50 millions de budget, ce n'est pas énorme mais Alex Garland a eu l'intelligence en optant pour le format road movie de ne proposer pendant les deux premiers tiers que quelques escarmouches et décors urbains minimalistes pour illustrer le conflit afin de conserver le gros du financement pour le dernier acte.

Et là on pourra vraiment dire que Garland nous offre un climax mémorable illustrant les craintes (et hélas les fantasmes d'une partie d'entre eux) de chaque américain : la capitale transformée en champ de bataille. 

Sans voyeurisme ni patriotisme les vingt dernières minutes du film sont ce que le cinéma de guerre US a proposé de plus audacieux et angoissant : il y a quelque chose de fascinant mais également effrayant de voir des uniformes US faire feu sur d'autres US ou de voir exploser le Lincoln Monument tandis que sans en dévoiler les aboutissants les dernières secondes du film sont assez culottées. 

Clairement je suis surpris que cette ultime scène n'ait pas fait plus de bruit que ça parce que franchement il fallait oser ! 

Question défouraille les 20 dernières minutes sont dingues

Question défouraille les 20 dernières minutes sont dingues

Avec sa première moitié un peu molle mais nécessaire pour que le choc des images fonctionne par la suite, Civil War commençait effectivement comme un faux film de guerre fauché. 

Mais à l'arrivée on se trouve en présence d'un film très complexe et très riche en situations sur lesquelles on pourrait débattre pendant des heures !

Vous pensiez que le film serait à la gloire des journalistes ? Perdu ! Si les reporters sont montrés comme animés par un certain courage très vite les personnages de Lee et Jessie développeront un lien à la The Last of Us où la vétéran constatera avec amertume que la jeune perdra son innocence à vitesse grand V et qu'elle devra la protéger des balles mais aussi de sa fougue et de sa témérité. 

De plus si l'on devine que les reporters n'ont pas leur mot à dire pendant les combats et que chacune de leur parole peut coûter très cher le film fait parfois s'interroger sur la place du journaliste dans un conflit : certaines vies n'auraient-elles pas été sauvées si les reporters n'avaient pas fait quelque chose ? 

Alex Garland signe ainsi discrètement l'un des films les plus audacieux et importants du cinéma américain contemporain dont il est certain qu'au fil des années et en fonction de l'évolution politique du pays on ne pourra qu'applaudir son ton visionnaire, en espérant qu'il ne devienne pas prophétique. 

Note : 3.5/5

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