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Ma dose de cinéma

Battle Royale - Acidité visionnaire

Publié le 5 Août 2024 par Gaffeur in Drame,, Japon, Action, Takeshi Kitano

Avouez, vos photos de classes elles pétaient pas autant que celle là !

Avouez, vos photos de classes elles pétaient pas autant que celle là !

Vingt quatre ans déjà que Battle Royale de Kinji Fukasaku a déferlé sur nos écrans, devenant très rapidement culte aux yeux des ados et jeunes adultes tandis qu'un certain Tarantino le qualifie régulièrement comme son film préféré. 

Avec le temps on aurait pu penser que le concept d'une quarantaine de gamins emprisonnés sur une île déserte et condamnés à s'entretuer jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un tombe aux oubliettes et que le film ne soit réservé qu'à quelques fins connaisseurs. 

Pourtant même si il y a de grandes chances que le public actuel ne connaisse pas le film, on peut parier que chacun a au moins entendu parler de Warzone, de Fortnite, de Hunger Games ou plus récemment de Squid Game

C'est que mine de rien le concept du film bien que peu surprenant aujourd'hui demeure pas moins efficace pour maintenir en haleine une public avide de sensations fortes et de suspense ! Qui sera assez fort pour tuer même son meilleur ami ? Qui trahira ? Et surtout qui sera le dernier ? 

Mais revenons au film de Fukasaku. 

Aaaah ! Kinji Fukasaku ! 

Parmi les trublions ultraviolents du cinéma japonais, beaucoup citerons Takeshi Kitano ou Takashi Miike car ce sont de sacrés pointures dans leur domaine, mais il faut savoir que les tueries de yakuzas sans fin et truffées de violence extrême ne datent pourtant pas des Sonatine et autres First Love

Cinéaste avant-gardiste du yakuza-eiga Fukasaku offrit ainsi au monde en 2000 une ultime oeuvre très éloignée de ces histoires de mafieux mais toute aussi acide et pessimiste quand à l'avenir de son pays (voir du monde).

Et forcément ce genre d'oeuvre ne pouvait que se bonifier avec le temps !

Oubliez votre pire spawn sur warzone, au tirage au sort des armes de merde vous ferez pas mieux que ces deux là !

Oubliez votre pire spawn sur warzone, au tirage au sort des armes de merde vous ferez pas mieux que ces deux là !

La ferme, bande de p'tits cons !

Lycéen en classe de terminale, Shuya Nanahara participe avec une quarantaine de camarades au voyage de fin d'année scolaire. Après quelques heures à s'amuser dans l'autobus avec ses amis Nobu et Noriko, Shuya réalise que la classe entière s'est endormie soudainement avant qu'il ne soit lui même assommé par une hôtesse. 

A leur réveil les jeunes se retrouvent enfermés dans une salle de classe délabrée encerclée de soldats. Leur ancien professeur Monsieur Kitano débarque alors et leur annonce qu'au cours des trois prochains jours les 42 élèves recevront vivres, cartes et une arme au hasard afin de s'entretuer jusqu'au dernier. Autrement les colliers que chacun porte à son cou exploseront tous. 

Le plus marrant à propos de ce film c'est que je me rappelle l'avoir découvert quelques semaines seulement avant de partir en voyage de fin d'année en classe de 3ème... Grosse ambiance à l'époque après nous être demandés avec quelques potes "t'imagines si on allait à un Battle Royale ?"

Le film a effectivement beaucoup touché le public adolescent à l'époque car leurs parents se sont certainement demandés ce que c'était bon sang que cette connerie japonaise sans queue ni tête.

Et pourtant en dehors de l'aspect spectaculaire et d'une certaine manière jouissive de ce jeu de massacre où les jeunes tombent comme des mouches Battle Royale est une oeuvre bien plus riche que l'on ne pourrait le croire. 

L'enfant et l'adulte

Car derrière les fusillades, les coups de faucille façon Jean Mineur (coucou Mitsuko) et autres coups fourrés se cachent différentes critiques émanant de la vision décidément très sombre qu'avait Fukasaku de son pays et de la société moderne. 

Pour commencer cette lutte pour la survive d'un seul sera l'occasion pour la barbarie humaine de s'exprimer librement quitte à devenir un monstre : certains élèves tenteront jusqu'au bout de rester de bonnes personnes, d'autres ne prendront pas la peine de se battre et se suicideront et bien entendu d'autres saisissent là une opportunité d'être sans pitié puisque le règlement autorise tous les coups possibles et imaginables. 

Et en plus d'être une représentation acide mais tristement réaliste du comportement humain face au danger, Battle Royale est également une critique au vitriol de la compétitivité à laquelle sont soumis les élèves.

Peut être que le sujet est un poil plus pertinent dans certains pays d'Asie où les lycéens et étudiants sont formés à être les meilleurs et à ne poursuivre rien d'autre que cet objectif quitte à écraser leurs rivaux au passage, mais dans le fond si le système scolaire a pour but principal d'instruire le discours reste le même "travailles à fond pour être le meilleur et avoir la meilleure place à l'arrivée".

Le film se transforme ainsi en une métaphore du difficile passage à l'âge adulte : au départ timide et candide, Shuya finira par trouver son courage pour défendre Noriko et tenter de renverser le cours du jeu car il réalise qu'il veut devenir quelqu'un de bien. 

A contrario le professeur désabusé interprété par l'immense Takeshi Kitano (qui bien entendu va nous régaler de numéros d'humour noir à sa sauce dont un ultime complètement surréaliste) sera dépeint comme un enfant qui n'aura jamais réussi à devenir un vrai adulte. 

Tiens salut Gogo !

Tiens salut Gogo !

Un film de personnages

Ainsi alors qu'on pouvait s'attendre à un simple enchaînement de scènes d'action, Battle Royale est un film rempli de protagonistes inoubliables qui malgré ses 40 victimes va prendre le temps de se poser à de multiples reprises pour approfondir chacun des personnages et bouleverser le spectateur sur le destin des élèves.

Ainsi la joggeuse Chigusa se reverra en train de s'entraîner avec son prétendant avant que le plan suivant révélant la présence du collier nous annonce la fin du souvenir en dépit d'un survêtement identique.
En plus d'en dire long sur un personnage qui ne lâche pas ses objectifs ce cours souvenirs sentimental rendra la rencontre entre Chigusa et son agresseur encore plus dégueulasse. 

Mais ce traitement ne va pas forcément se concentrer sur les bons élèves car dans le lot il y aura une sacrée paire de filous enfin je vais dire de saloperies en la personne de Kiriyama le volontaire et surtout de Mitsuko. 

Flingueuse sans remord ainsi que grande comédienne la jeune fille se montre redoutable dès sa première apparition, faisant d'elle l'une des figures féminines les plus dangereuses de l'histoire du cinéma. 

Et pourtant.

Après avoir commis l'un de ses innombrables meurtres Mitsuko est elle aussi gratifiée d'un flashback consacrée à son traumatisme d'enfance, tandis que les plans furtifs qui lui sont consacrés lors de la séquence du match de basket révèlent une lycéenne discrète qui semble mise à l'écart et n'osant pas se frotter aux autres. De tueuses sanguinaire elle devient ainsi quelqu'un que la vie a brisé et qui n'a jamais su trouver sa place. 

Oui, en y repensant la saveur du film ne provient pas de ses scènes d'action aussi décalées et gores qu'efficaces mais bel et bien de l'identité de chacun des élèves de la classe qu'on prend plaisir à connaître avant de les voir se faire rafaler ou poignarder. 

Pour la postérité

On parle beaucoup du genre Battle Royale dans le jeux vidéos contemporains (un peu trop, pour ma part ça va cinq minutes quoi) mais le film aura tout de même su marquer suffisamment les esprits pour que certains réalisateurs notamment américains s'inspirent de l'oeuvre de Fukasaku. 

On citera bien évidemment les Hunger Games mais on retiendra surtout que sans ce film la filmographie de Tarantino aurait probablement eu moins de panache ! 

Chiaki Kuriyama qui campe la joggeuse vous aura peut être fait vous demander où vous l'avez déjà vue ? La réponse est simple, il s'agit de la charismatique garde du corps de Lucy Liu dans Kill Bill : Gogo Yubari !

De même que comme chaque spectateur du film se souviendra de la prodigieuse séquence du phare où les nanas vont faire subitement monter le body-count à partir d'un terrible quiproquo, Tarantino aura très certainement été marqué par ce huis clos pétaradant de 10 minutes pour ses Huit Salopards ! Hé, un paquet de coups de feu qui découlent d'un empoisonnement, ça ne vous rappelle pas le coup du café de Kurt Russel ? 

Au boulot bakayaro !

Au boulot bakayaro !

Malheureusement alors que le film se suffisait à lui même avec un final percutant et poétique rempli de messages forts, il a fallu qu'une suite soit mise en chantier. 

Je ne rentrerais pas trop en détails sur cette suite intitulée Requiem car je vous en avais déjà parlé ici

Mais si vous étiez curieux de découvrir la suite des mésaventures de Shuya Nanahara j'aime autant vous avertir que vous ne pourrez en ressortir que déçu : malgré une idée de départ le film a souffert de la mort en cours de tournage du réalisateur Kinji Fukasaku. 

En résultait ainsi un film d'action à l'américaine ou le jeu de massacre n'occupe plus que le premier tiers et où les deux seconds tentent maladroitement de raconter une histoire de révolution, flirtant parfois dangereusement avec l'apologie du terrorisme. 

Honnêtement quand on voit à quel point le premier est toujours aussi percutant et pertinent (la loi BR est votée suite à une montée de la délinquance et de l'ultra-violence des adolescents, autant dire qu'aujourd'hui on est en plein dedans) je me suis toujours demandé ce qu'aurait donnée la suite si Fukasaku avait pu la réaliser entièrement ? 

Mais d'un autre côté le gaillard était un tel provocateur pessimiste que le tout aurait peut être bien eu la même forme à l'arrivée...

Bref pour votre culture ciné n'hésitez surtout pas à découvrir le premier et épargnez vous le second !

Note : 4.5/5

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