"Et allez encore un autre Alien" me suis je tout d'abord dis au moment de l'annonce de Romulus.
Ce n'est pas que j'avais foncièrement détesté les deux prequels signés Ridley Scott (en fait je dois être l'un des rares à ne pas systématiquement cracher sur le gaillard depuis Kingdom of Heaven) mais il faut bien le dire si Prometheus avait son identité Covenant démystifiait tellement la bestiole que tout le monde avait fini par se réjouir de voir Scott laisser tomber son projet de troisième prequel.
De plus avec les projets tous plus improbables annoncés et parfois annulés depuis (bye bye le Alien 5 de Neil Blomkamp qui comptait effacer les volets 3 et 4), autant dire qu'une vraie suite en mode teen movie sans être aussi redoutée qu'une nouvelle démystification de Ridley Scott n'était pas le souhait premier du public qui avait surtout envie qu'on laisse le xénomorphe tranquille.
Seulement entretemps Fede Alvarez s'est fait un nom avec son remake de Evil Dead et les premiers teasers faisaient diablement envie avec une atmosphère qui s'annonçait bien oppressante et donc proche du premier film (le meilleur donc).
Après tout si la saga Predator a fini par se relever avec l'excellent Prey après une succession de navets, on pouvait espérer qu'il en soit autant pour Alien surtout dans les mains d'un réalisateur jeune qui pourrait apporter sa touche à la franchise comme chacun des précédents metteurs en scène.
Du coup à l'arrivée comme dirait mon grand-père : Romulus, c'est bonus ou c'est anus ?
Les vestiges d'Alien
Quelques années après la disparition de l'équipage du Nostromo, un groupe de jeunes mineurs de la société Weyland Yutani entrevoit une possibilité de changer leur destin. L'un d'entre eux a effectivement repéré une station en perdition appartenant à la corporation qui contiendrait de quoi effectuer un trajet en stase suffisamment long pour rejoindre une colonie où la vie serait plus agréable.
Le groupe se lance ainsi dans l'aventure et s'arrime à la station Romulus et Remus dans l'espoir d'un pillage d'une demi-heure net et sans bavure. Mais une fois sur place les jeunes comprennent que la station a été détruite par quelque chose d'inconnu et qu'il reste probablement des organismes hostiles.
Un peu à la manière de Saw X, Fede Alvarez choisit de ne pas faire une suite à la saga, mais de faire une suite au premier volet en insérant son film entre deux épisodes sans risquer de bousiller la chronologie.
On peut ainsi se retrouver rassurés dès les premières minutes par les intentions du réalisateur : point d'explication quasi religieuse à la con pour cette fois le but sera bel et bien de mettre en scène une nouvelle chasse dans les coursives d'un vaisseau immense et claustrophobique.
Encore qu'il va falloir la mériter, cette chasse !
Un réalisateur qui veut bien faire
Après un prologue hommage à l'ouverture du chef d'oeuvre de Ridley Scott, Alvarez propose d'emblée plusieurs séquences se déroulant sur une planète colonisée par les humains et sous le contrôle de la fameuse société Weyland Yutani.
Un démarrage plutôt audacieux qui tranche avec ce que la franchise a pour habitude de proposer et qui en plus de présenter les conditions de vie de ses protagonistes va en plus justifier le carnage à venir.
Contrairement à toutes les autres suites sans exception pour une fois les personnages ne sont pas à la recherche d'emmerdes, ils veulent simplement fuir leur condition et vont malgré eux se retrouver confrontés à l'un des plus grands salopards de l'histoire de la SF !
Fede Alvarez ne manque ainsi pas d'idées pour tenter de donner un ton propre à son film avec à l'occasion quelques nouveautés sur le lore plutôt bien pensées qui donneront quelques séquences efficaces, notamment la traversée d'un sas rempli de face-huggers.
Après tout la particularité de la franchise (du moins des quatre premiers volets) est d'être construite comme un cadavre exquis : les réalisateurs ont repris l'histoire là où leur(s) prédécesseur(s) l'avaient arrêtée mais chacun a abordé l'univers et le monstre à sa façon.
Cameron a défouraillé dans le tas façon Warhammer 40K, Fincher a accentuée davantage la touche féministe avant-gardiste en confrontant Ripley à un pénitencier 100% masculin et Jeunet a apporté des personnages de freaks et marginaux qu'il affectionne tellement.
Fede Alvarez a apporté un léger côté teen movie... Mais malheureusement il s'est retrouvé complètement aveuglé par le fan service.
Le cul entre deux sièges
En fait la première heure du film m'a plutôt convaincu que ce septième volet serait le meilleur depuis celui de Cameron : une atmosphère oppressante qui joue sur les acquis du spectateur en s'accordant une belle surprise relevant de la sorcellerie (sans déconner le trucage est dingue).
Mais si ce clin d'oeil sera logique et bien amené ce ne sera hélas pas toujours le cas des autres et malheureusement en dépit de plusieurs séquences efficaces qui réservent un ou deux jumpscares réussis Alvarez ne résiste pas longtemps à la tentation de livrer au public un menu maxi best of.
Alvarez adore la franchise et cela se sent dans la façon dont il réintroduit certains objets cultes ou revisite certains passages mythique de la saga, je ne peux pas dire que je n'ai pas été réjoui de me sentir pendant toute la seconde moitié comme le meme de Leonardo di Caprio dans Once upon a time in Hollywood.
Mais il faut le dire beaucoup de ces instants arrivent bêtement, par exemple lorsque Andy le synthétique de la bande fournit des ressources à ses camarades il leur précise immédiatement "vous ne devez pas vous en servir"... Bah alors pourquoi tu leurs donnes ?
Le plus regrettable étant qu'il aurait été simple de penser la scène autrement : si un autre personnage s'était servi seul et que Andy était intervenu pour expliquer en quoi ce n'était pas une bonne idée le clin d'oeil serait beaucoup mieux passé.
Le film regorge de moments de ce genre où je me suis retrouvé partagé entre la joie de revoir un moment typiquement Alien et la frustration d'avoir compris qu'il ne s'agirait que d'un grand huit dont chaque section rendrait hommage à un épisode précis sans apporter de réelle nouveauté.
Mais le pire fut pour ma part ce quatrième acte où Alvarez tient absolument à ressortir la pire idée de La Résurrection tout en recopiant sans vergogne la construction du climax du Huitième Passager.
Résultat le film n'est pas si mauvais pendant ses 90 premières minutes en dépit de quelques fautes de goûts, mais cette conclusion est tellement facile et ratée (l'idée était déjà mauvaise dans le film de Jeunet mais alors là c'est encore pire) qu'elle m'a laissé une ultime impression si mauvaise que je suis sorti de la salle en me sentant couillonné.
Sans déconner on blâme Disney pour la nouvelle trilogie Star Wars parce que quelques séquences ressemblent beaucoup aux anciens, mais par contre on applaudit quand un réalisateur condense la franchise Alien en un seul film en conservant même les défauts sans rien apporter de neuf ?
Travail appliqué
Il faut cependant reconnaître une chose au film : il valait le coup d'être vu sur un grand écran !
Même s'il n'apporte rien de neuf à l'univers Alvarez est un artisan soigneux qui ne manque pas de fournir au spectateur l'épique qu'il est venu chercher : vaisseaux gigantesques confrontés aux anneaux ravageurs d'une planète hostile, animatroniques et costumes de xénomorphes convaincants...
Non seulement le film coche toutes les cases que l'on attend d'un survival spatial mais en plus il le fait avec un travail d'imagerie remarquable qui arrive de façon épatante à conserver le style des décors façon années 80-90 tout en ajoutant les visuels numériques sans que cela ne dénote.
D'ailleurs je dois tout de même l'admettre il s'agit de la première fois depuis le tout premier épisode où je sursaute plus de deux fois dans un film de la franchise, ce qui prouve bien que la mise en scène en elle plus horrifique a tout de même fonctionné.
Enfin j'ai été surpris de voir que malgré le bashing des derniers volets Alvarez n'a pas ignoré ce que Scott a fait dans les prequel à travers un élément du scénario directement hérité de Prometheus qui s'insère d'ailleurs plutôt bien avec le reste.
Pour le coup oser prendre en compte les films les plus conspués de la saga pour réussir à en tirer quelque chose qui fonctionne bien était inattendu et il faut saluer le réalisateur qui aurait très bien pu brosser un peu plus les fans dans le sens du poil en faisant comme ci les deux derniers films n'existaient pas.
Franchement j'ai vraiment du mal à comprendre la hype et les notes très généreuses accordées à ce Romulus.
Oui les références font plaisir. Oui le personnage de Andy est excellent et Cailee Spaeny a de la gueule. Oui l'imagerie est parfaite et cela fait plaisir de voir un blockbuster SF avec des effets spéciaux bluffants après quatre ans de Marvels non terminés et leurs tartines de fonds verts bidons.
Mais comment apprécier pleinement tout cela une fois qu'on réalise que le film ne sert à rien ? On dira ce qu'on voudra des derniers réalisés par Ridley Scott mais au moins la démystification des créatures aura creusé le lore et apporté une pierre à l'édifice.
Alors oui sur la forme Romulus est le meilleur volet depuis celui de James Cameron et l'amour du réalisateur pour l'univers en fait un épisode agréable et plus effrayant que la moyenne.
Mais comme l'écriture n'a pas été aussi travaillée que la mise en scène sur le fond Romulus frôle le vide intersidéral : il n'a rien à raconter de plus que ce qui a déjà été raconté.
Note 2.5/5