True Grit - Cent dollars pour un remake

Quatorze ans vous vous foutez de ma gueule ?

Tandis que je ne me remettais pas du l'échec de Horizon puis de l'annonce du report de sa suite (mon état ne s'étant pas amélioré depuis que ces charognards de Netflix sont sur le coup) je discutais avec un collègue qui me disait "bah en même temps le Western au cinéma c'est quand la dernière fois que ça a vraiment marché ?"

Et forcément étant un adepte du genre je me repassais la liste en tentant de trouver une réponse correcte : mettons les deux films réalisés par Tarantino de côté car un western de Tarantino c'est avant tout un Tarantino avant d'être un western.

Le remake des Sept Mercenaires ? Pas mal avec un joli score au box-office mais pas non plus extraordinaire. Hostiles avait du potentiel mais personne ne l'avait vu en salles ou presque donc ça ne marche pas non plus.

Alors pensais-je avoir la réponse, d'une évidence totale : le remake de True Grit par Joel et Ethan Coen ! "Ouais mais poto il a quatorze ans le film maintenant".

Putain. 

Passer de "échec commercial de Kevin Costner" à "ta dose de temps qui passe" avouez que vous l'aviez pas vu arriver celle là !

C'est donc terrible mais le dernier western à avoir combiné succès et qualités artistiques remonte à 2010. A cette époque le film a tout de même rencontré un certain fiasco dans le sens où sur une dizaine de nominations aux Oscars aucune statuette n'a été glanée !

Il faut dire que l'une des précédentes réalisations des Coen, No Country for Old Men avait tellement marqué les esprits avec le psychopathe campé par Javier Bardem et son suspense horrible que forcément l'académie allait être très exigeante pour les films qui allaient suivre. 

C'est bien la seule explication que je pourrai fournir concernant le retour brocouille du film de la cérémonie parce que en toute sincérité il aurait bien mérité quelques prix !

Mets toi zéro Smoky !

Cent dollars pour un shérif 

Lorsque Tom Chaney abat son employeur Monsieur Ross avant de lui dérober cheval et pièces d'or, la fille de la victime Mattie décide de rassembler ses économies et de partir à Fort Smith pour demander de l'aide à la justice. 

Le juge Parker ne croyant pas aux chances de la jeune fille de retrouver le fugitif, cette dernière se tourne vers un vieux marshal borgne, alcoolique et roublard dont la réputation n'est plus à faire. 
Au départ réticent le vieux shérif accepte l'argent de Mattie et part en compagnie de la fille ainsi que de Laboeuf un ranger du Texas à la poursuite de Chaney. 

Remake du film de 1969 avec John Wayne dans le rôle principal, la version 2010 de True Grit n'est pour autant pas une copie plan par plan du film de Henry Hathaway. 

Plusieurs éléments sont ainsi corrigés histoire de se réapproprier un minimum le récit mais surtout contrairement à l'original les frères Coen vont sublimer le western avec une photographie et une mise en scène mémorables, à tel point qu'on peut se demander si ces qualités n'ont pas dissuadées les autres réalisateurs de se frotter au genre après un film pareil !

Cent minutes de bonnes idées

Comme d'habitude avec les frères réalisateurs le mélange humour et violence va être de la partie avec en prime un certain sens de l'épique pour parfaire le tableau. 

Les magnifiques décors naturels seront ainsi le cadre d'une aventure pétaradante où les punchlines feront aussi mal que les coups de feu ! 

L'une des meilleures idées du casting sera de confier le rôle du marshal Rooster Cogburn à ce vieux briscard de Jeff Bridges qui semble se régaler à l'idée de jouer un pochtron dur à cuire et à la gâchette facile. Le gaillard porte le film quasiment à lui tout seul et on en vient même à se dire que le scénario ne devient vraiment intéressant qu'une fois le policier apparu à l'écran. 

Cela dit les autres comédiens ne déméritent pas avec en haut de la liste Hailee Steinfeld parfaite en orpheline avide d'en découdre mais aussi un Matt Damon que les Coen vont priver de toute bogossitude en lui collant une paire de rouflaquettes puis plus tard dans le film en le privant quasiment de la parole suite à une scène d'action. 

Sans déconner Matt Damon coiffé comme Picsou et qui marmonne car sa langue cicatrise mal c'est une idée géniale pour rendre le personnage attachant comme pas quatre, et c'est loin d'être la meilleure idée du film !

Le trio de héros jongle ainsi entre rivalité, piques verbales et alliance de circonstance efficace et constitue l'une des bandes les plus amusantes jamais réunies pour traquer un desperado. 

Et puisque je parle des truands là encore la bande de Lucky Ned Peppers comporte une belle galerie de gueules loufoques comme les Coen savent si bien les trouver : Josh Brolin qui semble sortir d'une porcherie ou encore le leader campé par Barry Pepper (au passage Matt Damon qui braque au fusil de précision le mec qui jouait le sniper dans Il Faut Sauver le Soldat Ryan ça aussi c'est caviar) méconnaissable sous ses balafres et ses cheveux gras. 

Bon il y a aussi le mec qui imite les dindons à la perfection mais c'est déjà plus anecdotique ! 

Le film où Brolin avait le même brushing qu'Orelsan

Peut être pas le scénario idéal pour un chef d'oeuvre

Du coup on trouve des personnages et des antagonistes attachants, des situations impayables (la séquence dans la cabane de trappeur, jouissive), des fusillades nerveuses bien qu'un peu courtes, une chevauchée nocturne finale mémorable... Alors pourquoi ne parlerai-je pas de chef d'oeuvre ?

Parce que même si le film réarticule le scénario tout en restant très fidèle à l'original (au point selon les Coen eux-mêmes d'avoir conservé le même faux-raccord de Mattie qui sèche instantanément après avoir traversé la rivière) il n'empêche... Ce n'est pas un peu trop simple ? 

C'est là le soucis que j'ai toujours eu avec True Grit 2010, j'adore la réalisation, l'humour, le rythme et les comédiens qui sont tous à fond dans le délire, mais je n'arrive pas à m'empêcher de penser que le film aurait gagné à être un peu plus long !

Il y a des films qui traînent trop et où on sent un réalisateur qui ne sait pas quelle scène raccourcir mais dans le cas présent on se trouve exactement dans la situation inverse avec parfois de vraies frustrations notamment en ce qui concerne le personnage de Chaney. 

Ce gars est tout de même l'objectif ultime à atteindre pour nos héros, aussi ai-je toujours été surpris que sa première apparition dans le film soit en réalité la dernière puisque le générique défilera même pas quinze minutes plus tard. 

Sachant que les scènes d'action bien que nerveuses sont assez courtes on aurait pu imaginer une confrontation finale un peu plus longue et avec peut être un peu plus d'opposants... Le prix à payer pour rester fidèle à l'histoire de base j'imagine !

Ne doutez jamais des rangers du Texas

"Quand les Coen flirtent avec le chef d'oeuvre" avait-on pu lire dans la presse cinéma de 2010. Pour le coup rarement une phrase d'accroche placée au sommet d'une affiche aura été aussi pertinente.

True Grit est un remake excellent ainsi qu'un excellent western qui coche toutes les cases que l'on attend en lançant un film se déroulant à l'époque des cow-boys.

Mais si le statut de chef d'oeuvre n'est effectivement pas loin sa rapidité et ses confrontations trop brèves en font simplement un classique dont on se souvient avec bonheur 14 ans plus tard et que l'on appréciera de redécouvrir dans une autre décennie. 

Le temps fera-t-il effet au point que son côté légèrement rushé soit atténué à la longue ? 

Note : 3.5/5