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Ma dose de cinéma

True Detective : Night Country - On ne l'espérait plus

Publié le 15 Juillet 2024 par Gaffeur in Série, Thriller, Jodie Foster, Suspense, Horreur

Comme quoi une longue attente est parfois judicieuse

Comme quoi une longue attente est parfois judicieuse

Au rayon des séries qui ont pu provoquer de grandes déceptions auprès de leurs fans, nous pouvons sans conteste citer Game of Thrones, certaines séries Star Wars, la plupart des séries Marvel ou encore You pour piocher chez Netflix. Mais il en est une qui a connu d'une saison à l'autre le plus haut phénomène d'ascenseur émotionnel : True Detective.

Créée par Nic Pizzolato en 2014 la série avait bluffé tout le monde avec sa première saison signée Cary Joji Fukunaga. Riche de l'interprétation incroyable de Matthew McConaughey, Woody Harrelson et Michele Monaghan, la saison mettait en scène une enquête qui lorgnait vers le cinéma de David Fincher avec la traque d'un tueur en série qui s'étalait sur une quinzaine d'années et qui avait bousillé les vies personnelles du duo de flics en charge du dossier. 

Une saison à l'atmosphère poisseuse, parfois mystique et à la réalisation cinématographique qui a tellement marqué les esprits que chaque série-blockbuster s'est sentie obligée par la suite de caser au moins un plan-séquence pour ne pas avoir l'air ridicule... C'est que quand on y repense le climax de l'épisode 4 avec cette poursuite nocturne de six-minutes était un tour de force assez dingue qui montrait l'envie de la chaîne HBO de faire aussi bien qu'au cinéma. 

Prévue à l'origine comme un one-shot, la série fut finalement reconduite pour deux autres saisons anthologiques et c'est là que les choses se cassèrent la gueule violemment pour True Detective

Sortie un an plus tard la deuxième saison laissa les spectateurs sur le carreau, la faute à une intrigue intéressante mais inutilement compliquée qui donnait l'impression que Pizzolato s'autoparodiait avec des personnages toujours plus barges et sombres. Et puis le concept différait : quatre personnages principaux dont un voyou, pas d'enquête étalée sur une décennie, des fusillades... Le public jugeait que ce n'était pas ça True Detective

Résultat même si la troisième saison se fit attendre pour ne sortir qu'en 2019 Pizzolato commis la plus grosse erreur possible : donner au public ce qu'il réclamait. Malgré la qualité du jeu de Mahershala Ali la saison 3 n'était qu'un décalque de la première avec une intrigue sur trois temporalités et un assassin unique sans magouilles politiques ni flics véreux. Bref un produit inutile mais le public était content de voir un clin d'oeil direct à la première saison. 

Aussi lorsque Night Country a été annoncée avec Issa Lopez à l'écriture, il y avait là une belle occasion pour HBO de relancer la franchise efficacement : Pizzolato a clairement été dépassé par le succès de son show et une remplaçante avec une vraie envie de relancer la machine ne pouvait qu'être profitable à un show dont le potentiel n'a jamais été à cent pour cent exploité. 

Globalement appréciée malgré les critiques anti-woke cette quatrième saison a pour particularité de mettre en avant un duo de femmes flics sur six épisodes d'une heure contre huit pour les saisons précédentes. 

Que vaut donc ce changement de recette ? 

J'avoue la scène de crime, j'étais pas prêt

J'avoue la scène de crime, j'étais pas prêt

Elle s'est réveillée...

Alors que l'Alaska s'apprête à dire au revoir au soleil pour les six prochains mois, un groupe de chercheurs disparaît du laboratoire situé à proximité de la ville de Ennis. Sur place seule une langue sectionnée est retrouvée.
L'agent Navarro fait immédiatement le lien avec le meurtre brutal d'une autochtone survenu six ans plus tôt, mais son ex-partenaire Liz Danvers ne croit pas à sa théorie et entreprend de retrouver la demi-douzaine de disparus.

Hormis dans l'excellent Insomnia de Christopher Nolan, l'Alaska et son absence de lumière pendant la moitié de l'année n'a jamais été vraiment exploitée en matière de polar. Pourtant avec une toile de fond pareil il y a probablement de quoi créer un bon suspense procurant quelques sueurs froides !

Issa Lopez en a bien conscience et va ainsi choisir de faire exactement l'inverse de Nolan en choisissant la partie de l'année qui se passe dans la pénombre. Mais en plus de cela la scénariste va s'inspirer de la culture locale pour renouer avec ce qui avait fait la force de la première saison : une touche de surnaturel et de "bizarre". 

Cette nouvelle fournée va même complètement jouer la carte de l'horreur lors de certaines séquences aux jumpscares efficaces mais aussi avec son prologue : un groupe de scientifiques pourchassés par on ne sait quoi dans un complexe isolé par le blizzard... Si vous ne pensez pas immédiatement à The Thing je ne peux que vous ordonner de revisionner le chef d'oeuvre de John Carpenter pour comprendre à quel point cette saison s'en est inspirée. 

La première saison rendait hommage à Fincher, la seconde à James Ellroy, la troisième à la série elle-même et c'est un plaisir de voir que la série assume à nouveau ses ambitions cinématographiques en empruntant à un nom tel que Carpenter. 

La lourdeur du début

Mais avant de savourer d'excellents épisodes il va falloir se coltiner ce qui est toujours l'étape délicate de la série : un premier épisode presque indigeste car ayant la lourde tâche de présenter l'intégralité des protagonistes en 55 minutes seulement.

Et pour le coup heureusement que le côté surnaturel est assez prononcé pour parvenir à captiver le spectateur car autant le dire tout de suite en découvrant ce premier chapitre j'ai cru que je m'étais fait couillonner en achetant le DVD.

Non parce que mine de rien l'enquête n'occupe pas tant que ça cette première partie qui va surtout se concentrer sur les familles des héroïnes et bon sang quel sac de noeuds cela va être ! 

En gros Danvers est la belle-mère veuve d'une jeune antochtone dont la soeur a un enfant avec Peter le jeune policier qui travaille avec Danvers. 
Mais son père est également policier dans le service tandis que de son côté Navarro doit composer avec sa soeur mentalement atteinte et qui trouvera du réconfort auprès d'une ermite qui voit les morts.

Ouais, True Detective n'a jamais eu de personnages principaux droits dans leurs pompes avec une vie de famille exemplaire, mais à l'instar des personnages de Colin Farrell et Rachel McAdams dans la saison 2 on se dit rapidement que la série joue peut être un peu trop la corde "dark". 

Pour le coup je suis d'accord, cette nana est une révélation

Pour le coup je suis d'accord, cette nana est une révélation

Un format bien plus pratique

Comme je l'expliquais plus haut la série se voit amputer de deux épisodes, et si cela pourrait être râlant pour une série rachitique façon The Acolyte ce choix s'est révélé plutôt pertinent en ce qui concerne cette nouvelle saison. 

Ainsi là où la série pouvait parfois perdre son public à travers trop de sous-intrigues à la con sur les familles des personnages notamment, cette saison choisit d'accélérer la cadence et bien que les conflits personnels ne seront pas rare les épisodes se recentrent rapidement sur l'enquête et une fois la scène de crime découverte à la fin du premier volet la série n'aura plus tellement de moments de flottements. 

Qu'il s'agisse des conflits entre services, de la rancoeur qui anime Navarro et Danvers ou bien des multiples manifestations de fantômes, la série arrive à placer suffisamment de rebondissements pour qu'on ne perdre pas notre intérêt pour le mystère qu'il faut élucider. 

Mais il faut bien le dire malgré une réalisation soignée qui sublime la noirceur de la longue nuit en n'offrant que très rarement des séquences à la lumière du jour ce format short empêche aussi la série d'avoir cette grosse scène d'action de mi saison qui était jusque là la tradition.

Un plan-séquence en saison une, une fusillade de dix minutes en saison deux, une fusillade plus modeste mais nerveuse en saison trois... Mais pour cette saison je préfère vous l'annoncer il n'y aura aucun moment de bravoure à se mettre sous la dent : pas de course-poursuite, pas de fusillade, pas de bagarre... Pour le coup on sera bel et bien en présence d'un polar pur qui ne piochera pas gratuitement dans le cinéma d'action. 

Une intention louable et justifiée dans le sens où les séquences marquantes ne manqueront pas pour autant, mais il est vrai que quand on regarde True Detective on s'attend à voir un moment-claque et il est assez frustrant de ne pas en avoir eu cette fois-ci malgré le potentiel. 

Les limites du surnaturel

En réalité la véritable déception de cette saison vient aussi de sa force : le surnaturel joué à fond. 

Fantômes, monstres sous le lit, scène de crime cauchemardesque, noir prépondérant... L'horrifique fonctionne très bien mais malgré l'efficacité de ces notes paranormales on ne cesse de se dire pendant la totalité du visionnage qu'on n'est pas dans une série de fantômes mais dans une série de flics. 

Résultat même si on se prend volontiers au jeu on sait au fond de nous que la conclusion de l'enquête désamorcera cette idée de force qui se serait emparée des victimes et de la faune. 

Par contre il me faut souligner que la conclusion de l'intrigue contrairement aux saisons précédentes saura répondre aux questions clairement en n'omettant presque rien et en gardant en haleine jusqu'à la dernière minute, ce qui à titre personnel m'a procuré une réelle satisfaction car jusqu'à présent j'avais toujours été très déçu des conclusions des saisons précédentes (hormis pour la seconde qui assumait jusqu'au bout son absence de happy end).

Peter Prior, excellent personnage

Peter Prior, excellent personnage

Vous craigniez que la série soit gâchée par le wokisme ? 

Je dois l'avouer le premier épisode m'a un peu gonflé car je ne vais pas nier qu'il joue lui aussi sur cette mode actuelle qui consiste à rendre gay la moitié des personnages principaux, mais à aucun moment la sexualité des personnages n'aura d'impact sur le scénario.

Certes il y sera bien question de rapports conflictuels entre blancs et autochtones, mais justement ce sujet a très rarement été abordé par la fiction audiovisuelle !

Aussi il n'est pas déplacé d'aborder la culture inuite avec ses croyances et tatouages dans une série se déroulant justement en Alaska. 

Je tenais à faire ce petit aparté car étant moi même allergique au wokisme gratuit je n'ai pas senti que la série en faisait des caisses à ce niveau là. 

Au final cette quatrième saison parvient à se forger sa propre identité de par son cadre et sa mythologie effrayante, et même si on reste encore une fois très loin du chef d'oeuvre qu'était la première on ne peut qu'apprécier le gros effort qui a été fait pour relancer la série sur de bonnes bases. 

Une cinquième saison est apparemment prévue, et pour le coup cette fois je dois dire que j'ai hâte de voir ce que la série va nous réserver !

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