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Ma dose de cinéma

Killing Zoe - On a perdu Jean-Hugues

Publié le 1 Juillet 2024 par Gaffeur in Thriller, Braquage, Jean-Hugues Anglade, Julie Delpy

Le pire gang de l'histoire du cinéma

Le pire gang de l'histoire du cinéma

Avant que Tarantino ne se mette à enchaîner les chefs d'oeuvre, ce dernier vendait à droite et à gauche des scénarios adaptés plus ou moins fidèlement (c'est ainsi que Tony Scott réalisa True Romance et que Oliver Stone accoucha de Tueurs Nés que pour le coup Tarantino a détesté) et faisait plus ou moins équipe avec un autre fou de cinéma qui voulait s'imposer dans ce milieu : Roger Avary. 

Malheureusement la carrière du gaillard n'a pas été aussi flamboyante que celle de QT car bien qu'il eut participé à l'écriture de Pulp Fiction, qui aujourd'hui se souvient encore de Roger Avary ? 

Pourtant lorsque son premier film Killing Zoe est sorti en 93 le monde découvrait un réalisateur capable de mettre en scène un braquage avec un budget riquiqui où humour noir et violence se mêlaient tout au long des 90 minutes qui composaient le long métrage.

Non non je ne suis pas en train de me gourer mais si vous avez pensé à Reservoir Dogs, c'est normal ! 

En effet à l'époque Tarantino avait été approché par son producteur Lawrence Bender qui avait déniché une banque désaffectée qui pourrait servir de décor pour son premier long métrage.

Mais Tarantino qui à l'époque avait déjà des idées de génie voulait réaliser un film de braquage sans montrer le braquage, sa réponse fut donc "Mec rien à foutre de ta banque à la con par contre ça peut intéresser Roger Avary". 

Avary qui était effectivement intéressé par l'idée de réaliser un film de gangsters qui braquent une banque rédigea en quelques jours le scénario de Killing Zoe pour profiter de ce décor atypique. 

Voilà en quelques mots comment Killing Zoe a vu le jour et ce qui peut expliquer les quelques similitudes qui existent entre le film et Reservoir Dogs mais aussi pourquoi le tout semble aussi barré, parce que pondre un scénario en 15 jours c'est certes assez gonflé mais c'est surtout garantir que le film ne fera pas dans la dentelle !

La soirée la plus interminable de votre vie

La soirée la plus interminable de votre vie

Un amér... Des américains à Paris 

Zed est un expert en perçage de coffres-forts qui vient d'atterrir à Paris pour le week end du 14 juillet en espérant revoir son ami Eric. 
Le premier soir de sa visite il fait appel à une jeune prostituée prénommée Zoé. Contre toute attente la jeune femme se montre attachante mais alors que Zed se prenait d'affection pour elle, Eric débarque et flanque Zoé dehors. 

Il emmène ainsi Zed avec lui pour une virée parisienne avec sa bande de junkies et lui explique qu'il a un plan pour attaquer la Banque Internationale de Paris qui sera la seule ouverte pour la Fête Nationale. Un coup rapide sans grands risques de voir débarquer la police étant données les festivités en cours dans la capitale. 

Bon vous vous doutez bien que comme on est au cinéma les choses ne vont pas se passer comme prévu, car avons nous déjà vu un seul braquage se dérouler correctement sur grand écran ? 

Certes il y aura parfois des exceptions mais la galerie de personnages ne laissait pas vraiment présager un plan se déroulant sans accroc, oh putain que non ! 

Mais si contrairement à son collègue (de l'époque) Tarantino Avary va bien nous montrer l'intégralité de l'opération, ce braquage il va falloir le mériter au risque de complètement décrocher avant même qu'il ne commence !

Vous pouvez zapper de la minute 15 à la 40

Si la dispute entre Avary et Tarantino n'a jamais été clarifiée (aucun des deux n'est d'accord sur la quantité de travail de chacun sur Pulp Fiction) une chose est certaine : il y en a un qui est douée pour écrire des personnages et des dialogues ciselés et l'autre non. 

Alors j'abuse un peu car le personnage de Eric que campe un Jean-Hugues Anglade déchaîné est dérangeant de sa première apparition jusqu'à son ultime et objectivement Eric Stoltz et Julie Delpy sont deux comédiens suffisamment attachants pour qu'on arrive à apprécier Zed et Zoé. 

Mais pour le reste Avary va nous servir une très longue exposition de 45 minutes composées de 80 % de séquences de beuveries et de shoot à Paris.
Les 20 % restants situés au tout début permettront au spectateur de rencontrer Zed, un voyou aux allures professionnelles qui n'est pas là pour faire un carnage mais qui semble un brin perché malgré tout puisque lorsque la jeune Zoé le chevauche l'orgasme semblera provoqué par les images de Nosferatu qui passe à la télé derrière la fille. 

Bon au moins on peut dire que Avary aime vraiment le cinéma, d'autant plus qu'aussi glauque qu'elle puisse l'être la séquence fonctionne bien qu'il s'agisse de la juxtaposition des images de Zoé et du vampire ou de la bande-son creepy. 

Malheureusement si l'arrivée d'Eric sonne la fin de la récré et fait prendre conscience au public que le casse risque de ne pas se faire qu'avec des pros et qu'on est davantage en présence d'un Monsieur Pink associé à six Messieurs Blonde que d'une équipe bien rodée, la présentation du groupe ne sera pas palpitante. 

On sent bien l'impact du début des années 90 et le côté ciné indé provocateur de ce temps là avec la présence à l'écran de drogue en abondance et de moments de violence gratuite (la scène du chat, la sodomie dans les WC si vous avez la Director's Cut), mais on finit par se dire que 30 minutes d'alcool, drogue et sexe c'est un peu trop long, surtout qu'on n'apprendra rien sur le plan d'action. 

 

Même la scène de sexe est glauque

Même la scène de sexe est glauque

Lâchez les dingues !

Parce que s'il y a une chose en revanche que cette première partie assommante permet de comprendre, c'est qu'en plus d'être camée jusqu'à la moëlle la bande dispose d'un chef qui se sait condamné par le sida. 
Résultat on s'attend à ce que le leader ne recule devant rien pour obtenir les lingots d'or, et c'est bien ce qui va se passer !

Dès l'entrée de la bande dans la banque les premiers coups de feu et les premières victimes surviendront après seulement quelques secondes, et si le résultat n'est pas le "gunfight à la John Woo" dont rêvait Avary lorsqu'on l'écoute sur le making-of le braquage va vite se transformer en prise d'otages sanglante.

On pourra reprocher beaucoup de choses au film, mais pas d'avoir su mettre en scène un gang de fous à lier pour lesquels tuer un otage est un acte si banal qu'on aura rarement éprouvé devant un film cette sensation que la vie ne vaut rien pour un malfrat. 

Bien loin des films de braquages quasi-romantiques où un John Dillinger ne tirerait que sur la police, Killing Zoe fait prendre conscience au public qu'un braquage n'a rien de glorieux et qu'un braqueur de banque n'est pas une figure cool et bienveillante.  

Bancal mais amusant

Comme je l'expliquais plus haut la genèse du film a été expéditive puisque l'histoire a été rapidement écrite et le casting rapidement bouclé. 
Le problème principal étant le budget le film ne pouvait se tourner à Paris, résultat Julie Delpy et Jean-Hugues Anglade étaient les seuls français du casting. 

A l'écran cela se traduira par des braqueurs interprétés par des anglophones... Sensés jouer des français ! Leurs textes ont donc été appris phonétiquement et bien que je trouve les efforts de certains louables (les interprètes de Claude et Ricardo ne s'en sortent pas si mal) le résultat est parfois involontairement drôle pour le public français... Non parce que entendre un mec sortir "poutain j'en peux plous de ces masques à la caon là" c'est tout de même bien fendard. 

Le plan également n'est jamais vraiment expliqué clairement, et le comportement des braqueurs lors du siège n'est jamais vraiment cohérent. Certes on sait qu'ils sont tous enfarinés jusqu'au front mais cela n'empêche jamais de se dire si le script était vraiment complet lorsque le tournage a commencé. 

Mais si les 45 premières minutes sont un quasi-calvaire les 45 dernières passent comme un souffle quand on aime le cinéma. 
La raison est simple : on assiste à un réalisateur qui se débat avec les moyens du bord pour créer une ambiance folle à partir d'un scénario minimaliste.

Et si disons le clairement Avary n'est pas Tarantino sa mise en scène ne manque pour autant pas de percutant, jouant efficacement sur le hors champ lors des exécutions pour ne pas devoir payer des cartouches à blanc ou pour éviter de montrer les forces de police. 

De plus ce gimmick visuel visant à évoquer les couleurs des drapeaux français et américains en alternant des décors bleus, blancs et rouges donne au film un certain cachet visuel. 

La première d'une longue série d'exécutions d'otages

La première d'une longue série d'exécutions d'otages

Killing Zoe n'est pas un grand film mais sa seconde moitié est un tel concentré d'action et de folie sanguinaire qu'on aura du mal à ne pas la trouver prenante et efficace. 

Oui cela fait marrer d'entendre des américains baragouiner un français approximatif et oui Jean-Hugues Anglade est constamment à la limite du surjeu mais c'est aussi ce qui fait le charme de ce genre de production fauchée qui a tout donné !

Et à l'arrivée malgré ses défauts le film tient debout et proposera quelques séquences mémorables telles que la rencontre entre Zed et Zoé, la blague de Ricardo ou encore le gunfight final où Avary s'est assuré que le nombre de capsules d'hémoglobines étaient supérieures à celles de Triebig à la fin de Croix de Fer

Bref le genre de séquence où un gus se change littéralement en passoire qu'on n'est pas près de chasser de son esprit malgré les déhanchés presque comiques de la victime. 

Note : 3/5

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