Lorsque la bande-annonce de Horizon a été dévoilée il y a quelques mois, l'inconditionnel que je suis de Danse avec les Loups a eu comme un électrochoc : Kevin Costner de retour au cinéma avec un western en deux parties, voilà le genre de nouvelle que je n'espérais plus !
Et quand en plus dans la foulée le gaillard annonce calmement qu'il tournera le troisième pendant l'exploitation en salles des deux premiers, et qu'il espère pouvoir mener sa saga sur au moins quatre films...
Franchement quel amoureux du cinéma de Costner n'a pas eu le palpitant proche de l'arrêt face à de telles annonces ? Enfin le mec qui a osé confronter le public américain à la destruction de la culture amérindienne revenait aux affaires avec un énorme projet de western.
C'est que mine de rien le genre a pas mal brillé sur petit écran (on ne présente plus les Deadwood, Justified, Yellowstone, Hatfields and McCoys) mais si on met de côté les deux westerns de Tarantino et éventuellement le remake des 7 Mercenaires de Antoine Fuqua, c'était quand la dernière fois que nous avions eu un vrai western pur sur grand écran ?
Ce n'est pas que je n'aime pas les relectures modernes de Taylor Sheridan (à ce titre je vous conseille sa trilogie des frontières que constituent Sicario, Comancheria et Wind River) mais bon sang ce que j'avais envie de revoir un vrai film de cow boys !
Mais alors que le film ne marche pas tellement au box-office, Kevin Costner reste serein et l'a annoncé en interview : le premier chapitre sera le plus difficile à appréhender pour le public là où les autres offriront plus de spectacle.
Mais d'un autre côté quand un truc dont le sous titre est "Chapitre Un" et se permet de durer trois heures en sachant qu'il y aura au moins deux autres volets de la même durée, bien entendu qu'il fallait s'attendre au plus long prologue de l'histoire du cinéma et pas à un truc pétaradant de ouf.
Les prémices d'une saga
En 1858 un père de famille prend les premières mesures de ce qui doit devenir la première maison de la ville d'Horizon.
Malgré la mort des premiers colons, d'autres viennent à leur suite et forment une communauté vivant paisiblement au bord d'une rivière.
Un soir les apaches attaquent et mettent la ville à feu et à sang ne laissant derrière eux que quelques survivants avides de vengeance.
Plus loin dans le Wyoming un cow-boy vieillissant se retrouve mêlé malgré lui à une histoire impliquant une puissante famille.
Enfin sur la piste de Santa Fe une caravane de colon doit se préparer à traverser le désert tandis que des tensions naissent parmi le convoi.
Pfffiou vous savez quoi je vais m'arrêter là parce qu'autrement le synopsis sera aussi long que le reste de la critique !
C'est que mine de rien quand la promo annonce une saga avec 170 rôles parlés à l'arrivée il faut bien être conscient que ce premier chapitre va nous présenter un paquet monde.
Résultat si la majeure partie du film (on va compter large, disons une heure et demi) sera directement consacrée aux colons de Horizon et de leur triste sort, Costner va nous offrir une galerie de gueules de western issues des quatre coins du Far West avec toujours comme légère toile de fond ces prospectus vantant la future cité Horizon.
Une cité que le spectateur sait déjà disparue et qui pourrait faire converger le casting vers le même espoir-mirage et constituer potentiellement une métaphore acide de la Conquête de l'Ouest, mais pour le coup étant donnée l'avancée de l'intrigue à l'issue de ces trois heures ceci relève purement de la spéculation gratuite.
En tout cas une chose est certaine Costner nous vend une saga et c'est bien ce que nous allons avoir : colons, amérindiens, cavalerie, desperados, caravanes... Toutes les situations que vous pouvez imaginer trouver dans un western sont là et si l'action n'est pas franchement au rendez vous le voyage ne sera pas déplaisant pour autant.
Un visuel à couper le souffle
Costner mûrit son projet de fresque ultime du western depuis plusieurs décennies, aussi comment traduire à quel point le soucis du détail va se traduire à l'écran ?
Régulièrement on entend parler de films magnifiques aux images splendides etc parce que ouais y'a deux trois panoramas stylés du grand canyon...
Mais soyons sérieux deux minutes les films où on sent que le réalisateur a analysé chaque plan pour en faire un véritable tableau, on n'en voit quand même pas si souvent.
On pourrait me pendre haut et court pour oser placer un monument de cinéma comme Ran à côté d'un film qui n'est pour le moment qu'une mise en bouche, mais Horizon fait pour cet effet : depuis le canon d'un fusil qui dépasse du sol jusqu'aux plans poussiéreux de la caravane Kevin Costner fait de chaque plan un véritable plaisir pour les yeux.
On sent que Costner s'est assuré que la composition de chaque plan soit parfaite, que chaque figurant soit outillé de façon convaincante en fonction de la région où va se dérouler une séquence.
En plus de faire voyager le spectateur à travers des paysages incroyables, la perfection des images renforce l'immersion au point de parfois ressentir la fraîcheur du Wyoming ou encore la poussière de la piste se coller à nos fringues.
Clairement Kevin Costner se fait plaisir à tourner sa saga et forcément quand un grand artiste s'éclate dans son oeuvre on ne peut pas ne pas en partager un minimum l'enthousiasme.
Le parti pris d'une présentation intégrale
On aurait pu croire que devant un tel projet Costner nous la jouerait blockbuster classique en dévoilant plus de personnages à chaque film histoire de créer la surprise pour le public.
Mais c'était sans compter sur le goût prononcé de l'acteur réalisateur légendaire pour les idées à contre-courant : un long film de ranchers avec une seule fusillade à la fin, un film de quatre heures sur un lieutenant yankee qui apprend les coutumes Sioux, un film post-apocalyptique aquatique...
Bref on ne pouvait pas espérer de Costner qu'il fasse comme tout le monde et son choix de nous présenter l'intégralité des protagonistes majeurs de son histoire dès le premier film est assez déroutante.
En réalité je n'ai détesté aucun personnage et j'en ai adoré la majorité, même ceux qui sont clairement présentés comme des pourritures (à ce titre Jamie Campbell Bower ferait un super Micah Bell dans une adaptation ciné de Red Dead Redemption 2) car l'écriture et l'interprétation de chacun sont savoureuses.
Mais le soucis c'est que la répartition du temps d'écran n'est pas forcément équitable. Beau joueur Costner ne se réserve qu'une trentaine de minutes tandis qu'après presque une heure et quarante minutes une nouvelle salve de personnages débarque de nulle part dans un décor encore différent de tous ceux présentés jusque là.
Du coup même si les personnages sont intéressants et ont un potentiel de dingue pour la suite on passe tout de même trois heures à attendre de savoir quel sera le véritable déclencheur de la saga et je dois avouer que lorsque la caravane apparaît pour la première fois je n'ai pu m'empêcher de me dire "attendez on est à 90 voir 100 minutes de film et on continue de me présenter de nouvelles histoires alors que j'aimerai voir davantage Hayes ou la traque des apaches".
Clairement pas un film de flingueurs (pour le moment)
Et si encore le tout proposait un rythme hollywoodien avec des batailles épiques, des duels palpitants et des fusillades à cheval en pleine rue... Mais vous ai-je déjà dit que Costner était un gars avec un style bien à lui ?
Oui je crois que j'y ai déjà fait allusion donc rien d'étonnant finalement à ce que le seul vrai gros morceau d'action de ce premier chapitre ne se trouve que dans sa première demi-heure.
Parce que lorsque la bande-annonce qui montrait des winchester en action et un Costner flinguant à tout va est sortie, il s'agissait d'un trailer pour les deux volets ! Et donc forcément une bonne partie des images ne sont pas dans ce premier segment et évidemment qu'il s'agit des moments les plus épiques, on ne va pas cramer les meilleures cartouches dès le début !
Du coup soyez conscients qu'en plus d'être une longue présentation, le film ne sera pas généreux en scènes d'action même si il faut tout de même noter l'attaque remarquable de Horizon puis le siège de la maison des Kittredge qui forment une bataille d'une vingtaine de minutes sans pitié.
La séquence n'est d'ailleurs pas placée dans la première demi-heure pour rien, c'est une façon pour Costner de nous dire que des séquences de ce genre il y en aura d'autres dans la saga mais qu'il faut tout de même bien faire les présentations avant d'envoyer la bagarre, chose que le second volet devrait proposer en masse étant donné les dernières minutes composées d'extraits de la suite.
Il est très difficile de juger un film tel que ce premier chapitre de Horizon Une Saga Américaine. Il est magnifique, truffé de personnages prometteurs et de situations qui le sont tout autant, mais il est aussi lent, long et très bavard.
On se régale pendant la première moitié avant de comprendre lors de l'arrivée de la caravane (oui je crois que vous avez compris que j'aurai préféré que cet arc ne soit dévoilé que plus tard pour raccourcir le film de 25 minutes) que l'intrigue ne pourra pas aller aussi loin qu'on le voudrait parce que ce n'est que le début.
Résultat le film passionne autant qu'il frustre, mais à l'arrivée une seule question compte.
Tous ces personnages, ces décors, ces promesses de grands moments de cinéma que Costner tease pendant trois heures, ai-je aimé voir ça ?
Oui. Oh bon sang que oui !
Clairement je n'attend qu'une chose : être le 11 septembre pour enfin découvrir la suite et voir enfin Michael Rooker et Kevin Costner jouer de la winchester !
Note : 3.5/5