Ce n'est un secret pour personne, à moins que vous ne soyez complètement inculte, que vous n'ayez jamais regardé un calendrier depuis dix ans ou que vous ayez totalement rayé de votre existence les sites et chaînes d'informations vous devez être au courant de ce qu'il va se passer ce jeudi 6 juin 2024.
A titre personnel je répondrai qu'il s'agit tout d'abord de l'anniversaire de ma mère (sans rire je rêve d'avoir un jour un reporter en mode micro trottoir qui me poserait la question juste pour lui répondre une vérité loin de ses attentes), mais bien entendu il s'agira du 80ème anniversaire du débarquement des alliés en Normandie.
Et de toutes les batailles de la Seconde Guerre Mondiale comment trouver plus parlant et plus "vendeur" pour les studios hollywoodiens et les éditeurs de jeux vidéos ? Parce que bien que ce soit loin d'être la première victoire alliée du conflit il s'agit de la plus mémorable : un coup de poker qui aura coûté énormément de vies et qui n'était pas officiellement une réussite même plusieurs semaines après le début de l'invasion.
De plus il s'agit de la plus grosse armada de notre temps qui allait en plus frapper en Europe soit le continent de l'Allemagne Nazie bref tout est là pour faire un grand film ou un jeu vidéo ultra-spectaculaire.
Ayant eu un grand-père collectionneur de vestiges de cette période le sujet m'a toujours sensiblement touché aussi le jour où je me suis intéressé au cinéma a découlé de cette pensée de minot de 11-12 ans : "Est-ce qu'il y a des films où ils ont fait le débarquement ?" (ouais la construction de cette phrase n'est pas tof mais à ce moment là j'avais 11 ans donc merde).
Par conséquent il me tenait à coeur de dresser une petite liste de films ayant frontalement abordé le sujet, et vous allez voir qu'il y a eu quelques idées surprenantes !
Le "cours d'histoire" - Le Jour le plus Long
J'ai hésité entre ce film et le second de ce classement pour démarrer ma liste, mais objectivement on parle d'un film réalisé pour les vingt ans de la bataille de Normandie pour lequel des moyens de dingues ont été déployé.
On parle quand même de 1964, pas encore d'effets spéciaux numériques donc tout doit être fait à la dure, et pour obtenir le résultat qu'on connait il faudra pas moins de quatre réalisateurs (Ken Annakin, Andrew Marton, Darryl F. Zannuck et Bernhard Wicki) qui se chargèrent chacun de mettre en boîte l'un des camps du film.
Le Jour le plus Long malgré ses 60 années au compteur reste aujourd'hui un déploiement de forces au moins aussi impressionnant que la véritable armée qui a débarquée en 44 avec en prime un style pas si vieillot : on trouve un plan-séquence plutôt remarquable lorsque le commando Kieffer attaque Ouistreham et les travellings sur Omaha Beach font partie des plans les plus épiques du cinéma de guerre !
Le film de plus se veut assez pédagogique dans le sens où la bataille ne va pas intervenir tout de suite et que le premier tiers du film est consacré aux préparatifs, aux coups de bluffs, aux allemands qui commençaient à se demander si quelque chose n'allait pas leur tomber dessus et personne ne sera oublié ! Résistance, Canadiens, Anglais, Américains, Allemands, parachutistes, fantassins... A l'heure où tous les historiens du dimanche-sur-internet se plaignent que ouin ouin on voit pas trop de français dans Dunkerque on se dit qu'à l'époque ils auraient eu du mal à trouver de quoi chouiner.
Après il est vrai que le film a peut être un ton parfois un peu trop léger ou un côté instructif un peu trop appuyé.
Rappelez vous ce cher Pluskat qui cash en regardant dans ses jumelles balance "Il y a cinq mille navires !" et pas "il y a des bateaux partout", parce que le but était d'apprendre au public une info sur les forces en présence quitte à sortir une réplique un peu trop appuyée.
Mais question légèreté de ton, le prochain va évidemment calmer tout le monde.
Le plus traumatisant - Il Faut Sauver le Soldat Ryan
J'ai déjà fait un article sur ce qui est aujourd'hui encore mon film de guerre préféré (disponible ici) alors je ferai peut être un peu plus court que pour les autres, surtout qu'objectivement a-t-on vraiment besoin de présenter Il Faut Sauver le Soldat Ryan ?
Spielberg tournait lorsqu'il était ado des tas de films amateurs avec sa Super 8 et se servait des uniformes utilisés par son père pendant la Seconde pour mettre en scène des aventures épiques où les GI's tombaient héroïquement face aux méchants allemands.
Le film sorti en 98 est en quelque sorte pour le cinéaste une façon de boucler la boucle avec ses premiers courts tout en révolutionnant le cinéma de guerre au passage.
Le débarquement à proprement parler n'occupe que les vingt-cinq premières minutes du film, pourtant chaque plan est remarquable du premier au dernier : les hérissons tchèques menaçants qui écrasent l'image, le mec qui ramasse son bras, les croyants qui prient sous la mitraille, les contre-champs du point de vue des mitrailleurs allemands qui dévoilent à chaque fois plus de morts sur la plage, faisant ainsi comprendre au public que le carnage n'est pas qu'autour des hommes de Tom Hanks mais bien étendu sur toute la plage...
Certes du point de vue de la reconstitution il y aurait quelques choses à redire notamment les énormes blockhaus qui à Omaha Beach n'étaient pas de cette hauteur ni même de cette ampleur (ce qui m'avait frappé lorsque j'avais pour la première fois visité la plage il y a quelques années), mais les images terribles du film en font à tout jamais la représentation la plus brute et dégueulasse sur le sujet.
Et si jamais vous voulez plus sur le sujet de la part de Spielberg il existe bien sûr la géniale série de HBO Band of Brothers dont les épisodes 2 et 3 couvrent les actions des parachutistes pendant la bataille.
J'avais pas dis que je ferai court ?
L'oublié - The Big Red One (Au Delà de la Gloire)
Voilà un film assez atypique puisque faisant partie des rares films de guerre à se dérouler sur plusieurs fronts (chose ironique et amusante un second se trouve juste en dessous).
Réalisé en 1980 par Samuel Fuller le film est une sorte d'autobiographie du cinéaste qui a participé au conflit dans les rangs de la célèbre Big Red One, la première division d'infanterie américaine.
L'action va ainsi nous mener en Afrique du Nord, puis en Italie jusqu'aux camps de concentration nazis en passant évidemment par Omaha Beach.
Pour le coup je ne saurai que vous conseiller la version Director's Cut car celle-ci gagnera en intensité avec des séquences guerrières plus longues et saignantes.
Le débarquement notamment gagnera quelques plans qui permettront de mieux rendre hommage à la bataille qui semble ne mettre en scène qu'une poignée de soldats dans la version cinéma. La version longue permet de prendre conscience que les américains sont restés agglutinés dans l'eau et sur le sable pendant une journée entière (astucieux plan de la montre d'un mort qui revient tout au long de la séquence tandis que l'eau devient de plus en plus rouge -une inspiration probable pour Spielberg-).
Le film reste assez classique dans sa forme mais il permet de couvrir l'intégralité de la "reconquête" alliée et également de découvrir Mark Hamill dans l'un de ses meilleurs rôles hors Star Wars.
Le plus... Coréen ?! - Far Away
Ahah le cinéma Coréen et le débarquement en Normandie, voilà le genre d'association qu'on ne s'attend pas forcément à lire quand on évoque l'opération Overlord.
Très romancé le film s'inspire de l'histoire incroyable du coréen Yang Kyoungjong qui a été découvert parmi les prisonniers allemands au soir du D-Day dans le secteur de Utah Beach.
Après interrogatoire le combattant explique avoir été enrôlé de force par les japonais plusieurs années auparavant. Il aurait ainsi servi en Mongolie avant d'être capturé par les soviétiques et de se battre sur le front de l'Est où il fut à nouveau fait prisonnier et contraint de se battre au sein de la Wehrmacht.
Typiquement le genre d'histoire incroyable qui méritait d'être racontée, Far Away est ainsi une oeuvre coréenne dont le climax sera ni plus ni moins que le débarquement en Normandie avec une autre originalité la présence de Utah Beach et non d'Omaha (pour une fois).
En revanche si l'action est frénétique et très efficace (le réalisateur avait signé le très gore Frères de Sang une dizaine d'années plus tôt) du point de vue purement historique la bataille n'a aucun sens : que viennent foutre des parachutistes à la fin ? Ils sont sensés avoir été largués pendant la nuit pas en même temps que les GI's qui débarquaient !
La French Touch - Les Femmes de l'Ombre
J'en vois déjà qui vont se marrer devant ce choix parce que pour eux "c'est un réal de séries B qui se prend pour Melville" mais c'est comme ça : j'aime beaucoup ce film de Jean-Paul Salomé.
Peut être inspiré par le romain de Ken Follett Le Réseau Corneille (il y a quelques similitudes à commencer par la présence de cinq héroïnes et la traque d'un officier nazi) Salomé rend hommage aux femmes de la Résistance en orchestrant une histoire autour d'un élément méconnu du débarquement : le caisson Phoenix.
Cette fiction riche en séquences d'espionnage et de mitraillage à la Sten Mk II est ainsi menée tambour battant avec une ambition trop rarement observée dans notre cinéma. Certes on pourra peut être dire que le tout manque d'ampleur mais justement le fait que l'action opposera au maximum une poignée de résistants contre une quinzaine d'allemands confèrera un ton plus humain au projet.
Donner connaissance de l'existence d'un procédé allié tout en cochant efficacement les cases que l'on attend sur une oeuvre sur la Résistance (sabotage, guérilla, collabos, renseignements, torture, évasion...), c'est le pari réussi des Femmes de l'Ombre.
Le plus horrifique - Overlord
On entend souvent parler de l'enfer d'Omaha Beach, de la boucherie que fut le débarquement ou de l'horreur qu'ont traversé les combattants à l'époque.
Il est ainsi assez surprenant de voir que le cinéma aura attendu 2018 pour oser aborder la bataille avec un angle ouvertement horrifique avec ce film original signé Julius Avery.
Au départ pensé comme un préquel de la saga de monstres Cloverfield produite par JJ Abrams, Overlord est finalement devenu un projet à part entière. Et si les revirements de ce genre donnent souvent des films malades sans vraie identité dans le cas présent on peut dire qu'on tenait une excellente surprise !
Se plaçant du point de vue des parachutistes américains, le scénario mène une petite escouade en direction d'un village occupé par les allemands.
Sur place les paras vont découvrir que l'ennemi a effectué un tas d'expériences horribles sur les villageois et sur leurs propres hommes.
On aurait pu tenir un immonde nanar mais l'aspect horrifique est réussi avec quelques jumpscares bien fourbes, une imagerie lugubre et des moments gores impressionnants (le son et l'effet du mec qui se déboîte la tête sont juste horribles) et surtout la partie guerre n'est pas en reste notamment pendant le troisième tiers où les balles vont siffler généreusement avec un délicieux petit côté Inglourious Basterds rencontre le Soldat Ryan.
Bref opposer les paras de la 101ème à des monstres façons Wolfenstein il fallait oser, et non seulement c'est réussi mais en plus on en redemanderait presque !
Qu'il s'agisse de cinéastes occidentaux ou asiatiques, ou bien de films historiques ou encore de divertissements purs le débarquement en Normandie n'a jamais cessé d'inspirer le Septième Art, et avec à chaque fois un résultat au pire efficace et au mieux inoubliable.
Certes il y aurait encore des sujets à couvrir pour en apprendre plus sur cette journée : il n'y a pas eu de film contemporain situé du point de vue des britanniques tandis qu'on pourrait bien adapter le roman Ils Arrivent ! qui retraçait la bataille du point de vue des allemands.
Mais quoi qu'il en soit toutes ces oeuvres alimentent le point le plus important que j'ai volontairement choisi d'aborder pour cette conclusion : ne pas oublier.
Cela peut sembler naïf ou has been pour les esprits les plus illuminés mais dans la triste époque que nous vivons il me semble bon de se rappeler plus que jamais de ces jeunes gens, de ces hommes et ces femmes qui ont livré cette bataille pour que plus jamais ce genre de situation ne se reproduise.
Alors à l'issue de chaque film, bien que beaucoup de personnages soient fictifs on n'oublie pas ce qui s'est passé en Normandie.
On se rappelle des hommes tombés sur Omaha, Utah, Sword, Gold et Juno et on n'oublie pas les actions de la Résistance pour appuyer les parachutages.
Parce que même si ce n'est qu'à travers la fiction le souvenir doit perdurer.