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Ma dose de cinéma

Si tu tends l'oreille - Un Ghibli à part

Publié le 13 Mai 2024 par Gaffeur in Animation, Ghibli, Romance, Japon

De tous les faux départs à la retraite de Miyazaki, voici le plus tragique

De tous les faux départs à la retraite de Miyazaki, voici le plus tragique

En général si on parle à quelqu'un du studio Ghibli, on va partir du principe que la personne en question n'aura qu'un seul nom à l'esprit : Hayao Miyazaki. 
Il faut dire que le maître s'est forgée une légende assez unique dans l'histoire du cinéma dans le sens où aucun de ses films n'est considéré comme un faux pas et chacun d'entre eux a toujours été un évènement. 

Pourtant le drame de Miyazaki est de n'avoir jamais su trouver de successeur à la tête du studio, ses nombreuses annonces de retraite étant une preuve que le bonhomme aurait plusieurs fois aimé passer la main.
Hélas pour lui son fils Goro n'a pas hérité de son génie (ce qui ne veut pas dire que ses films sont mauvais), son ami et cofondateur du studio Isao Takahata ne se voyait pas comme un dessinateur tandis que Hiroyuki Morita n'avait pas signé un mauvais film avec son Royaume des Chats, mais le tout manquait clairement d'ambition et de consistance pour un Ghibli. 

Mais le plus grand drame de l'histoire du studio fut sans conteste le décès prématuré de Yoshifumi Hondo dont l'unique film Si tu tends l'oreille sorti en 1995 fut si bon que Miyazaki lui même aurait vu en lui son successeur. Malheureusement le réalisateur et dessinateur est mort trois ans plus tard, juste après la sortie de Princesse Mononoké où ses dessins auront sublimé une dernière fois l'un des meilleurs films de Miyazaki. 

Si tu tends l'oreille est ainsi un film particulier dans l'histoire du studio, et cela se ressent dans sa mise en scène bien plus terre à terre que les opus du maître Hayao mais qui dispose de ce qui fait le coeur des oeuvres du studio : une propension à la poésie sans égale chez la concurrence. 

Tiens, tiens, une vieille connaissance !

Tiens, tiens, une vieille connaissance !

Au fond, de quoi ça parle ? 

Lorsqu'on découvre Si tu tends l'oreille pour la première fois, on se surprend à découvrir une histoire de prime abord assez simple, loin des décors épiques auxquels le studio nous a habitué. 

Elève brillante Shizuku Tsukishima remarque que chaque livre qu'elle emprunte à la bibliothèque est passé entre les mains d'un certain Seiji Amasawa. Réalisant qu'un garçon du lycée a les mêmes goûts qu'elle, la jeune fille se demande de qui il pourrait s'agir. Parallèlement elle tente de traduire pour ses amies la chanson Country Road de John Denver en la réinterprétant à sa façon. Un jour elle décide de suivre un chat au cours d'un trajet en métro et découvre la boutique d'un antiquaire.

Le synopsis n'aidera pas vraiment le spectateur à se faire une idée de ce qui l'attend dans le film, et rarement un film du studio aura été aussi discret sur ses intentions. N'espérez ainsi pas une histoire qui livrera tous les tenants et aboutissants en quelques instants : les émotions seront présentes mais il va falloir les mériter !

A vrai dire cela me fait un peu penser au Garçon et au Héron dans le sens où le scénario était là aussi très flou et ne dévoilait ses plans que lors du dernier acte. Comme quoi Miyazaki avait peut être vu juste sur la capacité de Kondo à prendre sa suite. 

Le pari d'un film sans fantastique

Pourtant à y regarder de plus près la proposition de Kondo est bien plus intimiste que les oeuvres du patron du studio.
Nullement question cette fois-ci de plonger les personnages dans un univers féérique rempli de créatures étranges et de farfadets, Shizuku et Seiji évoluent dans un Tokyo moderne où on ne voyage pas à dos de dragon ou d'oryx.

Il faut reconnaître qu'il est assez rare que les cinéastes du studio s'aventurent sur des histoires dénuées de fantaisie, la seule véritable exception étant le terrible Tombeau des Lucioles qu'on ne présente plus depuis qu'il a fait progressé de façon vertigineuse le nombre de suicidés au sortir d'une salle de cinéma. 

Pourtant Kondo ne compte pas détruire le moral de son public pour autant et Si tu tends l'oreille saura trouver sa place au coeur des meilleurs titres Ghibli pour une raison simple : la poésie et le rêve sont les véritables personnages du film. 

Et ce ce côté là la simplicité sera le meilleur atout du scénario pour faire voyager son spectateur non pas dans un monde fantastique, mais tout simplement dans un coin paisible du nôtre où un jeune artisan luthiste et une poète en herbe peuvent se rencontrer parce que l'une a eu la curiosité de suivre un chat et que l'autre a fait en sorte que les chemins finissent par se croiser. 

Le genre de moments bien Ghibli-esque qu'on n'oubliera jamais

Le genre de moments bien Ghibli-esque qu'on n'oubliera jamais

Comment Ghibli fait un film ?

L'autre particularité du film est que contrairement à l'intégralité du catalogue du studio celui-ci propose... Des connections et des références. 
Difficile pour les plus amoureux de la maison de Totoro de passer à côté de certains détails dissimulés dans le décor tels que le nom de Porco Rosso gravé sur une pendule ou encore cette petite poupée sorcière suspendue dans la chambre de Shizuku. 

Je n'aurai pas forcément relevé ce genre de petits easter eggs en temps normal, car j'aurai simplement pris cela pour des clins d'oeils destinés aux ultra-fans. Mais justement que fait Shizuku pendant la totalité du métrage ? 

Elle fait de la poésie. Elle lit. Elle crée. Elle imagine. Elle observe son quotidien. Elle rêve. Et elle écrit un roman forcément fantastique. 
Peut être que je me trompe complètement, mais j'aime voir dans ce film un hommage à la créativité et à l'imagination que Kondo adresse également à ses collègues. 

Car lors de quelques séquences Kondo s'autorise de rapides incursions dans le fantastique, traduisant ainsi à l'écran l'histoire qu'imagine son héroïne. Une histoire typiquement Ghibli avec une créature qui embarque une humaine dans des décors merveilleux. 

Shizuku devient alors l'un des personnages les plus attachants de l'histoire du studio car elle n'est autre que l'alter-ego animée des équipes de Ghibli.

Héroïne fictive ou allégorie d'une scénariste de Ghibli ?

Héroïne fictive ou allégorie d'une scénariste de Ghibli ?

Si tu tends l'oreille a marqué l'histoire du studio. 

Même si son réalisateur est mort bien trop tôt et qu'il n'a pas signé d'autres oeuvres pour le studio, l'héritage du film est malgré tout présent notamment à travers Le Royaume des Chats.

En effet les deux films partagent plusieurs choses : les personnages du Baron et de Moon ainsi que le pitch d'une jeune fille qui suit un chat anthropomorphe dans un monde féérique. S'agit-il donc du film qu'aurait écrit Shizuku si elle était une véritable personne ? 

Quoiqu'il en soit le fait que Ghibli ne produise jamais de suite (du moins pas au format long puisqu'un court métrage faisant office de suite à Totoro existe bien que rarissime) en dit long sur la richesse du film et sur l'importance qu'a eu le travail de Kondo à leurs yeux. 

Pour le public il reste un film apaisant qui arrive à faire rêver avec la simplicité du quotidien : un chat dans un métro, une chanson improvisée dans une cave ou encore la simple vue de Tokyo dans les premiers instants du matin. 

Note : 4/5

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