Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ma dose de cinéma

Le Cave se Rebiffe - Un film à écouter

Publié le 23 Février 2024 par Gaffeur in Comédie, Jean Gabin, Bernard Blier, Michel Audiard

Les bonnes vieilles affiches de l'époque

Les bonnes vieilles affiches de l'époque

Au risque de passer pour un vieux con avant l'heure, les comédies françaises contemporaines m'emmerdent au plus haut point. 

Certes il y a parfois quelques pépites pour sauver l'honneur mais rarement les films actuels ne parviennent à être foncièrement drôles : il faut systématiquement aborder les actualités ou la politique et si on peut au passage redorer le blason des voyous ce n'est que mieux !

Pourtant à l'époque des Lautner, Grangier, Ventura et autres Gabin on savait rire tout en abordant des sujets improbables. 

L'espionnage avec Les Barbouzes, la contrebande avec Les Tontons Flingueurs, la nostalgie avec Un singe en hiver... 
On pourrait effectivement penser que les films français des années 60 sortaient du même moule (il faut dire qu'à l'époque il était difficile de ne pas trouver un film non co-écrit par Michel Audiard) mais en dehors de la gouaille typique de cette époque chaque film avait quelque chose à proposer. 

Avec Le Cave se Rebiffe, Gilles Grangier s'attaquait aux petits escrocs et à la contrefaçon de billets de banque, avec à la clé une comédie de voyous particulièrement acide. 

Blier et Gabin, trop peu souvent réunis à mon goût

Blier et Gabin, trop peu souvent réunis à mon goût

De petits personnages...

Le Cave se Rebiffe, c'est l'histoire d'un trio rattrapé par son époque. Autrefois gérant d'un bordel, Charles a vu son activité suspendue par les nouvelles lois et ne sait plus comment continuer à payer son hôtel. 
Lorsque son notaire lui présente Eric un magouilleur vendeur de voitures, Charles décide de monter une affaire de faux billets. Mais pour être certain de réussir son coup il doit faire appel à une légende du faux talbin : le Dabe. 

Bien loin des figures charismatiques de truands qu'avaient l'habitude d'incarner Gabin et Blier, les personnages du film ne sont pas des criminels de grande ampleur. 

Tout au plus s'agit-il d'une bande de filous qui n'ont guère envie de changer de secteur d'activité pour faire rentrer un peu d'oseille. 

Ainsi le ton du film sera ouvertement orienté vers la comédie plutôt que vers le polar teinté de répliques acides. Et c'est justement ce qui fait son charme !

Blier s'en donne visiblement à coeur joie dans la peau de ce propriétaire de bordel ruiné qui ne manque jamais une occasion de blâmer sa bonne ou sa femme du moment qu'il continue de passer pour un baron. 

Un personnage entouré d'une cour de bandits à la manque dont on se doute dès le départ que la roublardise les perdra tandis que de son côté Jean Gabin est plus iconique que jamais dans le rôle du Dabe. 

Professionnel, cultivé, prudent et maniant la langue française comme personne, le Dabe semble s'être gouré de film et n'aurait pas fait tâche aux côtés de Fernand Naudin.

Et ce décalage entre Blier et ses complices complètement abrutis et le surplus de charisme du Dabe, ce que ça peut fonctionner du tonnerre ! 

... pour de grandes répliques

Mais ne nous éparpillons pas et ne pêchons pas par excès de sympathie pour ces acteurs irremplaçables, car Le Cave se Rebiffe est un film intéressant dans le sens où on pourrait quasiment se passer des images et le diffuser tel quel à la radio.

Michel Audiard au même titre que les comédiens de son époque est un cas unique. On pourrait s'appliquer autant qu'on voudrait un mec comme ça il n'y en a eu qu'un et il n'y en aura jamais d'autres. 
Et si toutes ses participations et réalisations n'ont pas toujours été mémorables, on peut dire que cette fois ci le dialoguiste était au sommet de son art !

N'étant pas un film policier au sens strict et ne comportant aucune scène d'action, le film sonne presque comme une pièce de théâtre (en témoigne la première rencontre entre le Dabe et le Cave) tant les dialogues sont rythmés de main de maître. 

Chaque séquence, même la plus courte réservera au moins une réplique qui activera les zygomatiques du spectateur avec parfois un sens de la répartie tout bonnement inimitable. 

On pense par exemple à ce moment où le Dabe prévient sa complice qu'un gars va passer récupérer du matériel et qu'elle ne pourra pas le louper, c'est un grand con d'un niveau stratosphérique. 
Plus tard dans le film alors qu'Eric récupère du papier chez ladite complice celui-ci s'étonne qu'elle l'ait identifié aussi facilement, ce à quoi l'intéressée répondra "On m'avait fait une description très juste". 

Inutile d'avoir l'image pour apprécier la qualité de cette réplique qui tombe à un timing parfait, alors imaginez un peu tout un film écrit de cette manière et vous comprendrez pourquoi on pourrait simplement l'écouter. 

Ah c'est sûr qu'aujourd'hui les féministes feraient tout pour détruire les copies du film

Ah c'est sûr qu'aujourd'hui les féministes feraient tout pour détruire les copies du film

Un peu trop rapide

Evidemment le contrecoup de cette puissance verbale de chaque seconde est bien présent : que retenir de la partie mise en scène et visuelle ? 

A l'instar de beaucoup de comédies l'image et le cadre ne sont pas particulièrement travaillés bien que le montage soigné permette d'enchaîner chaque étape de la combine efficacement.

Mais si l'on excepte une ou deux mimiques de Blier lors de sa visite des anciennes piaules toutes plus luxurieuses les unes que les autres, on ne peut pas dire qu'on retiendra Le Cave se Rebiffe pour ses décors ou sa mise en scène. 

D'ailleurs on peut le dire le scénario aussi savoureux soit-il s'achève tout de même très brutalement et bien que c'était dans l'esprit des films de cette époque d'avoir une conclusion rapide (rappelez vous du Pacha) on ne peut pas dire que la fin surprenne véritablement. 

"C'est marrant en ajoutant par ci des chiffres et par là une figure historique, on dirait un billet de banque"

"C'est marrant en ajoutant par ci des chiffres et par là une figure historique, on dirait un billet de banque"

Amateurs du cinéma français des années 60, du verbe d'Audiard, du charisme de Gabin et du talent comique de Blier, vous connaissez certainement déjà ce sommet que j'ai probablement présenté pour rien en ce qui concerne votre bagage cinématographique bien étoffé. 

Mais pour les autres, ceux qui aimeraient découvrir ce que c'est qu'un film signé Audiard ou tout simplement ce que c'est qu'une comédie qui a le sens du rythme, alors la découverte est indispensable !

Après effectivement il faut faire l'effort de prendre du recul et accepter que le film a 60 ans ce qui inclus un style, des décors et un ton qui ne froissaient pas à l'époque. 

Oui parce que même si je ne supporte pas les twittos en embuscade à la moindre réplique machiste il faut effectivement souligner que les femmes du film n'ont clairement pas le beau rôle...

Quoiqu'il en soi même si le film pourrait presque sembler facile et quelconque dans sa mise en scène, ses dialogues acides et subtiles parviennent malgré tout à enterrer tout ce qui se fait aujourd'hui encore en matière d'écriture comique. 

Bon sang ce que ce genre de films manque... 

Note : 3.5/5

Commenter cet article