Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ma dose de cinéma

Coupez ! - C'est quoi, faire un film ?

Publié le 6 Janvier 2024 par Gaffeur in Comédie, Michel Hazanavicius, Romain Duris, Bérénice Béjo, Zombies

Vous avez dit kitsch ?

Vous avez dit kitsch ?

Lorsque le festival de Cannes a accueilli en 2022 Michel Hazanavicius pour ce qui était présenté comme une comédie de zombies, tout le monde s'est demandé ce qui se passait.

Cannes, festival de films d'auteurs pas forcément nazes mais souvent destinés à assurer une bonne sieste au public lambda ou à n'être pour les critiques qu'une occasion de sortir leurs meilleures punchlines pour descendre le réalisateur du moment.

Cannes donc, associé à un film de Zombies ????

Et pourtant les retours étaient assez positifs même si beaucoup ont été désarçonnés par la première demi-heure. Hélas peut être parce que Cannes a souvent vendu des comédies vaseuses le film s'est vautré au box office avec à peine 200 000 entrées en France et moins de 3 millions de dollars recettes mondiales. Pour un budget de 4 millions d'euros, ça fait mal.

Mais ça fait encore plus mal quand en tant que spectateur on découvre le film deux ans plus tard après avoir trouvé le DVD complètement par hasard et qu'on se rend compte qu'on a raté une petite pépite en salles. 

Ok c'est quoi ce bordel ?

Ok c'est quoi ce bordel ?

Sur quoi je suis tombé ?

Lorsque Coupez ! (qui à l'origine s'intitulait sobrement Z mais le titre fut changé lorsque les troupes russes ont envahie l'Ukraine en peignant un Z sur leurs tanks) démarre on se pose trente-six mille questions pendant littéralement trente minutes.

Pourquoi cette image si peu travaillée ? Pourquoi des prénoms japonais ? Pourquoi les acteurs semblent parfois faire durer pour faire durer ? Pourquoi Duris disparaît à chaque fois ? Pourquoi la caméra reste au sol pendant une minute ? Et puis surtout bordel c'est quoi ce scénario imbitable ?

Clairement le premier tiers du film constitue le plus gros risque de la carrière d'Hazanavicius. Le cinéaste acclamé des deux premiers OSS 117 et The Artist qui semble réaliser un film amateur dans un entrepôt bidon ?

Honnêtement si j'ai tenu jusqu'au bout de cette partie c'est pour trois raisons. 

La première : Romain Duris. Au bout d'une minute de métrage l'acteur m'a collé un fou rire avec un pétage de câble mémorable. 

La seconde : Bérénice Béjo qui après être restée effacée pendant quinze minutes devient une vraie guerrière assoiffée de sang.

La troisième : La technique. Entre le fait que le tout soit un plan-séquence les brisures du quatrième mur sont si nombreuses qu'il y aura forcément une explication à la clé.

Patience récompensée

Et puis au bout d'une demi-heure de film Hazanavicius lance le générique avant d'opérer un flash back situé un mois avant les évènements de Z. 

Le principe de mise en abîme a souvent été exploité au cinéma, mais Hazanavicius a tout simplement flingué le concept en choisissant de commencer son film par la fin.

Ces trente minutes à la limite du supportable sont en réalité l'aboutissement d'une production éclair entre un jeune réalisateur français et une productrice japonaise qui souhaite effectuer un remake cheap d'un succès populaire au pays du Levant. 

Huston we've got a problem

Huston we've got a problem

Pastiche acide

Hazanavicius à travers ce film en apparence minable va en réalité livrer l'une des oeuvres les plus grinçantes sur le milieu du cinéma. 
Caprices d'acteur, producteur flegmatique, changement de scénario à la dernière minute... On sent le vécu dans toutes les situations que va traverser le personnage de Romain Duris qui est en fait le réalisateur. 

Et puis alors qu'on commence à comprendre ce qu'on a vu pendant la première partie, on en vient à se poser encore d'autres questions !
Parce que tout de même, le casting est différent non ? 
C'est là la principale force du film : il est conçu de façon à ce que le public se pose tellement de questions tout du long qu'il aura forcément envie de regarder jusqu'au bout pour avoir les réponses. 

Aussi curieux que cela puisse paraître un film qui commence avec un moment gênant de 30 minutes va dévoiler un scénario réellement béton qui transformera le premier tiers en un hommage parfaitement chorégraphié aux métiers du cinéma.

Hommage aux techniciens

Parce que si les festivals récompensent surtout les acteurs et les réalisateurs, il n'y a pas de récompenses pour les cadreurs, pour les assistants réalisateurs, bref pour les techniciens de l'ombre. 

Et c'est pour ça que le film en devient mémorable, car pour la première fois un grand réalisateur va évoquer ouvertement non seulement les catastrophes que doit gérer la production mais aussi tous ces petits couacs de dernière minute que les techniciens vont résoudre. 

Le dernier acte se savourera avec un réel plaisir car toutes les questions vont trouver une réponse souvent improbable mais qui sera à chaque fois l'occasion pour Hazanavicius de rendre hommage aux petits lutins qu'on ne voit pas à l'écran mais qui empêchent une prise d'être bonne pour la poubelle grâce à une idée de génie. 

 

Ou comment transformer un moment gênant en pépite

Ou comment transformer un moment gênant en pépite

Coupez ! est un fiasco commercial extrêmement injuste. 

Injuste car rares sont les cinéastes qui clament à chaque film ou presque leur amour pour le cinéma, et après avoir rendu de beaux hommages aux films d'espionnage et au cinéma muet Hazanavicius déclare sa passion pour le Septième Art dans un film très malin.

C'est bien simple je suis certain que chaque spectateur qui a vu le film s'est senti mal pendant la première demi-heure, et pourtant je suis prêt à parier gros que tous ceux qui sont allés jusqu'au bout n'auront eu envie que d'une seule chose : redécouvrir cette première partie avec un regard neuf. 

En fait, Coupez ! c'est l'histoire d'un plan-séquence incroyable d'une demi-heure que tout le monde va prendre pour une bonne merde fumante.

Une prise de risque audacieuse qui n'a hélas pas payée au box-office, mais qui je l'espère finira par s'offrir une deuxième vie avec le temps au sein des cercles cinéphiles.

Note : 3.5/5

Commenter cet article