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Ma dose de cinéma

Limbo - Dans la m**** jusqu'au cou

Publié le 29 Décembre 2023 par Gaffeur in Thriller, Polar, Chine, Policier

J'aime quand une affiche ne trompe pas sur la marchandise

J'aime quand une affiche ne trompe pas sur la marchandise

Entre Oppenheimer, Indiana Jones et (hélas) Barbie, l'été cinématographique français a fait quelques victimes face à ces trois rouleaux compresseurs.
On pourrait citer Mission Impossible : Dead Reckoning qui enregistra un score très bas pour un projet de Tom Cruise, mais la plus grosse injustice fut le passage sous les radars de Limbo

Polar Chinois réalisé par Soi Cheang qui jusque là n'avait signé que des actioners de série B, le film avait attiré mon attention avec son affiche en noir et blanc qui promettait une enquête dans les bas fonds de l'Humanité. De plus certaines critiques professionnelles sont carrément allées jusqu'à dire qu'à côté de lui, Se7en n'était que de la gnognotte !

Bon là j'avoue que ce genre de comparaison n'a pas pour habitude de me donner envie (combien de films ont été vendus comme les nouveaux Soldat Ryan ou Scarface pour se révéler n'être dans le meilleur des cas que de sympathiques productions ?), mais étant donnée la capacité des réalisateurs asiatiques à régulièrement révolutionner le polar je me suis dis que pour une fois la comparaison n'était peut être pas exagérée. Et puis lorsqu'un film est apparemment si sombre que les autorités chinoises ont interdit sa diffusion sur le sol Chinois (seules les salles de Hong-Kong ont pu le diffuser) et que celui-ci met six ans à arriver chez nous en raison de son caractère extrême, cela ne peut que titiller ma curiosité !

Malheureusement en raison d'un planning personnel serré le film m'avait échappé au moment de sa sortie en salles, mais à présent que le DVD est sorti (quand je pense qu'il y a des cons pour dire que la sortie physique ne sert à rien) je vais enfin pouvoir le dire : oui le film est bien la baffe, que dis-je la calotte annoncée ! 

Un détective qui a du flair

Un détective qui a du flair

Une énième histoire de traque ?

Will Ren se tient sur le toit d'un immeuble désaffecté et repense à sa dernière affaire. Avec son coéquipier Cham Lau ils se sont lancés à la poursuite d'un tueur en série qui ne laissait derrière lui que la main gauche de ses victimes, toutes des femmes, toutes des escorts ou des droguées. 
Lorsque les deux policiers croisent la route de Wong To une délinquante qui a brisé la vie de Cham, celle-ci accepte d'aider la police pourvu que Cham accepte de lui pardonner ses actes. 

On s'attendait à la vue de l'affiche à découvrir une histoire de tandem de flics comme nous en avons eu des tonnes depuis Se7en (qui a dis les trois saisons de True Détective ?), mais ce petit filou de Soi Cheang a brouillé les pistes avec son affiche présentant seulement les deux policiers !

Car si il y aura bel et bien une enquête de police, celle-ci n'occupera finalement que la première moitié du film avant que tout ne s'enchaîne et qu'une course contre la montre insoutenable ne s'enclenche jusqu'à la toute fin, faisant comprendre au spectateur que la véritable héroïne (si tant est que le film permette l'idée d'héroïsme) est autre que Wong To.

Bon sang mais laissez la !

Que les choses soient claires je ne cherche pas à brosser les féministes dans le sens du poil en éclipsant les performances de Mason Lee et Ka Tung Lam alias les flics têtes d'affiche.
Les deux hommes en dépit de leurs rôles quasiment muets sont excellents et offrent un tandem bien dark avec d'un côté le vieux briscard qui se fie littéralement à son flair et qui se torche avec la bien-pensance et de l'autre le petit nouveau propre sur lui qui va vite se heurter à la violence de la ville. 

Mais sans conteste on retiendra surtout la performance de Yase Liu qui campe la jeune SDF qui vit de divers larcins et qui tente de trouver la rédemption en aidant la police. 

C'est bien simple on se demande constamment quand est-ce que les souffrances vont cesser pour cette fille qui certes a commis de graves erreurs mais dont la quête du pardon ne rendront que plus cruelles les nombreuses épreuves qui l'attendent. Et le plus mémorable c'est que l'actrice donne tout ce qu'elle a à chaque séquence, à tel point qu'on se demande si les coups qu'elle reçoit ont vraiment été simulés !

Aucun personnage du film n'est tout beau tout propre, mais entre le flic qui n'hésite pas à la placer dans des situations extrêmes et son collègue qui sera tellement concentré à l'idée de retrouver son arme qu'il ne prêtera même plus attention à la sécurité de la jeune femme, Wong To est peut être bien la seule dans toute cette histoire à avoir des motivations "nobles". 

 

La révélation féminine de l'année

La révélation féminine de l'année

Heureusement qu'on n'a pas les odeurs

Et parce que le film explore les plus bas instincts de l'espèce humaine, il lui fallait une toile de fond digne de ce nom pour illustrer son propos ! 
Imaginez un peu les séquences pluvieuses de Se7en... C'est bon ?
Bien, à présent supprimez la couleur et enfin ajoutez y des détritus et vous aurez une idée de ce que Limbo va vous proposer.

Une idée seulement, car dans les faits l'amas d'ordures dépasse tout ce que votre esprit peut imaginer de pire... Car si le film a été censuré et interdit de diffusion par le régime Chinois, c'est parce que celui-ci portait atteinte à l'image du pays.

Soi Cheang plonge littéralement ses personnages dans la merde : qu'il s'agisse de la junkie qui recevra des sauts de déchets alimentaires ou des flics qui passeront clairement 50% de leur temps dans les poubelles sans oublier ni le repaire de l'assassin ni les squats et les bidonvilles, le réalisateur donne une image de Hong Kong qui n'incite pas vraiment au tourisme ! 

Et certes parfois il m'est arrivé de penser que le metteur en scène en avait peut être fait un peu trop en matière de personnages marginaux et de décors dégueulasses, mais objectivement si le film cause un si grand malaise c'est parce que le décor sonne terriblement vrai. 

Et une leçon de mise en scène, une !

Pour quelqu'un d'ordinaire chargé de réaliser des séries B, Soi Cheang colle ainsi une véritable claque en matière de mise en scène. 
Cela passe par les comédiens et par ses décors crasseux certes, mais pas seulement car le noir et blanc en plus d'être parfaitement travaillé au point de devenir l'un des plus beaux représentants du genre ne sera pas qu'un simple gimmick visuel.

Les personnages du film sont pour la plupart des déchets, des personnages jetables (même les flics) qui évolueront dans un environnement qui compte parmi les plus vétustes et sales du 7ème Art, alors pourquoi leur offrirait-on en prime de la couleur ? Il n'y a pas de place pour l'espoir dans cette traque, d'où une image en noir et blanc. 

Par contre il y aura de la place pour de la tension, et de ce côté là Soi Cheang livre une véritable masterclass à travers sa narration et ses scènes d'action. Certes il n'y aura pas de gunfight comme le veut le genre du polar Hong Kongais, mais les traditionnelles poursuites à pieds si chères au cinéma asiatique seront bien présentes et de ce côté là le réalisateur a mis le paquet !

Le point culminant sera par ailleurs atteint à mi-parcours alors que l'enquête progresse vite et que tous les protagonistes du film vont se retrouver impliqués dans une triple poursuite dans un immeuble insalubre. Un morceau de suspense qui ferait passer la poursuite de Burn Out pour une promenade tandis que le réalisateur se sert à merveille de son décor pour relancer le suspense à chaque minute. Un couteau de cuisine, un grillage, une carcasse de bagnole, un coup de feu... Les idées ne manquent pas et la séquence justifierait à elle seule que le film entre au panthéon du polar.

Le genre de séquence qui reste dans les mémoires

Le genre de séquence qui reste dans les mémoires

La séquence citée ci-dessus a tout de même un défaut : elle est tellement nerveuse et magnifiquement réalisée qu'après ce pic de suspense le reste du film semble en perte de vitesse.
Ce qui n'est ironiquement pas le cas car je suis prêt à parier que la seconde moitié vous fera autant retenir votre souffle que pendant ces dix minutes d'action, mais vous ne parviendrez pas à oublier cette cavalcade et le climax pourtant extrêmement nerveux semble presque facile en comparaison.

Cela dit s'il fallait adresser un vrai reproche au film ce serait sur son scénario, et encore sur la partie enquête uniquement (la partie rédemption est en béton). Car celui qui espère une enquête bien ficelée pour coincer un tueur malin et insaisissable sera déçu : l'assassin a beau être torturé et ultra-violent remonter sa piste ne sera pas difficile. 

Mais l'intention du réalisateur était-elle de se concentrer sur l'enquête ou bien sur l'état psychologique de ses trois personnages principaux ? Clairement la seconde option. Et dans ce cas le fait que les deux flics remontent la piste grâce à Wong To en littéralement trois minutes de métrage n'est même pas grave car ce qui compte n'est pas l'enquête mais les protagonistes. 

Cela fera peut être bondir les plus fidèles de David Fincher, mais bien qu'en faisant un peu trop dans la noirceur Limbo réussi bel et bien l'exploit de faire passer les mésaventures de Brad Pitt et Morgan Freeman pour un truc has been.

Et ben mon vieux, pour une fois que la presse fait une comparaison sans exagérer il va falloir noter la date et l'heure. 

Note : 4.5/5

 

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