Nous y voilà enfin ! Huit mois après l'excellente surprise que fut la première partie (couronnée en plus d'un joli succès de 3,3 millions d'entrées) Martin Bourboulon nous propose aujourd'hui la suite de sa version moderne des Trois Mousquetaires.
Une suite qui devait répondre à toutes les questions laissées en plan lors des dernières minutes du premier volet tout en creusant le personnage de Milady de Winter campé par la magnétique Eva Green.
Pour ma part j'avoue que j'attendais de pied ferme cette conclusion car aussi réussi que pouvait l'être le premier volet, j'en étais tout de même ressorti avec cette impression d'avoir vu un film qui ne pouvait en dire trop car il devait forcément garder de la matière pour la suite, ce qui donnait ce sentiment bizarre qu'en dépit de toutes les scènes d'action et les multiples rebondissements le film ne lançait jamais vraiment son intrigue.
Milady se devait donc de répondre aux questions tout en corrigeant les défauts du premier à savoir un groupe de héros qui n'avait pas le temps de vraiment prendre corps ainsi qu'une réalisation certes ambitieuse mais qui parfois sonnait un peu trop économe (le combat du point de vue de la Reine était une bonne idée, mais c'était aussi un moyen de ne pas trop chorégraphier et d'économiser en maximisant sur le hors champ).
Fausses pistes et révélations
Démarrant par un récapitulatif inutile du premier volet (franchement qui irait voir un film intitulé Partie 2 sans avoir vu le début ?) Milady reprend exactement là où nous avions laissé d'Artagnan : mis K.O. par un mystérieux individu qui aurait fait enlevé Constance la jeune femme éprise du mousquetaire.
Il ne faut ainsi pas plus de quelques instants à Bourboulon pour retrouver ce rythme haletant qui avait fait le charme du premier volet. On se retrouve très vite en terrain connu et cela pour notre plus grand plaisir.
Mais terrain connu ne veut pas dire que tout sera prévisible, en effet bien que le plot twist concernant l'identité de Milady de Winter soit largement devinable depuis le premier épisode le film va tout de même bien promener le spectateur pendant son premier acte !
C'est que cette Milady qu'on nous a tant teasée se révèle aussi farouche que fourbe et concoctera quelques mauvaises surprises pour ses poursuivants, causant toutes les peines du monde à ce pauvre d'Artagnan qui n'en finit plus d'enchaîner les coups du sort pour retrouver sa promise.
Mais comme la belle a disparu après avoir découvert l'identité du traître qui a commandité l'attentat du mariage du frère du Roi, l'intrigue va bien évidemment faire cohabiter l'arc du nouveau mousquetaire avec celui de l'histoire de France.
Pour le coup c'est là l'une des réussites du film, d'avoir su à ce point jongler entre l'épique du conflit entre catholiques et protestants avec les magouilles du cardinal et la quête du jeune gascon.
Une action plus rare mais plus épique
L'autre grande qualité du métrage sera évidemment son envie de frapper fort dans le monde de la fiction française avec ses gros moyens et ses plans-séquences audacieux.
Le premier volet regorgeait de duels et de combats opposants la plupart du temps les mousquetaires aux hommes de Richelieu sans jamais en faire trop, tout au plus avions nous eu droit à la toute fin du film à un combat entre une dizaine de gardes du Roi et une douzaine de conspirateurs.
Mais si cette deuxième partie nous offrira moins de combats, ce ne sera pour autant pas une mauvaise chose car les affrontements en plus de conserver cette envie du réalisateur de capter l'action en temps réel vont voir plus grand avec notamment vers la moitié du film la fameuse séquence du siège de La Rochelle.
Sans vouloir en dire trop la séquence a beau ne pas être ce que j'attendais, on tient malgré tout la scène d'action la plus spectaculaire que le cinéma français ait proposé depuis Un Long Dimanche de Fiançailles de Jean-Pierre Jeunet en 2004.
Enfin quelques mots pour le duel final qui en terme de pyrotechnie affiche là aussi une ambition folle couplée à un plan-séquence excellent tandis que François Civil brille dans une séquence où le comédien va enfin avoir l'occasion de jouer la colère et la rage de vaincre.
Un duel qui restera dans les mémoires à coup sûr !
Des nouveautés ajoutées à un casting déjà trop grand
La principale faiblesse du premier volet selon moi était de faire des trois mousquetaires des rôles très secondaires.
Certes le sous titre indiquait clairement que le tout était centré sur d'Artagnan mais pour un film intitulé Les Trois Mousquetaires on ne voyait finalement que peu de temps les épéistes en question tous ensemble.
Cette suite va un peu corriger ce défaut en accordant un peu plus de place à Pio Marmaï et Romain Duris tandis que Vincent Cassel se taillera une fois de plus la part du lion.
Mais encore une fois dans la deuxième heure le scénario va avoir cette manie de casser le groupe façon Stranger Things post saison 2 et on en ressortira en ayant finalement passé moins de temps que prévu avec les légendes du corps des mousquetaires.
De plus et ce n'était pas une mauvaise idée le film introduit de nouveaux personnages : le kidnappeur de Constance par exemple, sans oublier Milady qu'on va enfin développer correctement mais aussi Hannibal le premier mousquetaire noir de France.
Alors je sais j'ai tendance à critiquer le wokisme mais il faut savoir que ce gars a bel et bien existé, et même si ce n'était pas tout à fait à la même période que celle où se déroule le film son ajout n'est pas grossier et ses quelques apparitions sont assez cools, d'où un personnage qui ne dénote pas avec les autres et qui n'est ainsi pas une occasion gratuite de cocher une case dans le cahier des charges de la bien-pensance.
Mais était-ce bien le moment d'introduire un nouveau dans le casting alors que celui-ci avait déjà du mal à exister en entier ? Et alors je ne parle pas de Louis Garrel pourtant savoureux en Louis XIII qui va être réduit à deux ou trois apparitions... Dommage car ses métaphores foireuses façon Loth d'Orcanie m'avaient régalé dans le premier volet !
Le piège de Pathé
Et c'est là alors que le film entamait son dernier tiers qu'une drôle d'impression est venue m'envahir : l'intrigue avait certes beaucoup avancé et beaucoup de questions avaient trouvé leur réponse. Mais je me disais merde comment boucler tous ces arcs narratifs, comment exploiter suffisamment autant de monde alors qu'il ne reste probablement pas plus de quarante minutes de métrage ?
On nous a en effet vendu depuis trois ans lors de l'annonce du projet un diptyque... Mais il est évident maintenant que Milady est sorti qu'une trilogie serait bien plus adapté et que la production a bien envie de nous faire un troisième volet !
Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dis : oui je suis pour à cent pour cent en ce qui concerne une autre aventure des mousquetaires version Martin Bourboulon. Mais je dois dire que j'aurai préféré que l'intrigue se contente de simplement laisser quelques sous entendus pour supposer une suite car dans ce cas précis on se demande carrément pourquoi ne pas assumer et proposer un encart "à suivre" comme lors du final du premier volet.
Résultat en voulant en garder pour la potentielle suite (pas encore confirmée étant donné que le premier film a bien marché sans être un carton et que cette suite doit encore faire ses preuves faces aux divertissements de Noël) Bourboulon n'efface pas cette impression tenace depuis le premier film d'un récit qui avance vite mais qui ne va volontairement pas assez loin pour satisfaire les envies de faire une franchise.
Bon sang Pio Marmaï est excellent en Porthos, c'est quand qu'on va lui donner quelque chose à faire ?
Pour tout dire, j'aimerai revoir le film une seconde fois en ayant conscience qu'un troisième épisode devrait voir le jour et qu'il n'est au final pas la conclusion attendue.
Attention je ne dis pas que le film est raté ou qu'il s'agit d'une arnaque, loin de là ! Mais quand on se lance dans un visionnage en attendant voir la conclusion d'une histoire qu'on nous promet depuis huit mois, on ressort forcément tiraillé entre l'envie d'en voir plus car l'univers et le style sont excellents ainsi que la frustration d'avoir été légèrement berné par la promo du film.
En attendant si vous aviez adoré le premier, vous adorerez le second qui conserve les qualités en ajoutant plus d'épique dans la réalisation (les plans au drone sont parfaits) mais qui hélas conserve en partie les défauts de son prédécesseur.
Espérons que cette suite rencontre elle aussi le succès qu'elle mérite, car malgré cette écriture un peu maladroite sur le dernier acte bon sang ce que ce genre de film fait du bien à notre cinéma !
Mais si le succès est suffisamment grand pour mettre en chantier un troisième volet, il faudra vraiment replacer les mousquetaires au coeur du récit et cesser de vouloir en garder pour un autre film. Pour cette fois ça passe, mais à force cela pourrait finir par casser.
note : 3.5/5