Dune Première Partie - La Partie Facile ?

Forcément, avec autant de personnages il y a des sacrifiés

En découvrant qu'une nouvelle bande annonce de Dune - Deuxième Partie avait été dévoilée, j'ai réalisé deux choses : la première c'est que trop d'images tuent le mystère et la seconde que nous aurions déjà du assister au spectacle de cette suite !

Et oui, Denis Villeneuve l'avait promis suite au succès de la première partie en 2021 : il était chaud patate à l'idée de mettre la suite en boîte et celle-ci mettrait deux ans maximum à arriver sur nos écrans.

Hélas, la double-grève des scénaristes puis des acteurs aurait privé le film d'une promotion digne de ce nom, résultat au lieu de novembre 2023 ce sera pour février 2024 ! Trois petits mois me direz vous, mais lorsqu'un film découpé en deux parties achève sa première sur une promesse alléchante la patience ne devient pas la qualité première du spectateur !

Mais alors que je ruminais en me disant que les deux films que je veux le plus découvrir ne seront pas pour tout de suite (le second étant Kubi de Kitano) j'ai réalisé une chose : oui nous sommes très nombreux à avoir adoré le premier volet, mais ne s'agissait-il pas de la partie facile ? 

Je veux plus de Sardaukars dans la suite !

Le cas de Lynch

Je vais y aller franco si il y a bien un cinéaste dont je suis 100% réfractaire au style, c'est bien David Lynch car bien que je ne nie pas la beauté de certaines séquences mises en boîte par le plus étrange des réalisateurs j'ai toujours vu dans ce cinéma une oeuvre pompeuse qui donne l'impression d'être plus malin que la moyenne si on prétend avoir aimé ou compris un film signé Lynch. 

Pourtant aussi paradoxal que cela puisse paraître je suis plutôt de ceux qui défendent sa version de Dune réalisée en 1984. 
Certes on se doute bien qu'il y a une maison de production derrière le réalisateur qui l'a contraint à couper plein de choses voir à rajouter toutes ces voix off et effectivement le visuel des boucliers de combat est l'un des pires effets spéciaux du monde. 

Mais si on prend la première heure et demi du film de 1984... Techniquement Lynch adapte fidèlement l'oeuvre de Franck Herbert : le complot des Harkonnen, le Baron obèse flottant, l'attaque d'Arrakeen et la fuite de Paul Atréides, l'épreuve de la boîte... Sans rire on peut critiquer le film pour son approche un peu trop What the Fuck et le jeu très approximatif de certains comédiens (j'adore Sting mais j'ai tellement l'impression de voir une version live des microbes d'Il Etait une fois la Vie quand je regarde Feyd-Rautha dans ce film) mais en matière d'univers Lynch a plutôt bien respecté le roman, alors pourquoi tant de monde parle de purge ?

Réponse en deux points : voix off et survol du récit. 

En effet l'aspect le plus agaçant du film est cette voix-off quasi-constante qui va sans arrêt nous raconter ce que nous sommes en train de voir.
Il est vrai que le cinéma de Lynch est imbitable difficile d'accès, mais là il y a peut être exagération !
Résultat une scène du roman sensée être lourde en suspense devient ridicule car comment craindre pour la vie de Paul Atréides lorsque quand celui-ci se fait surprendre par un appareil mortel la mise en scène se contente d'un plan fixe, d'un acteur qui regarde dans le vide et d'un doubleur qui lance un "bon, si je reste immobile tout ira bien, car c'est un appareil à détection de mouvement, par contre dès que je vais bouger sa piqûre sera mortelle". 

Enfin le premier tome de la saga littéraire compte pas loin de 900 pages, et la production a visiblement cru qu'une telle brique serait adaptable en un seul film de deux heures et dix minutes ! 

Résultat alors que la première heure et demi transposait plutôt fidèlement l'intrigue de la première moitié du roman, Lynch ne se retrouvait plus qu'avec quarante minutes pour les 450 pages restantes... Vous sentez venir la douille ? 

Bref sans être non plus complètement à jeter (les scènes de batailles à dos de Shai Hulud ne sont pas mauvaises) le dernier acte du film de Lynch est un bâclage complet (qui n'est pas à mettre à la charge du cinéaste clairement broyé par ses maîtres) qui a donné lieu à deux légendes fausses : Dune par David Lynch est une vraie daube et Dune par Franck Herbert est inadaptable au cinéma. 

Concernant cette seconde idée il faut dire qu'après le cas de Alejandro Jodorowski qui s'était cassé les dents à tenter de mettre en chantier le film pendant 4 ans c'était la seconde fois qu'un grand nom du Septième Art essuyait un échec cuisant face à l'univers de Muad'dib. 

Et alors, Denis Villeneuve a calmé tout le monde

Et pourtant en septembre 2021 Denis Villeneuve mis presque tout le monde d'accord avec sa nouvelle adaptation. 

Non seulement le casting était judicieux et audacieux (piocher Zendaya, Jason Momoa ou encore Dave Bautista et donc les tirer de leurs univers super-héroïques pour un monde plus adulte était risqué) mais en plus Villeneuve donnait une leçon de mise en scène et rendait les moments les plus ratés du film de 1984 complètement épiques !

Pour reprendre la séquence de Paul attaqué par le chercheur-tueur : en dissimulant Timothé Chalamet derrière un hologramme, Villeneuve nous fait comprendre que l'appareil n'a pas une vision parfaite et qu'en restant immobile Paul a une chance de survie. Et le tout sans prononcer un seul mot, en réservant l'explication via la séquence suivante lorsque le pilote de l'engin sera découvert.

Mais lorsque le film s'est lancé j'ai constaté avec surprise le "Première Partie" affiché sous le titre d'ouverture. C'est que jamais pendant la promo le film n'avait été vendu sous le nom de Dune Part One, on parlait du Dune de Villeneuve, mais en aucun cas de la première partie d'un diptyque. 

Ce n'est qu'une fois le générique de fin lancé qu'on réalise alors que seule la première moitié du roman a été adaptée. Et si on en sort évidemment avec une vraie frustration la sensation de bâclage et de gâchis qui était présente au terme du film de 1984 sera elle complètement absente !

C'est là la plus grande qualité du film : son réalisateur a lu le roman, il l'adore et il savait qu'un film ne suffirait jamais à adapter correctement le premier tome. 

De plus quel était le dernier film de SF au cinéma avant Dune ? Réponse : L'Ascension de Skywalker... Soit un film que personnellement j'ai adoré découvrir en salles mais qui était bien trop rushé et qui a laissé beaucoup d'amateurs de SF sur leur faim.

Dune - Première Partie prend ainsi la forme d'une double promesse : celle d'un nouvel univers de cinéma de science-fiction après l'échec de la trilogie Star Wars de Disney ainsi que celle d'une deuxième partie qui ferait oublier le carnage du final de David Lynch. 

Les gars, on compte sur vous ne vous foirez pas !

Dune - Deuxième Partie : là, il pourra tenter des choses

En fait bien que la première partie comporte la patte de Villeneuve avec son ton très contemplatif, il faut bien avouer que pour le moment le gaillard a fait un excellent travail de retranscription mais sans véritables ajouts notables à une exception près (allez deux si on compte l'"araignée" géante).

Une séquence par ailleurs mémorable où l'amour du cinéaste pour la partie Harkonnen transpire de chaque plan : le rituel des Sardaukars sur Salusa Secundus. Une scène très courte mais qui suffit à elle seule à justifier l'efficacité des troupes impériales lors de la bataille d'Arrakeen : un chaman qui bénit les hommes avec un chant inspiré des mongols tandis que les corps de soldats sacrifiés se vident de leur sang et que la pluie glaciale ne semble nullement affecter les combattants. 

Et c'est justement sur ce genre de séquence que reposent mes espoirs pour la seconde partie. 

La première était un spectacle époustouflant un chouya longuet pour ceux qui découvriraient l'univers pour la première fois, mais le film ne prenait pas non plus de gros risques. On pourrait même dire de façon un peu gratuite que Villeneuve a décalqué le montage du film original pour l'enchaînement des séquences. Mais avec un univers aussi riche et difficile d'accès comment pouvait-il en être autrement ? 

Par contre la deuxième moitié du roman est bien plus classique dans son déroulement puisqu'il va s'agir essentiellement de la guérilla menée par Paul et ses Fremen contre l'occupant Harkonnen. 

De l'aveu même de son réalisateur, cette suite sera un film d'action et de guerre truffée de moments épiques ! Et si je me réjouis d'avance à l'idée de voir un fight entre Josh Brolin et Dave Bautista, j'ai également une crainte : Villeneuve va-t-il se contenter de balancer du spectacle ?

Connaissant le goût pour le hors champ du gaillard, j'ai envie de croire que non. De plus la séquence des Sardaukars évoquée plus haut semble témoigner de l'envie qu'a Villeneuve de développer ce que le roman ne montrait pas, parce que aussi dingue que cela puisse paraître pour un pavé de mille pages, il y avait parfois de sacrées ellipses et trous dans le lore !

Par exemple Gurney Halleck dans le roman voue une haine incommensurable contre Rabban Harkonnen, mais Herbert n'a pas accordé de place à leur confrontation finale : tout juste savons nous que Gurney l'a emportée. Même chose pour le personnage de Chani dont on nous fait toute une tartine pour finalement lui consacrer à peine quelques pages...

Toutes ces imperfections, Villeneuve va pouvoir les gommer et offrir aux personnages ce que l'auteur lui même n'a pu leur offrir faute de place, mais d'un autre côté il y a tellement de nouveautés et de personnages complexes (dont un, l'Abomination qui a déjà été teasé) qu'il va falloir également caser... Et cette fois pas moyen de lorgner sur le montage de Lynch pour composer... 

Et si vous pensiez qu'adapter la seconde moitié du premier tome serait le plus gros chantier de Villeneuve, alors laissez moi vous parler du tome 2 dont le cinéaste souhaite également signer une adaptation. 

Le Messie de Dune, le plus gros défi

Lorsque je suis arrivé à la fin de la dernière page du premier tome de la saga, je me suis empressé de me rendre en librairie pour acheter la suite. 
Et là patatras ! Un petit bouquin de même pas 300 pages... Cruelle déception entre un premier volet aussi épais et un troisième épisode de 600 pages. 

Et pourtant si je vous disais qu'il m'a fallu presque autant de temps pour lire ce tome 2 que pour lire le tome 1 ? 

Déjà comme son nom l'indique Le Messie de Dune est très porté sur la religion (un point très important de l'univers déjà pas mal exploité par Villeneuve) et on ne va pas se le cacher faire un film sur un conflit entre plusieurs groupes religieux ne va pas être simple dans l'époque brillante que nous traversons.

De plus le premier épisode est certes complexe, mais il comporte suffisamment d'action et de péripéties pour maintenir l'intérêt du lecteur/spectateur et le pousser à continuer avec à chaque fois une attente récompensée par une révélation ou une bataille épique.

Mais dans ce tome 2 il faudra vraiment attendre le dernier acte pour que les choses bougent pour de bon, les deux premiers étant très psychédéliques (à tel point que je l'avoue j'ai du relire certains chapitres deux fois de suite pour être certain d'avoir saisi ce que l'auteur voulait me raconter). 

Pour le coup, c'est à se demander en lisant le bouquin si Lynch ne s'était pas planté de tome à adapter à l'époque, parce qu'un récit aussi étrange ne pourrait que convenir au style du réalisateur !

Deux films épice et tout ?

Mais nous n'en sommes pas encore là, et si il est évident dans l'esprit de Villeneuve qu'un troisième film doit conclure l'arc de Paul Atréides rien n'a encoré été confirmé par la Warner, d'autant que les chiffres du premier film sans être mauvais n'ont pas non plus été exceptionnels. 

Mais à présent que nous sommes sortis de la pandémie, des restrictions à la con et que les plateformes commencent à perdre en intérêt pour de plus en plus de monde, peut être que Dune - Deuxième Partie sera le carton au box office qu'aurait du être la première moitié. 

Peut être qu'avec son ton résolument plus guerrier Villeneuve saura attirer plus de monde et apporter au cinéma une nouvelle saga de SF digne de ce nom qui motiverait les studios à adapter le reste des ouvrages de Herbert ? Après tout, cela fait des années qu'Hollywood cherche une nouvelle franchise pour prendre la suite des grosses machines adaptées de romans, et Villeneuve pourrait bien prouver qu'il n'y a pas que la littérature jeunesse qui peut donner de grandes sagas cinématographiques !

Réponse donc le 28 février en salles pour découvrir si Villeneuve aura su transformer l'essai.