Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ma dose de cinéma

Broken Flowers - Bill Murray en Rose et Noir

Publié le 15 Novembre 2023 par Gaffeur in Drame,, Comédie, Romance, Bill Murray, Jim Jarmush

ça c'est de la distribution !

ça c'est de la distribution !

Question cinéma américain indépendant difficile de faire plus célèbre et efficace que Jim Jarmush. 
En effet bien que très discret et pas très prolifique (seulement une douzaine de films en 40 ans de carrière) le gaillard aura forcément croisé votre route au moins une fois. 

Ghost Dog et son Forrest Whitaker en tueur d'élite, Dead Man et sa relecture crépusculaire du western ou encore The Dead don't Die qui revisita les zombies sous un angle plus poussiéreux, la filmographie de Jarmush couvre tellement de registres que chaque amoureux de cinéma aura eu au moins une ou deux occasions de découvrir son univers lent et poétique. 

Régulièrement sélectionné dans de grands festivals, ce n'est pourtant qu'avec Broken Flowers que le réalisateur obtint l'une des rares récompenses de sa carrière (le Grand Prix du festival de Cannes 2005) avec la Caméra d'Or obtenue en 84. 

N'étant d'ordinaire pas fan des comédies romantiques et pas forcément un grand client du cinéaste, je dois dire que le film avait tout pour me passer très loin au dessus. Mais fort heureusement si le cinéma nous offre son lot de déceptions, il peut parfois nous apporter de très bonnes surprises !

Attention, le rose est synonyme des emmerdes qui arrivent !

Attention, le rose est synonyme des emmerdes qui arrivent !

L'anti film de drague

En grand nom du cinéma indépendant qu'il est, Jim Jarmush ne s'est jamais laissé influencer pour revisiter un registre cinématographique. 
Loin des fusillades nerveuses et des truands survoltés du 7ème Art, Ghost Dog proposait des affrontements rares et menés avec minutie et lenteur par le personnage principal tandis que les zombies d'ordinaire couverts de sang allaient chez Jarmush se dissoudre en cendres sans la moindre salissure. 

Ainsi lorsque le cinéaste s'attaquera au film amoureux, et plus particulièrement au film de tombeur il ne fera bien entendu pas comme les autres et livrera une histoire à des années lumières de ce que l'on attend traditionnellement de ce genre de scénario. 

Loin de nous présenter un personnage principal tombeur ou bien un homme fou amoureux de sa compagne, Broken Flowers nous propose l'histoire d'un Don Juan rattrapé par les années de conquêtes qui n'ont jamais débouché sur une relation sérieuse. 

Lorsqu'il reçoit une lettre rose non signée lui annonçant qu'il est le père d'un garçon qu'il aurait eu 19 ans plus tôt, Don Johnston se met ainsi à la recherche de candidates parmi ses nombreuses petites amies de l'époque afin de découvrir laquelle serait l'auteur de la lettre. 

Avec cette histoire plutôt originale, Jarmush déconstruit l'image du séducteur en plaçant enfin ce genre de personnage devant les conséquences de leurs actes. En effet si la plupart du temps les films à l'eau de rose feront rencontrer aux protagonistes la personne qui mettra un stop en forme de mea culpa à leur vie de conquêtes, Jarmush choisit de montrer un homme qui n'a pas eu droit à cette rencontre unique et qui se retrouve seul.

Des surprises constantes

Ainsi notre Bill Murray préféré semble au départ se désintéresser totalement du courrier, mais après quelques longues séquences de silence et de solitude dans sa grande maison vide de toute activité, l'homme semble avoir besoin de croire à l'existence de ce fils inattendu. 

Spécialiste du film à saynètes (Coffee and Cigarettes, Dead Man) Jarmush va s'amuser à propulser son acteur fétiche sur les routes et à le balader d'ex-petite amie en ex-petite amie. 

Ce faisant il confrontera le Don Juan aux conséquences de son style de vie : certaines femmes sont encore sous le charme de ce bellâtre qui les amusait tant tandis que d'autres ont refait leurs vies... Certaines mêmes n'ont pas eu de chance et ne réserveront pas un accueil des plus chaleureux à Don. 

Mais quoi qu'il en soit les retrouvailles ne seront jamais identiques aux précédentes et la surprise restera la pièce maîtresse de ces "sketches" toujours colorés.

Qu'il s'agisse d'un repas extrêmement gênant avec le nouveau chéri de Frances Conroy, du style vestimentaire de la fille de Sharon Stone ou encore de l'entrevue quasi mystique avec Jessica Lange, le film divertit autant qu'il étonne à chaque rencontre.

Dommage qu'il y ait toujours des entre-deux. 

 

Attention, malaise bien palpable en approche

Attention, malaise bien palpable en approche

Putain c'est looooooooong

Et oui, comme je le disais plus haut Jarmush n'est pas vraiment un cinéaste adepte de la vitesse et du montage frénétique. 
Alors certes j'apprécie quand un réalisateur prend le temps de raconter son histoire et ne nous surcut pas un film, mais là il y a peut être exagération.

Préfigurant les longueurs assommantes de Paterson, Broken Flowers est rempli de longues séquences appuyant sur la solitude du personnage principal. 

Bill Murray qui s'ennuie sur son canapé... Bill Murray qui s'ennuie dans un hôtel... Bill Murray qui s'ennuie au diner... Le film prend parfois des allures de 50 nuances d'emmerdes de Bill Murray a un point que ça en devient limite comique. 

Alors certes la démarche du réalisateur est perceptible et plutôt louable, comme si il infligeait une punition à ce personnage pas franchement attachant pour avoir joué avec des femmes et leur avoir laissé des séquelles. Mais était-il nécessaire de faire aussi long ? 

Quid de la fin ?

Et me voilà donc à la fin du film avec cet étrange sensation de ne pas savoir si j'en sors frustré ou bien si au contraire cette frustration n'indiquerait pas que Jarmush a réussi son coup ? 

C'est que mine de rien l'animal s'amuse à semer des indices et contre indices à chaque fois que son héros croise une nouvelle ex-copine et on se prendra au jeu au point d'étudier chaque réplique et comportement qui pourrait dévoiler l'identité de la mère potentielle. 

Mais les dernières minutes prennent une tournure assez maladroite lorsque Don va se confronter à son voisin et lui faire part d'une théorie qui vous aura sans doute traversé l'esprit en visionnant le film, avant que le montage n'apporte une nouvelle rencontre inattendue qui semble un peu gratuite et improbable. 

On n'y croit pas vraiment au cours de cette ultime séquence certes amusante et un poil gênante mais qui a été en quelque sorte parasitée par la précédente. 

Alors, comme ça vous habitez l'immeuble ?

Alors, comme ça vous habitez l'immeuble ?

A chaque fois que j'ai découvert un film de Jarmush, mon avis a toujours été très tranché : soit j'adorais le résultat et le ton, ou bien au contraire je n'adhérais absolument pas et regrettais d'avoir gâché deux heures de mon temps. 

Mais Broken Flowers pour le coup est le premier à me laisser indécis : d'un côté le concept est accrocheur et les surprises ne manquent pas mais de l'autre les longueurs sont vraiment nombreuses et la fin ne convainc pas vraiment. 

Par conséquent la consigne si vous choisissez de vous y frotter sera la même que pour chacune des autres réalisations de Jarmush : soyez conscients de sa lenteur et que le concept va soit vous séduire soit vous rebuter. 

Note : 3/5

Commenter cet article