De nos jours les séries épiques à gros budget ont le vent en poupe : Game of Thrones, House of the Dragon, Spartacus, Rome, les live action Star Wars, Strike Back... Mine de rien en l'espace d'une quinzaine d'années les show télévisés ont très bien su se renouveler et sortir du carcan de la série classique façon Fox au format 24 épisodes de 40 minutes.
Pourtant si vous pensiez qu'il a fallu attendre HBO pour que la télévision nous offre des séries dignes du cinéma, vous vous trompez lourdement car le début des années 80 a été assez généreux niveau fresques à gros budget : Shogun adapté de James Clavell (et dont Disney prépare un remake qu'ils n'ont pas intérêt à foirer) emporta le public en plein Japon féodal tandis que Nord et Sud se déroulait pendant la Guerre de Sécession.
C'est cette dernière dont nous allons nous occuper ici car contrairement à Shogun, Nord et Sud ne souffre pas d'un manque d'action et de moyens et a été étalée sur plusieurs saisons (trois pour être exact).
Il me faut vous prévenir si comme moi vous souhaitiez découvrir la série qu'il vaudrait mieux ne jamais lancer la troisième, car oui nous sommes bien en présence de ce genre de série qui n'a pas su s'arrêter à temps.
L'histoire d'une déchirure
Contrairement à ce que l'on pourrait croire de prime abord, Nord et Sud n'est pas une série axée à 100% sur la Guerre de Sécession mais bel et bien sur le contexte historique et politique qui a conduit à cette terrible guerre.
A travers les personnages de Georges Hazard et Orry Main tous deux nouvelles recrues à West Point pendant les années 1850, le scénario va nous dépeindre la situation de l'époque dans les régions du Nord et celles du Sud.
Orry étant sudiste et Georges appartenant au Nord, l'amitié va rapidement être rattrapée par les brouilles entre les états séparatistes ainsi que par les jalousies familiales.
La série a ainsi pour elle de ne pas précipiter bêtement son casting au coeur de scènes de batailles épiques retraçant la Civil War américaine et de prendre son temps pour développer les situations et personnalités de chaque personnage.
Du valeureux Orry à la dure à cuire Virgilia sans oublier la garce Ashton qui ferait passer Cersei Lannister pour une sainte, les protagonistes ne manquent pas de saveur et on se prendra rapidement à ce délicat numéro d'équilibriste.
Une série de personnages
La première saison va ainsi traiter de la montée des tensions entre les différents états tout en évitant le piège de faire des sudistes les méchants et des nordistes les gentils.
C'est d'ailleurs là l'un des points les plus étonnants de la série car malgré son grand âge certaines séquences sont assez audacieuses et il est assez remarquable de voir que les sudistes sont loin d'être montrés comme de sanguinaires esclavagistes. Certes beaucoup de figures du Sud ne seront pas glorieuses et le sort des esclaves ne sera pas édulcoré, mais il est surprenant qu'une série ait osé en 82 ne pas mettre tout le monde dans le même panier et et faire un show à la gloire du Nord.
L'Histoire est ainsi tempérée par les histoires fictives des deux familles qui illustreront un fait terrible : pendant une guerre, les deux camps souffrent et ce conflit ne peut être résumé aussi simplement qu'une lutte pour la libération des noirs.
Certains ont vu l'occasion dans le conflit de profiter des ressources du Sud et n'étaient pas plus choqués par le traitement des esclaves tandis que Orry Main bien que propriétaire d'une plantation est loin du Calvin Candy de Django Unchained.
C'est cette capacité qu'a la série de constamment rabattre les cartes autour du destin de ses personnages en les faisant s'entrecroiser au fil des congrès, des mariages puis des batailles qui vont réserver tout un tas de surprises, assurant ainsi un rythme très plaisant même en saison une où l'action est rarissime.
Des moyens exceptionnels
Cela dit même si la première saison ne sera pas là pour faire dans l'épique, les moyens seront déjà déployés avec des costumes d'époque parfaits : les robes des femmes sont splendides tandis que le soucis du détail ira jusqu'à la chemise du moindre figurant.
Clairement les créateurs de la série se sont donnés les moyens de réaliser une reconstitution inédite à la télévision et même quarante ans plus tard on reste parfois pantois devant la qualité du spectacle qui s'offre à nous.
Evidemment en terme de spectacle il faudra attendre la saison deux dont les six épisodes (au passage chaque épisode de la série dure 1h30, bon à savoir) se dérouleront entre 1861 et 1865 afin de couvrir l'intégralité de la guerre.
Les férus d'histoire seront ainsi ravis de découvrir des moments historiques cruciaux tandis que le spectacle sera à la hauteur des évènements en question ! Chaque épisode mettra en scène une à deux batailles de masses tandis qu'il y aura des escarmouches très régulièrement.
La poudre parlera beaucoup en saison deux et certaines séquences sont aujourd'hui encore très impressionnantes notamment la terrible bataille d'Antietam Creek à laquelle les showrunners ont consacré pas moins d'un quart d'heure ! C'est que aujourd'hui encore c'est ce jour là que l'Amérique a perdu le plus de compatriotes en une seule fois (même les pertes du 6 juin 1944 ou les victimes du 11 septembre n'ont pas atteint les chiffres d'Antietam, c'est vous dire).
Bref on se dit que quand aujourd'hui HBO se vante d'avoir placé un plan-séquence dans un épisode de Game of Thrones où les figurants étaient moins nombreux que dans Nord et Sud, on se dit que la chaîne pourrait revoir sa copie avant de la ramener !
Arrêtez vous après la saison deux
Hélas ! Si j'aurai aimé vous dire que la trilogie Nord et Sud était parfaite, ce ne sera pas le cas car le troisième acte sonne tellement pièce rapportée qu'on ne pourra pas vraiment y adhérer.
Je vais être franc mais lorsque j'ai découvert que huit ans séparaient les saisons 2 et 3, que Patrick Swayze n'avait pas voulu reprendre son rôle de Orry Main et que même le roman de base de John Jakes a été pour certains écrit pour rembourser des dettes, je dois avouer que je partais avec une crainte.
Mais même si je n'avais pas eu toutes ces idées en tête les vingt premières minutes de la saison 3 m'auraient découragé tout de même d'aller jusqu'au bout (j'assume, je n'ai pas tenu au delà).
Les raisons sont multiples : les recasts sont si nombreux qu'on sent venir l'entreprise douteuse, la photographie est devenue abjecte et les rebondissements sont dignes des pires telenovelas.
Lorsque le récap des saisons précédentes commence par "Untel que tout le monde croyait mort a en fait survécu de façon tout à fait inexplicable" ça sent déjà mauvais, mais quand en plus on tue gratuitement dès les premières minutes un personnage culte ça se met à carrément puer la merde ! Et le pire c'est qu'au début on se dit que ce n'est pas possible, que le personnage ne peut pas être mort d'une façon aussi rapide et bête mais ce sera pourtant bel et bien le cas ma bonne dame !
Bref peut être que je trouverai un jour le courage de la regarder car il y a bien un arc ou deux que j'aimerai bien découvrir, mais après deux premières saisons aussi qualitatives la transition était trop forte.
Nord et Sud n'a en soi pas à rougir face aux grosses machines actuelles, et si à l'instar de Shogun (dont je parlerai plus tard) la série n'est plus tellement citée et risque de tomber dans l'oubli on tient malgré tout un incontournable si la période vous intéresse.
Certes la saison trois ne donne pas envie et commence par trop de sacrilèges pour donner envie de poursuivre, mais les deux autres forment un diptyque très complet et qui en prime se suffirait à lui même !
Parce que tout le monde sera d'accord pour dire que le plan final de la saison deux formait une fin plus que satisfaisante pour une épopée flamboyante et des personnages que nous avons adoré pendant 12 épisodes.
Epargnez vous ainsi la désagréable surprise de voir vos personnages favoris se faire ainsi cracher dessus par la troisième et faites comme ci elle n'existait pas.
Note : 4/5