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Ma dose de cinéma

Les Tuniques Bleues Tome 67 - Du Feu sur la Glace

Publié le 26 Octobre 2023 par Gaffeur in Hors série, Critique

Après un tome 66 réussi, le nouveau duo Lambil/Kris transforme-t-il l'essai ?

Après un tome 66 réussi, le nouveau duo Lambil/Kris transforme-t-il l'essai ?

Aujourd'hui je me permettrais (pardon hein, c'est mon blog) exceptionnellement de ne pas parler de cinéma mais d'une série de bandes dessinées qui me tient particulièrement à coeur : Les Tuniques Bleues.
Une série publiée chez les éditions Dupuis créée en 1968 par Louis Salvérius et Raoul Cauvin et qui tranchait avec les BD franco-belges de l'époque : si le ton reste humoristique il s'agit tout de même d'aborder la Guerre de Sécession ainsi que les guerres indiennes entre 1861 et 1864.
Les personnages principaux sont le Sergent Chesterfield, un soldat brave mais parfois limité intellectuellement et le caporal Blutch dont on apprendra bien vite qu'il n'aime pas l'armée.
Tous deux appartiennent au 22ème régiment de cavalerie de l'Union Nordiste dont le bleu des uniformes donne son nom à la série.
Hélas Salvérius décéda à seulement 38 ans au cours de l'écriture de Outlaw le quatrième tome.
ll fut alors remplacé au dessin par Willy Lambil qui depuis n'a jamais abandonné la série à une exception près (le tome 65 signé Munuera et Béka) et nous a constamment offert des dessins de grande qualité. 

Petit historique

Je me souviens encore du premier album que j'ai lu : En Avant, l'amnésique, 29ème tome que mon père m'avait fait découvrir alors que nous rentrions de OK Corral et que j'avais dit avoir adoré les uniformes des soldats nordistes de l'un des spectacles du parc. 
Ayant dévoré l'album rapidement, mon père me confia les deux autres qu'il avait en sa possession : Grumbler et Fils et Vertes Années
Depuis la recherche de chaque tome a rythmé mon enfance et mon adolescence tandis que je continue à acheter chaque année le nouvel album... Et souvent plus par habitude que par réelle passion. 

C'est que mine de rien la série en est aujourd'hui à 67 tomes (combien de BD franco-belges peuvent se vanter d'une telle longévité ?) et malheureusement bien que la toile de fond historique soit très riche en matières d'anecdotes et de faits réels pouvant servir de base à un scénario, Cauvin a fini par tourner en rond. Pire, à partir du 50ème tome (le moins bon selon moi) l'auteur n'hésitait plus à recycler certaines histoires pour les croiser entre elles et livrer des albums qui revisitaient deux voir trois vieux tomes. C'est bien simple sur les 15 derniers opus signés par Cauvin, les 2/3 ne présentaient aucun intérêt. 

Et puis un funeste jour pour le 22ème de cavalerie, le 19 août 2021 pour être exact, Cauvin chargea une dernière fois aux côtés de l'increvable capitaine Stark pour atteindre le ciel. Cette fois-ci, Stark, Chesterfield et Blutch revenaient du combat encore plus seuls que d'habitude.

Mais la fin n'avait pas sonné pour la série qui s'était offert un sursaut avec le tome 65 (L'envoyé Spécial) scénarisé par Munuera et Béka. Un album à part qui fut publié avant le 64ème car Cauvin se sentant décliner avait demandé à faire une pause, les éditions Dupuis décidèrent alors de publier à l'avance le 65ème pour assurer la sortie annuelle.
Le dessin n'était pas le même, mais Munuera et Béka avaient réussi non seulement à rendre un vibrant hommage à Cauvin et Lambil (dommage qu'il n'y avait rien sur Salvérius) mais en plus à offrir aux Tuniques ce qui leur faisait défaut depuis une quinzaine d'années : une histoire touchante, avec une base historique intéressante, des messages bien sentis et une narration riche en surprises. 

Mais ce tome n'était qu'une parenthèse et après la sortie du 64ème qui hélas coïncida presque à la mort de Cauvin, Kris fut appelé à la rescousse au scénario tandis que Lambil du haut de ses 85 ans continuait de dessiner les aventures. 

 

Un tel niveau à 87 ans, j'ai envie de dire merci monsieur Lambil

Un tel niveau à 87 ans, j'ai envie de dire merci monsieur Lambil

Plus adulte et se servant bien de l'univers

D'une manière j'ai presque honte de l'écrire étant donné que les histoires de Cauvin ont rythmé mes vacances pendant de nombreuses années, mais l'arrivée de Kris au scénario pour Irish Melody couplée aux dessins toujours excellents de Lambil m'avait fait espérer que la série avait enfin trouvé un second souffle et un nouveau scénariste à la hauteur des meilleurs tomes de Cauvin. A la limite on pourrait critiquer quelques incohérences (Chesterfield se bat à Antietam en 1862 en tant que fantassin, mais étant données toutes les batailles livrées par nos cavaliers sa présence à pieds est assez anachronique) mais les derniers tomes de Cauvin n'avaient pas pour principale qualité de respecter les précédents.

Mais un album réussi peut n'être qu'un coup de chance et la suite sera parfois décevante (à titre personnel j'ai du mal avec les nouveaux Astérix et pourtant en lisant l'album chez les Pictes j'avais envie d'y croire et je ne parle pas des derniers Lucky Luke).

Avec Du Feu sur la Glace, Kris signe ici son deuxième scénario et... Transforme l'essai sans difficulté !

On ressent bien dans le déroulement de l'intrigue ainsi que par les thématiques parfois dramatiques abordées (le stress post-traumatique, la faim, le massacre des tribus indiennes...) que Kris a aussi scénarisée l'excellente saga en quatre tomes Notre Mère la Guerre dont la représentation de 14/18 a visiblement laissé des traces chez le scénariste. 

L'auteur a la bonne idée de laisser tomber la campagne verdoyante dans laquelle la série était enlisée depuis longtemps pour enfin proposer une nouvelle histoire du côté des Indiens et du Commandant Appeltown, et je dois bien le dire quel plaisir de retrouver ainsi les cavaliers du fort ainsi que le crush de Chesterfield !

Ce retour n'est en prime pas vain car l'arc de Chesterfield va enfin marquer une vraie évolution, à tel point que j'en suis venu à me demander si Kris n'était pas en train de nous diriger vers un point final à la saga... Que j'accueillerai volontiers si l'écriture reste aussi qualitative. 

Attention bien que le ton de Kris ait renoué avec une approche sérieuse de la guerre (ce qui était le cas des 45 premiers, jusqu'à ce que Cauvin éloigne la série des batailles) l'humour ne sera pas en reste avec des échanges toujours aussi savoureux entre le sergent et le caporal.
Et puis à titre personnel j'avoue avoir eu un sourire aussi narquois que satisfait lorsque ce siroteur fou de Stillman a enfin eu ce qu'il méritait depuis longtemps !

Pas si développé comme personnage, mais on appréciera sa dimension presque mystique

Pas si développé comme personnage, mais on appréciera sa dimension presque mystique

Un album plaisant à regarder

Quand j'y pense, 87 ans et Willy Lambil est toujours là pour dessiner les planches des Tuniques Bleues. C'est en soi déjà très respectable mais quand en prime le niveau de détail reste aussi haut, c'est tout simplement bluffant. 

Le scénario sans en dire trop permettra au dessinateur de nous régaler avec beaucoup d'environnements différents et des conditions climatiques que nous n'avions pas revues sérieusement depuis Les Cousins d'en Face (le 23ème tome donc... C'est dire si l'hiver n'a pas beaucoup embêté nos amis). 

Le coup de crayon de Lambil illustre à la perfection les situations écrites par Kris et nous offrira par ailleurs de très belles images d'action, Kris ayant renoué avec les combats on ne se contentera pas d'une ou deux planches de bataille comme nous y étions habitués depuis douze ans. 

Entre l'histoire et les dessins, le duo d'auteurs/scénaristes confirme qu'ils étaient faits pour travailler ensemble et que la saga revit depuis leur coopération. Mais je ne saurai me laisser aveugler par mon enthousiasme car il y aura malgré tout un MAIS ou deux. 

Quelques couacs

Pour commencer le titre du volume nous laisse présager un épisode en proie aux flammes ce qui finalement ne sera pas tellement le cas tandis que les indiens bien que présents n'auront pas vraiment une grosse incidence sur l'aventure. Le chaman notamment apporte avec lui une note de fantastique mais la fin de son arc frustre plus qu'autre chose bien que cela puisse être sujet à interprétation. 

Mais surtout il y a le personnage du cartographe qui est tout simplement insupportable ! Un anarchiste amoureux de la nature, à la limite pourquoi pas mais en plus lui donner un côté vegan avant l'heure... Bon sang ce que je déteste quand un auteur place un sujet contemporain dans une époque antérieure. 

Mais bon étant donné les rapports qu'entretiennent les personnages principaux avec lui on peut difficilement voir le cartographe comme de la propagande ultra bobo vegano, plus comme l'emmerdeur ultime...
Bon pour le coup si je n'aime pas du tout le personnage je ne peux pas en dire autant de son traitement par Kris !

Enfin bien que le dessin de Lambil soit comme je le disais de très grande qualité la plupart du temps il y a malgré tout des cases ratées, notamment lorsque certains personnages sont tout simplement bâclés : Amélie Appeltown n'a plus du tout le même faciès et lorsque Chesterfield pénètre dans le chariot du cartographe j'ai du relire la page une seconde fois car j'ai cru qu'il s'agissait de Blutch !

Certains pourraient critiquer le changement graphique du 65ème tome (en oubliant au passage que ce n'est pas la première fois que nos héros changeaient de traits, c'était bien la troisième en fait) mais au moins on n'avait jamais le doute sur le personnage à l'image, ce qui n'est hélas pas le cas sur les récents albums dessinés par Lambil.

Bilan

Vous l'aurez compris en tant que fan des Tuniques Bleues ce 67ème volet a consolidé la confiance que je plaçais en Kris et Lambil pour poursuivre dignement la série après la mort de Cauvin. 

Certes on n'atteint pas encore le même degré de culte que certains des meilleurs albums de la saga, mais en deux tomes seulement le duo a réussi à réactiver quelque chose qui n'était plus présent en moi depuis bien longtemps : me rendre impatient d'acheter le prochain tome avec la certitude d'y trouver une excellente histoire. 

On n'achète plus Les Tuniques Bleues par habitude ou pour la collection, mais bien parce que la flamme est ravivée !

 

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