A la croisée des chemins entre les westerns spaghettis de Sergio Leone ou Sergio Corbucci pour ne citer qu'eux et les western comiques façon On l'appelle Trinita est sorti en 1973 une véritable pépite : Mon nom est Personne. Coréalisé par Sergio Leone et Tonino Valerii, le film parvenait à mélanger la nostalgie de l'Ouest sauvage représenté par un Henri Fonda vieillissant et les loufoqueries du jeune Terrence Hill, comme un passage de relais entre les deux registres.
Rien d'étonnant donc à ce que deux années plus tard une sorte de fausse suite soit mise sur les rails.
Un génie, deux associés, une cloche a beau donner à son personnage principal un véritable nom de nombreux indices quand à la filiation entre les deux oeuvres : la tenue de Terrence Hill strictement identique, sa façon de raconter des histoires, l'évocation de la fin des légendes de l'Ouest et même le fait que Hill porte un nom reste cohérent car le personnage devenait quelqu'un à la fin du film précédent.
Mais cette fois ci une différence de taille allait changer la donne : Sergio Leone ne participerait que très peu au projet, 95% du film étant mis en chantier par Damiano Damiani.
Et sans avoir à rougir du résultat, le gaillard n'a hélas pas su reproduire le casse que fut Mon nom est Personne deux ans auparavant.
Bon courage pour trouver une bonne version
Avant toute chose il me semble très important de vous avertir au cas où vous compteriez (re)découvrir le film : non seulement les DVD sont rares (et encore plus sont ceux vendus à un prix décent, certains vendeurs savent qu'ils possèdent une pièce rare et n'hésitent pas à demander jusqu'à 50 balles pour le disque) mais en plus la copie a été effectuée par un véritable criminel.
Parce que si vous pensiez que Suicide Squad ou Justice League étaient les pires exemples de films charcutés, vous n'avez encore jamais vu la version DVD du film !
C'est bien simple depuis que j'ai abîmé la bande VHS de l'enregistrement fait par mes parents quand j'étais gosse je n'ai jamais pu retrouver une version complète du film : le DVD est ainsi amputé de deux séquences. La première nous permet d'échapper à une séquence de chanson bien gênante donc ce n'est pas plus mal. Mais là où cela devient problématique c'est lorsque la seconde coupe prive le public d'un monologue du personnage principal quand à son plan pour s'emparer de 300 000 dollars en beaux billets verts...
Et sur internet me direz vous ? Déjà officiellement c'est interdit mais en prime ceux qui ont essayé sont parfois tombés sur des versions carrément amputées du prologue et du plan final...
Oui, si vous voulez voir le film vous allez devoir vous armer de patience et croiser les doigts pour tomber sur la version complète. Hold my beer !
Un scénario plombé par le montage...
Vous pourriez me dire que après tout, ce n'est pas bien grave car une comédie repose surtout sur ses gags plutôt que sur l'ingéniosité de son histoire.
C'est un raccourci facile mais pas tout à fait exagéré, et dans le cas présent il ne se vérifiera pas car même si on intégrait la séquence des explications de Joe on pourrait facilement en perdre notre latin.
Il sera effectivement question d'une grosse arnaque visant à doubler un cupide commandant de cavalerie et à s'emparer d'un gros paquet de pognon en se faisant passer pour un colonel.
En soi cela paraît simple, mais entre les nombreux personnages secondaires, les séquences purement Terrence Hill-sesques et les très nombreuses fois où les personnages seront trahis par leurs alliés et réciproquement on a très vite l'impression de se retrouver devant un vrai bordel.
Damiano Damiani n'a pas le style de Leone et cela se voit avec un exemple très simple : les huit premières minutes sont réalisées par le génie de la trilogie du dollar. Et en l'espace de huit petites minutes, Leone livre presque un court métrage transpirant son style avec gros plans sur les visages, tension renforcée par le hors champ, très peu de coup de feu et un retournement final bien fourbe avec une pointe d'humour noir.
Et dès que cette petite leçon de mise en scène est achevée le film bascule dans les mains de Damiani avec un raccord douteux qui annoncera la couleur pour la non-fluidité du montage pour le reste du film.
... mais pas si bête !
C'est d'autant plus regrettable qu'en soi l'histoire fonctionnerait bien : un duo de filous qui se chamaillent constamment avec une relation je t'aime moi non plus façon Blondin et Tuco, une demoiselle en apparence bête mais bien plus lucide que prévu, des cavaliers, des indiens...
Si on n'avait pas cette sensation de ne pas tout saisir pour au final se dire que Joe réécrit le scénario en fonction des besoins du montage le tout ne serait pas désagréable. D'ailleurs désagréable le film ne l'est pas car en dépit d'un enchaînement de scènes souvent maladroit les péripéties s'enchaînent il faut le dire sans temps mort tandis que le casting et les dialogues permettent de s'accrocher.
C'est que mine de rien le film propose une ou deux guest stars assez mémorables tel que Klaus Kinski pour une confrontation mémorable en début de film tandis que Patrick McGoohan saura dès son premier plan marquer les esprits avec sa présence menaçante et son ton pédant.
Mais contrairement à Mon nom est Personne le film ne compte pas apporter une touche de drama ou de nostalgie et les méchants ne seront jamais bien méchants et n'auront jamais le dernier mot.
La barbe... La barbe ! C'est ça la clé de tout !
Avec un titre pareil en même temps difficile d'espérer du film quelque chose de sérieux. Pourtant et ce sera bien là l'une de ses deux grandes qualités (la première étant évidemment la musique magistrale de Morricone) Un génie, deux associés, une cloche est drôle. Très drôle même avec même quelques touches qu'on pourrait qualifier de cultes !
Terrence Hill est évidemment irrésistible à chaque apparition et nous réservera de fabuleux numéros comiques, on songe à la séquence avec le sergent instructeur ou à l'intrusion dans la chambre d'une jeune femme.
La surprise se trouvera du côté de Robert Charlebois qui campe un métis Indien nommé Locomotive et qui assume mal ses origines peaux-rouges.
Un personnage hilarant toujours dépassé par la situation et donc forcément jouissif avec des aspects géniaux tels que son incapacité à toucher une cible mouvante.
Enfin Miou-Miou (oui oui il y a Miou-Miou dans le film) apporte une touche de charme légèrement agaçante mais souvent drôle avec quelques réparties bien servies à l'égard de Locomotive.
Le film a beau être très maladroit dans son découpage on ne peut pas dire que le temps soit long devant une si généreuse dose de dialogues truffés de sous entendus acides. Finalement la sauce finira par prendre et bien qu'on soit à mille lieux de son illustre prédécesseur, Un génie, deux associés, une cloche tient debout.
On ne retrouve pas l'alchimie du mélange des genres du chef d'oeuvre de Leone et Valerii, mais en même temps on sent que ce n'était pas du tout le but de Damiani, en témoigne la différence de ton flagrante entre le prologue de Leone et tout le reste.
Si vous avez un jour la chance de dénicher une version digne de ce nom du film, surtout n'hésitez pas si les westerns et les comédies trouvent grâce à vos yeux. Certes le tout ne sera jamais réévalué comme un chef d'oeuvre, mais on a connu de pires façons de se divertir en riant un bon coup.
Note : 3/5