C'est officiel le mois de novembre sera celui de la sortie française du Garçon et le Héron le dernier/ou pas dernier film du génie de l'animation japonaise Hayao Miyazaki.
Etant donné que la promo occidentale va à l'encontre de la stratégie du réalisateur quand à sa distribution au Japon (aucune image n'avait été dévoilée jusqu'au jour de la sortie) j'ai décidé de jouer le jeu et de ne regarder aucune bande-annonce de ce que le public japonais a qualifié d'animation Lynchienne.
N'étant pas fan de David Lynch j'avoue que cela m'a un peu refroidi, aussi ai-je entrepris de redécouvrir certains des meilleurs films de Miyazaki.
Jusqu'ici j'avais adoré comme beaucoup la paix qui émanait de Totoro ainsi que la virtuosité en matière de bestiaire du Voyage de Chihiro tandis que Le Château de Cagliostro m'a introduit à l'univers de Lupin III, mais il y en a un qui m'avait complètement échappé lors de mon premier visionnage.
Ce film c'est Princesse Mononoké. Et à l'instar du Garçon et le Héron qui a été traduit par des truffes (le titre original serait plutôt Et vous comment vivez vous ?) le titre français ne m'a jamais vraiment poussé à m'y intéresser, parce que grâce à la firme aux grandes oreilles dans mon esprit associer les mots "princesse" et "animation" ne peuvent que donner des oeuvres pour gamins.
Mais quand on sait que le titre japonais signifie plutôt L'Esprit Mononoké on se dit que le film doit regorger de magie et de mystères plutôt que d'histoires de princesse, ce qui sera effectivement le cas Miyazaki ayant vingt ans d'avance sur les autres studios d'animation.
Franchement toutes les princesses Disney peuvent aller se faire cuire une omelette face à cette guerrière
Entre histoire et fantaisie
Alors que le Japon est déchiré par des guerres entre seigneurs, le village de Ashitaka est pris d'assaut par un sanglier pris de folie.
Après un combat sans merci, Ashitaka parvient à abattre l'animal mais il ne parvient pas à empêcher le mal qui rongeait son ennemi de l'atteindre.
Gravement blessé, le jeune guerrier entreprend de partir au coeur de la forêt afin de trouver un moyen de lever sa malédiction. Là il va rencontrer un village qui se heurte à une meute de loups menée par une jeune femme.
Comme souvent au cours de sa filmographie, Miyazaki prend pour toile de fond une période historique pour y apporter sa touche de poésie.
Cette fois-ci c'est l'époque féodale qui sera le théâtre de son film, aussi les amoureux de samouraïs et batailles à l'arc et au sabre ne devraient pas être déçus de ce côté là !
A ces guerres historiques va ainsi se greffer une grosse part de magie avec beaucoup de créatures légendaires et d'animaux géants.
Derrière la quête de Ashitaka va ainsi se dérouler une histoire aux enjeux bien plus importants que la survie du jeune homme, une lutte entre deux camps qui aujourd'hui encore trouvera un écho dans notre actualité.
Prenez en de la graine les écolos
Si il a fallu attendre de traverser deux canicules et deux années de sécheresses pour que les auto-proclamées élites se réveillent sur l'importance de la nature dans notre quotidien, Miyazaki était déjà sur le pied de guerre en 97 !
Si en apparence on assiste à la lutte de deux femmes fortes (Mononoké et Dame Eboshi) et à un conflit entre voisins comme les conflits médiévaux pouvaient se dérouler à l'époque, Princesse Mononoké est avant tout un plaidoyer pour la préservation de la nature.
Plutôt que de connement se coller au sol, de balancer des soupes sur la Joconde ou de faire crever des poissons avec du colorant le cinéaste imagine une histoire où les animaux pourraient se révolter et attaquer directement les humains responsables de la disparition de leur forêt.
Sans en faire trop le scénario met en garde contre la destruction de la planète et le progrès et permet ainsi une double lecture parfaite pour satisfaire un vaste public : les plus jeunes (mais pas trop tout de même car le film est assez violent) apprécieront le spectacle d'une charge de sangliers face à des arquebusiers tandis que les adultes frémiront devant le sort du Dieu-cerf.
Visionnaire
Non seulement le message principal du film étant très avant-gardiste mais en prime Miyazaki réussissait là où les studios d'aujourd'hui se cassent les dents sous couvert de pseudo-progressisme.
Ashitaka a beau être le héros de l'histoire, ce sont bien Mononoké et Dame Eboshi qui vont retenir notre attention tant ces deux femmes débordent de charisme et de poésie.
Loin des clichés de l'époque le film propose des figures féminines fortes, et loin des clichés d'aujourd'hui il ne tombe pas dans la surenchère en ne plaçant aucun personnage au dessus des autres.
Chaque personnage a ses forces et ses faiblesses, chacun aura besoin de l'autre et tous auront tout intérêt à s'allier devant une cause commune.
Sans Ashitaka, Mononoké n'est plus. Sans Mononoké, Ashitaka n'est plus et Eboshi n'aurait plus de raison de se battre.
Miyazaki parvient ainsi à instaurer une complémentarité entre ses personnages qui deviendront chacun une facette de l'Humain qu'il faudra apprendre à faire cohabiter pour éviter de détruire davantage le monde.
Un message de tolérance, de préservation et de paix.
Miyazaki y est arrivé en 97 et aujourd'hui sous la pression woke les studios n'y arrivent jamais.
La folie des images
Comment aborder un film des studios Ghibli sans s'attarder sur la qualité de son animation ?
Les créatures et personnages du film bénéficient tous d'un soin incroyable et leur animation sera d'une fluidité exemplaire surtout pour un film qui a déjà presque trente ans.
Mais la beauté des images sera parfois contrastée par la violence de certaines situations. Comme je le disais plus haut le film va traiter des guerres entre samouraïs et de ce côté là Miyazaki ne compte pas édulcorer les choses (c'est que le cinéaste a passé les premières années de sa vie pas loin des bombes).
On passe ainsi de la poésie du défilé des Sylvains à la brutalité des flèches d'Ashitaka qui emportent bras et têtes comme s'il s'agissait de munitions de magnum.
Des images qui resteront gravées dans nos mémoires pendant bien longtemps après la fin du film.
Je ne sais pas de quelle trempe sera Le Garçon et le Héron, mais si Miyazaki a su conserver la virtuosité, la poésie et ce sens de l'écriture de ses héros je peux dire sans trembler que le film sera un incontournable.
Princesse Mononoké est à mes yeux l'une des meilleures idées du cinéaste, avec un discours lucide, pertinent et traité avec un sens du spectacle époustouflant.
A l'instar de Mon Voisin Totoro, on en veut encore plus et on se dit que deux heures ne rendent peut être pas assez hommage au matériau de base. Preuve qu'on se trouve en présence d'un très grand film.
Note : 4.5/5