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Ma dose de cinéma

Parasite - Masterclass Coréenne

Publié le 15 Juillet 2023 par Gaffeur in Critique, Drame,, Comédie, Suspense, Bong Joon-ho, Song Kang-ho, Corée

Tellement de récompenses que les mecs ont du cropper l'affiche US

Tellement de récompenses que les mecs ont du cropper l'affiche US

Déjà célèbre pour son magistral Memories of Murder, Bong Joon-ho colla la claque de la dernière décennie au festival de Cannes 2019. 
Avec mon affection toute relative pour ce festival qui finalement n'est qu'un rassemblement d'élites qui votent pour les copains neuf fois sur dix, je m'étais évidemment méfié de la Palme d'Or attribuée à Parasite

Mais contrairement à beaucoup de prix qui récompensent surtout un sujet d'actualité, Parasite lui a continué de tout rafler jusqu'à marquer l'histoire en devenant le premier film asiatique à remporter les quatre oscars principaux : Réalisateur, Film, Scénario et Film en langue étrangère. 

Et si d'ordinaire j'ai tendance à me méfier lorsqu'un film rafle tout comme si aucun autre n'avait existé, pour une fois je dois bien avouer que le succès n'était pas excessif et que s'il y a bien un film qui a mérité l'intégralité de ses récompenses ces quinze dernières années, c'est bien celui-ci !

Comme quoi, l'originalité et la mise en scène peuvent encore l'emporter, bien que le film soit lui aussi ne nous voilons pas la face une oeuvre très actuelle sur fond de lutte des classes. Mais ce qui le fait sortir du lot c'est que contrairement à la concurrence il saura aborder le thème avec subtilité, humour et originalité. 

Dans le genre fusil de Tchekhov

Dans le genre fusil de Tchekhov

Pitch

Dans une grande ville de Corée du Sud, une famille pauvre survit en accumulant les jobs minables et en squattant le wi-fi de ses voisins.
Un jour, le meilleur ami de leur fils leur apprend qu'il va partir à Chicago pour des études et qu'il voudrait que Ki-woo surveille sa petite amie Da-hye en devenant son professeur d'anglais. Celle-ci étant l'aînée d'une famille très bourgeoise, Ki-woo devra se faire passer pour un étudiant et mentir sur sa condition pour pouvoir décrocher le poste. 
Parvenant à séduire la maîtresse de maison, Ki-woo se demande s'il ne pourrait pas faire embaucher sa soeur au sein de la demeure. 

Polar social ? Comédie noire ? 

Tout au long de sa carrière, Bong Joon-ho n'a eu de cesse de parfaitement mélanger des genres très éloignés les uns des autres. 
Snowpiercer démarrait comme un film post apocalyptique puis se mutait en oeuvre révolutionnaire en modifiant son ton presque à chaque franchissement de wagon tandis que Memories of Murder couplait enquête policière à la Seven avec une dose de second degré tristement crédible étant donné la manière dont la police avait géré l'enquête à l'époque. 

Pour Parasite, le cinéaste va débuter son film comme une fable avec cette famille de très pauvres qui a l'occasion de mettre un pied chez les riches par l'intermédiaire de leur fils. En résultera ainsi une première heure très drôle où le plan machiavélique des Kim va se dévoiler au fur et à mesure pour très rapidement porter ses fruits. 

Mais évidemment avec Bong Joon-ho rien n'est jamais simple et le film opérera progressivement une bascule dans le thriller avec les rebondissements les plus imprévisibles qui soient. Soudain la peur et la pression s'invitent dans le récit et ne quitteront plus les personnages jusqu'au terrible dénouement, avec comme point culminant une partie de cache cache d'une bonne vingtaine de minutes où l'expression "retenir son souffle" prend tout son sens. 

Le diable se cache dans les détails

Le plus jubilatoire dans tout ça réside dans le soucis du détail qu'a apporté Bong Joon-ho à son film. 
Qu'il s'agisse de la perfection de la mise en scène avec des chorégraphies parfois millimétrées à la perfection pour faire frissonner le public ou bien tout simplement de l'écriture des personnages et situations, Bong Joon-ho livre l'un des films les plus aboutis de l'histoire du cinéma.

A l'instar de ma découverte de Pulp Fiction lorsque j'avais quinze ans, j'ai revu le film une deuxième fois tout de suite après la première car Parasite est de ces films qui cachent tellement de détails qu'on est conscients une fois arrivé au bout d'avoir raté des détails ou des indices. 

Pour ne rien vous cacher j'ai du visionner le film peut être six fois depuis que j'ai déniché le DVD et il m'arrive encore de repérer certaines subtilités. 
Certes le film peut dérouter par son approche assez inédite du conflit social, mais s'il vous touche vous prendrez rapidement conscience de sa générosité et de ce qu'il aura à vous offrir à chaque visionnage. 

Les deux révélations du film

Les deux révélations du film

Un thème enfin traité subtilement

Comprenez moi je ne dis pas que les drames sociaux made in France ou USA sont mauvais, mais j'ai vraiment du mal à m'intéresser à des films qui reposent sur des acteurs qui jouent à fond la tristesse et la colère jusqu'à quasiment donner des idées suicidaires au public. 

Avec Parasite, Bong Joon-ho va évoquer la condition des plus pauvres et l'aisance des plus riches mais sans tomber dans le tire larmes et en préférant rester dans la fable. 

Là encore son film regorge de détails tels que l'emplacement de la maison des Park ou la position des toilettes chez les Kim. Même les noms des personnages ne sont pas choisis au hasard puisque Kim et Park sont parmi les patronymes les plus communs de la péninsule coréenne. 

Mais la grande force du film concerne l'alchimie de son casting. Qu'il s'agisse des interprètes des Park ou des Kim tous parviennent à rendre leur famille de cinéma cohérente et à rendre palpables leurs liens. Là encore les Kim semblent très soudés et partagent absolument tout alors qu'en face les Park ont beau être plein aux as on ressent malgré tout une certaine fragilité. 

Là encore les pauvres sont plus riches en humanité et en ressources pour améliorer leur situation là où la famille bourgeoise est enlisée dans ses problèmes et ne semblent pas savoir comment en sortir. 

Bong Joon-ho ne juge aucun de ses personnages mais il saura tous les creuser et les rendre attachants à tel point qu'à la fin du film on aura l'impression de connaître chaque protagoniste sur le bout des doigts. Rarement un casting n'avait été aussi bien choisi et traité : personne n'est mis de côté et chacun aura son importance à un moment venu. 

Des sourires qui cachent bien des choses

Des sourires qui cachent bien des choses

Un final fort mais un peu précipité

Malheureusement malgré toute l'affection que je porte à cette bombe cinématographique, je ne peux toujours pas m'empêcher de penser que le climax est tout de même un petit peu facile. 

Oui il y a du suspense, oui le choc est violent et oui le pétage de plombs est on ne peut plus compréhensible, mais j'ai malgré tout un peu de mal à accepter que tout se résolve de manière aussi brusque et sanguinolente (oui si le film est interdit aux moins de douze ans c'est principalement pour son final). 

Ou bien... Ou bien ? Ou bien il s'agit tout simplement de ce sentiment de tristesse que l'on ressent lorsqu'un grand film touche à sa fin et qu'on en voudrait tout simplement plus ? Oui... En fait je crois que c'est ça !

Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour découvrir des séquences inédites qui nous permettraient d'explorer encore davantage ce fabuleux décor qu'est la maison des Park ? Ou encore des moments supplémentaires pour que Ki-jung démontre ses talents de manipulatrice ? 

La véritable faiblesse de Parasite, c'est de ne durer que deux heures.
Deux heures d'une générosité et d'une ingéniosité sans limites à travers lesquelles la perfection est atteinte et qui donnent envie d'une troisième, puis d'une quatrième... Ce qui sera en quelque sorte le cas puisque chaque nouveau visionnage vous permettra de voir les scènes sous un angle différent et de scruter l'écran pour trouver ce qui vous a échappé la fois précédente. 

Note : 5/5

 

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