Cinéaste assez rare, Sam Mendes a acquis une réelle notoriété ces dix dernières années pour avoir dynamité le style 007 avec Skyfall et Spectre puis à travers la prouesse technique que fut 1917 et son histoire en temps réel en faux long plan-séquence unique.
Beaucoup sont restés sur le carreau et n'ont pas vraiment adhéré à la vision qu'avait Mendes du meilleur espion de Sa Majesté ou à sa façon d'aborder le premier conflit mondial. Pourtant la capacité du réalisateur de s'approprier un genre "spectaculaire" pour en tirer une oeuvre intimiste ne date pas d'hier, on pense notamment à Jarhead qui évoquait la Guerre du Golfe du point de vue d'un sniper qui ne recevait jamais l'ordre de tirer.
Mais il y a un film un peu moins connu que les autres qui mérite toute votre attention si vous avez appréciée la démarche de Mendes lors des films cités ci-dessus.
Sorti en 2002, Les Sentiers de la Perdition n'est que le deuxième film réalisé par Sam Mendes, et pourtant il s'agit de l'un de ses meilleurs notamment de part son approche très originale du film de gangsters !
Vous aimez les films sur la mafia des années 30 avec leurs tueurs en costume trois pièces faisant cracher leurs mitraillettes pour un oui ou pour un non ? Alors vous n'êtes pas prêts pour cette histoire qui saura vous prendre à rebrousse-poil.
Pitch
Hiver 1931 dans l'Illinois : Michael Sullivan Junior et son frère Peter grandissent sous l'autorité de leur père, l'un des hommes de confiance du maître de la ville John Rooney. Un soir tandis que Mike est de plus en plus intrigué par l'emploi de son père, le garçon se cache dans la voiture et assiste à un triple meurtre commis par son père ainsi que Connor le fils de Monsieur Rooney.
Lorsque celui-ci est mis au courant de l'incident, il décide de ne prendre aucune mesure et de faire confiance au jeune Mike. Malheureusement la jalousie de Connor envers les Sullivan en décidera autrement.
Les hommes derrière les tueurs
Comme à son habitude, Sam Mendes a pris un genre vu et revu cent fois et l'a revisité à sa sauce en s'intéressant de plus près aux hommes de main de la pègre.
Ces figures traditionnellement limitées à des rôles de porte-flingues facilement éliminables par la police ou un gang rival vont dans Les Sentiers de la Perdition être des pères de familles, des fils ou des maris, bref les truands de Mendes sont des hommes avant d'être des tueurs.
La grande force du film sera ainsi d'avoir utilisé une histoire banale de règlements de comptes et de trahisons pour développer le lien entre un assassin et son jeune fils témoin de plusieurs tueries.
Mais le concept ne s'arrêtera pas aux personnages de Tom Hanks et de Tyler Hoechlin puisque les Rooney bénéficieront eux aussi d'un développement basé sur les relations père/fils.
Toute cette tragédie ne sera alors qu'une triste conséquence des rapports froids entretenus par les pères envers leurs fils respectifs.
La petite histoire dans la grande
Mais ne baissez pas les bras, si vous aimez les voyous qui tirent quand les discussions traînent trop, le film n'oublie pas de remplir son contrat à ce propos !
Car derrière les personnages fictifs vont agir en toile de fond les hommes d'Al Capone (qui hélas n'apparaît pas dans le film suite à une coupe au montage) qui comptent bien empêcher la vendetta de Michael Sullivan de pourrir leurs affaires.
Exécutions sommaires, tueurs à gages dangereux et effrayants, arrosage à la mitraillette thompson seront donc bel et bien de la partie, mais à la sauce Sam Mendes !
Celui-ci ne filme jamais une scène d'action sans lui apporter un ton spécifique, et ce sera le cas à travers chaque fusillade : un pistolet sorti de sa cachette à cause des basses produites par un club clandestin, une rafale silencieuse, un duel à courte portée dans une chambre d'hôtel... Aucune scène d'action ne ressemble à ce que le genre a proposé auparavant.
S'il est avant tout un drame familial, le film n'en demeure pas moins un film de gangsters efficace et original.
Une galerie de gueules à contre emploi
Et pour camper ces assassins et parrains vieillissants, Mendes s'est entouré d'une sacrée brochette d'acteurs qui surprendront dans un domaine où on ne les attendait pas.
Dire que Tom Hanks est impeccable serait gaspiller mon temps car chacun sait que l'acteur est un gage de qualité vivant. Les surprises viennent plutôt des seconds rôles Daniel Craig et Jude Law.
Le premier campe un jeune voyou rêvant de prendre la place de son père et dont les manigances ne connaissent aucune limite tandis que le second sidère en tueur à gages photographe à l'hygiène discutable.
Si à l'époque on nous avait dis que Craig finirait par jouer 007 et que Jude Law serait à tout jamais un sex-symbol, on ne l'aurait pas cru !
Malgré ses nombreuses qualités, affirmer qu'il faut adhérer au style de Mendes pour apprécier Les Sentiers de la Perdition à sa juste valeur serait peu dire.
Parce que même si aujourd'hui je le recommande chaudement, la première fois je me souviens avoir été déboussolé par le ton du film ainsi que son rythme.
Pourtant celui-ci est logique : un père qui protège son fils d'une bande de mafieux ne peut pas jouer du flingue sans réfléchir d'où un rythme façon road movie qui ne laissera pas souvent de place à l'action.
A l'instar d'un Tarantino, d'un Kitano ou d'un Scorsese il faut être conscient que l'on va plonger dans l'univers d'un réalisateur et que sa vision ne sera pas celle des yes men à la botte des studios.
A cette condition, vous passerez très certainement un excellent moment devant cette vengeance en forme de rédemption familiale. Mais si vous espérez du film une histoire classique de voyous avec des fusillades toutes les vingt minutes, vous risquez d'y laisser quelques plumes.
Note : 3.5/5