Lorsque ce cinquième volet des aventures d'Indy a été annoncé, le public fut parcouru d'une étrange sensation : d'un côté le terrible Royaume du Crâne de Cristal ne donnait pas envie d'une suite tandis que de l'autre on se disait que si Harrison Ford se sentait encore assez en forme malgré son grand âge pour offrir une conclusion plus réussie à son personnage, on n'allait pas cracher dessus !
La production du film a continué d'entretenir en moi ce paradoxe : entre le fait que Spielberg n'allait pas réaliser le film puis la blessure qui a frappé rapidement Harrison Ford, je me disais que Indy était à présent trop vieux pour tenir sur tout un film. Mais en même temps on se retrouvait avec Mads Mikkelsen dans la peau du méchant et surtout James Mangold aux commandes du projet, soit le gars qui s'est enfin payé une réputation digne de ce nom dans la pop culture pour son génial Logan.
Finalement la curiosité l'a emportée et les premiers retours étant plutôt bons (et surtout bien loin de la douche froide lors de la sortie du quatrième volet) je me suis dis que merde, si Indiana Jones faisait ses adieux qui était-je pour refuser d'y assister ?
Trente minutes de pur bonheur
On nous l'avait promis pendant la promotion, et c'était d'ailleurs l'un des gros arguments de vente de Lucasfilm : un très long prologue avec un Harrison Ford rajeuni numériquement formerait une sorte d'adieu à la version de Indy que nous aimons tant.
Et pour le coup je dois dire que je n'ai absolument pas regretté mon billet devant cette longue introduction où Mangold se fait visiblement plaisir à confronter une nouvelle fois le Dr Jones aux nazis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Entre le trucage tout bonnement époustouflant qui donne l'impression que les images datent d'il y a quarante ans, le rythme, l'inventivité des poursuites et bagarres ainsi que cette touche d'humour bien nostalgique (vous aimez voir Indy coller des pains dans la poire ? Ca tombe bien Mangold aussi) le réalisateur prouve qu'il connait son sujet et qu'il était bel et bien un excellent choix pour orchestrer cette sortie en forme d'hommage.
Et puis l'intrigue liée au cadran de la destinée va commencer, et malheureusement les choses ne seront plus aussi maîtrisées et jouissives.
Les limites de l'âge
Mangold ne va pas chercher à tricher et cacher l'âge de son acteur plus longtemps et nous dévoilera un Dr Jones donnant son dernier cours après avoir dévoilé son physique abîmé et ridé lors d'une première séquence pour le coup assez amusante.
Surgit alors le personnage de Helena campée par Phoebe Waller-Bridge et qui était ma principale crainte : la pire idée du précédent volet était de supposer que Shia Labeouf pouvait reprendre le flambeau.
En se servant astucieusement de l'époque à laquelle il se déroule, le scénario gomme toute trace du comédien mais nous propose à la place la filleule de Indy.
Honnêtement le personnage occupe une bonne place dans le récit, mais son traitement est cohérent avec les seconds rôles que nous apprécions tant dans la trilogie originale (ce n'est pas la première femme aventurière de la saga, et son duo avec Teddy évoque tellement celui que Jones formait avec Demi-Lune qu'on ne peut qu'apprécier un minimum le personnage).
Elle n'est pas là pour supposer qu'elle peut reprendre le chapeau et le fouet, elle participe activement à la quête. Quête qu'Indy ne souhaitait pas entreprendre.
Car c'est là que réside le point qui fâche du film : le scénario et la mise en scène ont conscience de la vieillesse de leur héros, ce qui est une très bonne chose car on évite au maximum les situations ridicules... Mais pas complètement !
Notre Dr Jones se retrouvera malgré lui dans des situations à nouveau rocambolesques et parfois cela sonne trop forcé.
On pense surtout à toute l'action à New York où on ne cesse de se demander pourquoi le personnage agit ainsi quand on ne remarque pas carrément que le montage vient au secours du héros en lui offrant le bénéfice du hors champ pour parcourir une distance qu'un quasi-octogénaire ne pourrait pas traverser aussi rapidement.
Le film laisse ainsi pendant une bonne heure un goût amer dans la bouche, comme si il était arrivé beaucoup trop tard pour offrir à Indy la dernière aventure qu'il méritait.
On ne peut pourtant pas non plus blâmer le rythme qui propose beaucoup d'action avec notamment une sympathique poursuite en touk touk au Maroc qui fonctionne tout de même bien mieux que la partie New-Yorkaise.
Une intrigue qui se réveille à mi parcours
Et c'est alors que j'étais tiraillé entre l'envie de voir Harrison Ford bouger plus mais la conscience que s'il le faisait cela sonnerait trop faux que Mangold a réussi à inverser la vapeur.
Parce que Indiana Jones c'est certes un héros bagarreur et cool, mais c'est aussi la promesse d'une quête dans des décors inquiétants avec un soupçon de fantaisie.
Et autant vous dire que cette deuxième heure fut particulièrement savoureuse avec tous les ingrédients pour une bonne aventure du Dr Jones : explorations d'environnements hostiles, quelques serpents qui traînent, résolution d'énigmes, nazis qui collent au basques des héros, tombeaux, séquences de transition avec le tracé du parcours sur la carte du monde... Tout ce que vous aimiez dans les précédentes aventures va se retrouver dans le dernier tiers pour notre plus grand bonheur.
On pourra alors débattre des quinze dernières minutes qui prennent une tournure aussi fantastique qu'inattendue, mais pour ma part le scénario a su doucement nous préparer à une telle éventualité donc cela ne m'a nullement gêné. Après tout on parle d'un héros qui a trouvé un coffre rempli de fantômes, un chevalier âgé de 1000 ans ou encore qui a été confronté à une secte de sorciers... Et puis je préfère toujours ce final à l'immonde soucoupe volante du Crâne de Cristal.
Maladroit, mais inespéré
Cela va être dur, mais je ne vais pas me laisser complètement envahir par la nostalgie et l'émotion d'avoir assisté en salles aux adieux d'une icône de la pop culture.
Indiana Jones et le Cadran de la Destinée n'est pas situé dans le haut du panier des aventures de l'homme au chapeau et au fouet.
J'aurai aimé pouvoir le dire et je dois dire que j'y ai cru devant le prologue, pourtant c'est le cas il ne dépassera pas la trilogie de Spielberg.
C'est difficile à admettre mais le film est arrivé trop tard de dix ans, et cela se ressent pendant une bonne partie du film avec un Harrison Ford motivé et toujours aussi classe mais qui ne peut pas trop agir pendant les scènes d'action.
De plus on se demande si il ne manque pas une séquence explicative pour Mads Mikkelsen dont on espérait clairement un meilleur développement surtout après la fin du prologue en 1944.
Pour autant ce serait exagéré de dire que le film est raté et qu'on regrette le précédent.
En dépit de nombreuses maladresses James Mangold parvient à raviver la flamme, même s'il lui a fallu une heure pour y parvenir.
Le pari était plus que risqué, mais en reprenant la recette et en l'appliquant différemment tout en adaptant son ambition à l'âge du personnage, le réalisateur parvient à trouver son équilibre pour finalement rendre honneur à la carrière de son protagoniste et en plus lui offrir une sortie digne de la légende qu'il était, qu'il est, et qu'il sera toujours.
Note : 3/5